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les
feuilles
d%e2%80%99automne
texte
entier
les
feuilles
d’automne
le
moment
politique
est
grave
personne
ne
le
conteste
et
l’auteur
de
ce
livre
moins
que
personne
au
dedans
toutes
les
solutions
sociales
remises
en
question
toutes
les
membrures
du
corps
politique
tordues
refondues
ou
reforgées
dans
la
fournaise
d’une
révolution
sur
l’enclume
sonore
des
journaux
le
vieux
mot
pairie
jadis
presque
aussi
reluisant
que
le
mot
royauté
qui
se
transforme
et
change
de
sens
le
retentissement
perpétuel
de
la
tribune
sur
la
presse
et
de
la
presse
sur
la
tribune
l’émeute
qui
fait
la
morte
au
dehors
çà
et
là
sur
la
face
de
l’europe
des
peuples
tout
entiers
qu’on
assassine
qu’on
déporte
en
masse
ou
qu’on
met
aux
fers
l’irlande
dont
on
fait
un
cimetière
l’italie
dont
on
fait
un
bagne
la
sibérie
qu’on
peuple
avec
la
pologne
partout
d’ailleurs
dans
les
états
même
les
plus
paisibles
quelque
chose
de
vermoulu
qui
se
disloque
et
pour
les
oreilles
attentives
le
bruit
sourd
que
font
les
révolutions
encore
enfouies
dans
la
sape
en
poussant
sous
tous
les
royaumes
de
l’europe
leurs
galeries
souterraines
ramifications
de
la
grande
révolution
centrale
dont
le
cratère
est
paris
enfin
au
dehors
comme
au
dedans
les
croyances
en
lutte
les
consciences
en
travail
de
nouvelles
religions
chose
sérieuse
qui
bégayent
des
formules
mauvaises
d’un
côté
bonnes
de
l’autre
les
vieilles
religions
qui
font
peau
neuve
rome
la
cité
de
la
foi
qui
va
se
redresser
peut
être
à
la
hauteur
de
paris
la
cité
de
l’intelligence
les
théories
les
imaginations
et
les
systèmes
aux
prises
de
toutes
parts
avec
le
vrai
la
question
de
l’avenir
déjà
explorée
et
sondée
comme
celle
du
passé
voilà
où
nous
en
sommes
au
mois
de
novembre
1831
sans
doute
en
un
pareil
moment
au
milieu
d’un
si
orageux
conflit
de
toutes
les
choses
et
de
tous
les
hommes
en
présence
de
ce
concile
tumultueux
de
toutes
les
idées
de
toutes
les
croyances
de
toutes
les
erreurs
occupées
à
rédiger
et
à
débattre
en
discussion
publique
la
formule
de
l’humanité
au
dix
neuvième
siècle
c’est
folie
de
publier
un
volume
de
pauvres
vers
désintéressés
folie
pourquoi
l’art
et
l’auteur
de
ce
livre
n’a
jamais
varié
dans
cette
pensée
l’art
a
sa
loi
qu’il
suit
comme
le
reste
a
la
sienne
parce
que
la
terre
tremble
est
ce
une
raison
pour
qu’il
ne
marche
pas
voyez
le
seizième
siècle
c’est
une
immense
époque
pour
la
société
humaine
mais
c’est
une
immense
époque
pour
l’art
c’est
le
passage
de
l’unité
religieuse
et
politique
à
la
liberté
de
conscience
et
de
cité
de
l’orthodoxie
au
schisme
de
la
discipline
à
l’examen
de
la
grande
synthèse
sacerdotale
qui
a
fait
le
moyen
âge
à
l’analyse
philosophique
qui
va
le
dissoudre
c’est
tout
cela
et
c’est
aussi
le
tournant
magnifique
et
éblouissant
de
perspectives
sans
nombre
de
l’art
gothique
à
l’art
classique
ce
n’est
partout
sur
le
sol
de
la
vieille
europe
que
guerres
religieuses
guerres
civiles
guerres
pour
un
dogme
guerres
pour
un
sacrement
guerres
pour
une
idée
de
peuple
à
peuple
de
roi
à
roi
d’homme
à
homme
que
cliquetis
d’épées
toujours
tirées
et
de
docteurs
toujours
irrités
que
commotions
politiques
que
chutes
et
écroulements
des
choses
anciennes
que
bruyant
et
sonore
avènement
des
nouveautés
en
même
temps
ce
n’est
dans
l’art
que
chefs
d’œuvre
on
convoque
la
diète
de
worms
mais
on
peint
la
chapelle
sixtine
il
y
a
luther
mais
il
y
a
michel
ange
ce
n’est
donc
pas
une
raison
parce
que
aujourd’hui
d’autres
vieilleries
croulent
à
leur
tour
autour
de
nous
et
remarquons
en
passant
que
luther
est
dans
les
vieilleries
et
que
michel
ange
n’y
est
pas
ce
n’est
pas
une
raison
parce
qu’à
leur
tour
aussi
d’autres
nouveautés
surgissent
dans
ces
décombres
pour
que
l’art
cette
chose
éternelle
ne
continue
pas
de
verdoyer
et
de
florir
entre
la
ruine
d’une
société
qui
n’est
plus
et
l’ébauche
d’une
société
qui
n’est
pas
encore
parce
que
la
tribune
aux
harangues
regorge
de
démosthènes
parce
que
les
rostres
sont
encombrés
de
cicérons
parce
que
nous
avons
trop
de
mirabeaux
ce
n’est
pas
une
raison
pour
que
nous
n’ayons
pas
dans
quelque
coin
obscur
un
poëte
il
est
donc
tout
simple
quel
que
soit
le
tumulte
de
la
place
publique
que
l’art
persiste
que
l’art
s’entête
que
l’art
se
reste
fidèle
à
lui
même
tenax
propositi
car
la
poésie
ne
s’adresse
pas
seulement
au
sujet
de
telle
monarchie
au
sénateur
de
telle
oligarchie
au
citoyen
de
telle
république
au
natif
de
telle
nation
elle
s’adresse
à
l’homme
à
l’homme
tout
entier
à
l’adolescent
elle
parle
de
l’amour
au
père
de
la
famille
au
vieillard
du
passé
et
quoi
qu’on
fasse
quelles
que
soient
les
révolutions
futures
soit
qu’elles
prennent
les
sociétés
caduques
aux
entrailles
soit
qu’elles
leur
écorchent
seulement
l’épiderme
à
travers
tous
les
changements
politiques
possibles
il
y
aura
toujours
des
enfants
des
mères
des
jeunes
filles
des
vieillards
des
hommes
enfin
qui
aimeront
qui
se
réjouiront
qui
souffriront
c’est
à
eux
que
va
la
poésie
les
révolutions
ces
glorieux
changements
d’âge
de
l’humanité
les
révolutions
transforment
tout
excepté
le
cœur
humain
le
cœur
humain
est
comme
la
terre
on
peut
semer
on
peut
planter
on
peut
bâtir
ce
qu’on
veut
à
sa
surface
mais
il
n’en
continuera
pas
moins
à
produire
ses
verdures
ses
fleurs
ses
fruits
naturels
mais
jamais
pioches
ni
sondes
ne
le
troubleront
à
de
certaines
profondeurs
mais
de
même
qu’elle
sera
toujours
la
terre
il
sera
toujours
le
cœur
humain
la
base
de
l’art
comme
elle
de
la
nature
pour
que
l’art
fût
détruit
il
faudrait
donc
commencer
par
détruire
le
cœur
humain
ici
se
présente
une
objection
d’une
autre
espèce
—
sans
contredit
dans
le
moment
même
le
plus
critique
d’une
crise
politique
un
pur
ouvrage
d’art
peut
apparaître
à
l’horizon
mais
toutes
les
passions
toutes
les
attentions
toutes
les
intelligences
ne
seront
elles
pas
trop
absorbées
par
l’œuvre
sociale
qu’elles
élaborent
en
commun
pour
que
le
lever
de
cette
sereine
étoile
de
poésie
fasse
tourner
les
yeux
à
la
foule
—
ceci
n’est
plus
qu’une
question
de
second
ordre
la
question
de
succès
la
question
du
libraire
et
non
du
poëte
le
fait
répond
d’ordinaire
oui
ou
non
aux
questions
de
ce
genre
et
au
fond
il
importe
peu
sans
doute
il
y
a
des
moments
où
les
affaires
matérielles
de
la
société
vont
mal
où
le
courant
ne
les
porte
pas
où
accrochées
à
tous
les
accidents
politiques
qui
se
rencontrent
chemin
faisant
elles
se
gênent
s’engorgent
se
barrent
et
s’embarrassent
les
unes
dans
les
autres
mais
qu’est
ce
que
cela
fait
d’ailleurs
parce
que
le
vent
comme
on
dit
n’est
pas
à
la
poésie
ce
n’est
pas
un
motif
pour
que
la
poésie
ne
prenne
pas
son
vol
tout
au
contraire
des
vaisseaux
les
oiseaux
ne
volent
bien
que
contre
le
vent
or
la
poésie
tient
de
l’oiseau
musa
ales
dit
un
ancien
et
c’est
pour
cela
même
qu’elle
est
plus
belle
et
plus
forte
risquée
au
milieu
des
orages
politiques
quand
on
sent
la
poésie
d’une
certaine
façon
on
l’aime
mieux
habitant
la
montagne
et
la
ruine
planant
sur
l’avalanche
bâtissant
son
aire
dans
la
tempête
qu’en
fuite
vers
un
perpétuel
printemps
on
l’aime
mieux
aigle
qu’hirondelle
hâtons
nous
de
déclarer
ici
car
il
en
est
peut
être
temps
que
dans
tout
ce
que
l’auteur
de
ce
livre
vient
de
dire
pour
expliquer
l’opportunité
d’un
volume
de
véritable
poésie
qui
apparaîtrait
dans
un
moment
où
il
y
a
tant
de
prose
dans
les
esprits
et
à
cause
de
cette
prose
même
il
est
très
loin
d’avoir
voulu
faire
la
moindre
allusion
à
son
propre
ouvrage
il
en
sent
l’insuffisance
et
l’indigence
tout
le
premier
l’artiste
comme
l’auteur
le
comprend
qui
prouve
la
vitalité
de
l’art
au
milieu
d’une
révolution
le
poëte
qui
fait
acte
de
poésie
entre
deux
émeutes
est
un
grand
homme
un
génie
un
œil
ὀφθαλμός
comme
dit
admirablement
la
métaphore
grecque
l’auteur
n’a
jamais
prétendu
à
la
splendeur
de
ces
titres
au
dessus
desquels
il
n’y
a
rien
non
s’il
publie
en
ce
mois
de
novembre
1831
les
feuilles
d’automne
c’est
que
le
contraste
entre
la
tranquillité
de
ces
vers
et
l’agitation
fébrile
des
esprits
lui
a
paru
curieux
à
voir
au
grand
jour
il
ressent
en
abandonnant
ce
livre
inutile
au
flot
populaire
qui
emporte
tant
d’autres
choses
meilleures
un
peu
de
ce
mélancolique
plaisir
qu’on
éprouve
à
jeter
une
fleur
dans
un
torrent
et
à
voir
ce
qu’elle
devient
qu’on
lui
passe
une
image
un
peu
ambitieuse
le
volcan
d’une
révolution
était
ouvert
devant
ses
yeux
le
volcan
l’a
tenté
il
s’y
précipite
il
sait
fort
bien
du
reste
qu’empédocle
n’est
pas
un
grand
homme
et
qu’il
n’est
resté
de
lui
que
sa
chaussure
il
laisse
donc
aller
ce
livre
à
sa
destinée
quelle
qu’elle
soit
liber
ibis
in
urbem
et
demain
il
se
tournera
d’un
autre
côté
qu’est
ce
d’ailleurs
que
ces
pages
qu’il
livre
ainsi
au
hasard
au
premier
vent
qui
en
voudra
des
feuilles
tombées
des
feuilles
mortes
comme
toutes
feuilles
d’automne
ce
n’est
point
là
de
la
poésie
de
tumulte
et
de
bruit
ce
sont
des
vers
sereins
et
paisibles
des
vers
comme
tout
le
monde
en
fait
ou
en
rêve
des
vers
de
la
famille
du
foyer
domestique
de
la
vie
privée
des
vers
de
l’intérieur
de
l’âme
c’est
un
regard
mélancolique
et
résigné
jeté
çà
et
là
sur
ce
qui
est
surtout
sur
ce
qui
a
été
c’est
l’écho
de
ces
pensées
souvent
inexprimables
qu’éveillent
confusément
dans
notre
esprit
les
mille
objets
de
la
création
qui
souffrent
ou
qui
languissent
autour
de
nous
une
fleur
qui
s’en
va
une
étoile
qui
tombe
un
soleil
qui
se
couche
une
église
sans
toit
une
rue
pleine
d’herbe
ou
l’arrivée
imprévue
d’un
ami
de
collège
presque
oublié
quoique
toujours
aimé
dans
un
repli
obscur
du
cœur
ou
la
contemplation
de
ces
hommes
à
volonté
forte
qui
brisent
le
destin
ou
se
font
briser
par
lui
ou
le
passage
d’un
de
ces
êtres
faibles
qui
ignorent
l’avenir
tantôt
un
enfant
tantôt
un
roi
ce
sont
enfin
sur
la
vanité
des
projets
et
des
espérances
sur
l’amour
à
vingt
ans
sur
l’amour
à
trente
ans
sur
ce
qu’il
y
a
de
triste
dans
le
bonheur
sur
cette
infinité
de
choses
douloureuses
dont
se
composent
nos
années
ce
sont
de
ces
élégies
comme
le
cœur
du
poëte
en
laisse
sans
cesse
écouler
par
toutes
les
fêlures
que
lui
font
les
secousses
de
la
vie
il
y
a
deux
mille
ans
que
térence
disait
plenus
rimarum
sum
hac
atque
illac
perfluo
c’est
maintenant
le
lieu
de
répondre
à
la
question
des
personnes
qui
ont
bien
voulu
demander
à
l’auteur
si
les
deux
ou
trois
odes
inspirées
par
les
évènements
contemporains
qu’il
a
publiées
à
différentes
époques
depuis
dix
huit
mois
seraient
comprises
dans
les
feuilles
d’automne
non
il
n’y
a
point
ici
place
pour
cette
poésie
qu’on
appelle
politique
et
qu’il
voudrait
qu’on
appelât
historique
ces
poésies
véhémentes
et
passionnées
auraient
troublé
le
calme
et
l’unité
de
ce
volume
elles
font
d’ailleurs
partie
d’un
recueil
de
poésie
politique
que
l’auteur
tient
en
réserve
il
attend
pour
le
publier
un
moment
plus
littéraire
ce
que
sera
ce
recueil
quelles
sympathies
et
quelles
antipathies
l’inspireront
on
peut
en
juger
si
l’on
en
est
curieux
par
la
pièce
xl
du
livre
que
nous
mettons
au
jour
cependant
dans
la
position
indépendante
désintéressée
et
laborieuse
où
l’auteur
a
voulu
rester
dégagé
de
toute
haine
comme
de
toute
reconnaissance
politique
ne
devant
rien
à
aucun
de
ceux
qui
sont
puissants
aujourd’hui
prêt
à
se
laisser
reprendre
tout
ce
qu’on
aurait
pu
lui
laisser
par
indifférence
ou
par
oubli
il
croit
avoir
le
droit
de
dire
d’avance
que
ses
vers
seront
ceux
d’un
homme
honnête
simple
et
sérieux
qui
veut
toute
liberté
toute
amélioration
tout
progrès
et
en
même
temps
toute
précaution
tout
ménagement
et
toute
mesure
qui
n’a
plus
il
est
vrai
la
même
opinion
qu’il
y
a
dix
ans
sur
ces
choses
variables
qui
constituent
les
questions
politiques
mais
qui
dans
ses
changements
de
conviction
s’est
toujours
laissé
conseiller
par
sa
conscience
jamais
par
son
intérêt
il
répétera
en
outre
ici
ce
qu’il
a
déjà
dit
ailleurs
et
ce
qu’il
ne
se
lassera
jamais
de
dire
et
de
prouver
que
quelle
que
soit
sa
partialité
passionnée
pour
les
peuples
dans
l’immense
querelle
qui
s’agite
au
dix
neuvième
siècle
entre
eux
et
les
rois
jamais
il
n’oubliera
quelles
ont
été
les
opinions
les
crédulités
et
même
les
erreurs
de
sa
première
jeunesse
il
n’attendra
jamais
qu’on
lui
rappelle
qu’il
a
été
à
dix
sept
ans
stuartiste
jacobite
et
cavalier
qu’il
a
presque
aimé
la
vendée
avant
la
france
que
si
son
père
a
été
un
des
premiers
volontaires
de
la
grande
république
sa
mère
pauvre
fille
de
quinze
ans
en
fuite
à
travers
le
bocage
a
été
une
brigande
comme
madame
de
bonchamp
et
madame
de
larochejaquelein
il
n’insultera
pas
la
race
tombée
parce
qu’il
est
de
ceux
qui
ont
eu
foi
en
elle
et
qui
chacun
pour
sa
part
et
selon
son
importance
avaient
cru
pouvoir
répondre
d’elle
à
la
france
d’ailleurs
quelles
que
soient
les
fautes
quels
que
soient
même
les
crimes
c’est
le
cas
plus
que
jamais
de
prononcer
le
nom
de
bourbon
avec
précaution
gravité
et
respect
maintenant
que
le
vieillard
qui
a
été
le
roi
n’a
plus
sur
la
tête
que
des
cheveux
blancs
paris
24
novembre
1831
i
data
fata
secutus
devise
des
saint
john
ce
siècle
avait
deux
ans
rome
remplaçait
sparte
déjà
napoléon
perçait
sous
bonaparte
et
du
premier
consul
déjà
par
maint
endroit
le
front
de
l’empereur
brisait
le
masque
étroit
alors
dans
besançon
vieille
ville
espagnole
jeté
comme
la
graine
au
gré
de
l’air
qui
vole
naquit
d’un
sang
breton
et
lorrain
à
la
fois
un
enfant
sans
couleur
sans
regard
et
sans
voix
si
débile
qu’il
fut
ainsi
qu’une
chimère
abandonné
de
tous
excepté
de
sa
mère
et
que
son
cou
ployé
comme
un
frêle
roseau
fit
faire
en
même
temps
sa
bière
et
son
berceau
cet
enfant
que
la
vie
effaçait
de
son
livre
et
qui
n’avait
pas
même
un
lendemain
à
vivre
c’est
moi
—
je
vous
dirai
peut
être
quelque
jour
quel
lait
pur
que
de
soins
que
de
vœux
que
d’amour
prodigués
pour
ma
vie
en
naissant
condamnée
m’ont
fait
deux
fois
l’enfant
de
ma
mère
obstinée
ange
qui
sur
trois
fils
attachés
à
ses
pas
épandait
son
amour
et
ne
mesurait
pas
ô
l’amour
d’une
mère
amour
que
nul
n’oublie
pain
merveilleux
qu’un
dieu
partage
et
multiplie
table
toujours
servie
au
paternel
foyer
chacun
en
a
sa
part
et
tous
l’ont
tout
entier
je
pourrai
dire
un
jour
lorsque
la
nuit
douteuse
fera
parler
les
soirs
ma
vieillesse
conteuse
comment
ce
haut
destin
de
gloire
et
de
terreur
qui
remuait
le
monde
aux
pas
de
l’empereur
dans
son
souffle
orageux
m’emportant
sans
défense
à
tous
les
vents
de
l’air
fit
flotter
mon
enfance
car
lorsque
l’aquilon
bat
ses
flots
palpitants
l’océan
convulsif
tourmente
en
même
temps
le
navire
à
trois
ponts
qui
tonne
avec
l’orage
et
la
feuille
échappée
aux
arbres
du
rivage
maintenant
jeune
encore
et
souvent
éprouvé
j’ai
plus
d’un
souvenir
profondément
gravé
et
l’on
peut
distinguer
bien
des
choses
passées
dans
ces
plis
de
mon
front
que
creusent
mes
pensées
certes
plus
d’un
vieillard
sans
flamme
et
sans
cheveux
tombé
de
lassitude
au
bout
de
tous
ses
vœux
pâlirait
s’il
voyait
comme
un
gouffre
dans
l’onde
mon
âme
où
ma
pensée
habite
comme
un
monde
tout
ce
que
j’ai
souffert
tout
ce
que
j’ai
tenté
tout
ce
qui
m’a
menti
comme
un
fruit
avorté
mon
plus
beau
temps
passé
sans
espoir
qu’il
renaisse
les
amours
les
travaux
les
deuils
de
ma
jeunesse
et
quoiqu’encore
à
l’âge
où
l’avenir
sourit
le
livre
de
mon
cœur
à
toute
page
écrit
si
parfois
de
mon
sein
s’envolent
mes
pensées
mes
chansons
par
le
monde
en
lambeaux
dispersées
s’il
me
plaît
de
cacher
l’amour
et
la
douleur
dans
le
coin
d’un
roman
ironique
et
railleur
si
j’ébranle
la
scène
avec
ma
fantaisie
si
j’entre
choque
aux
yeux
d’une
foule
choisie
d’autres
hommes
comme
eux
vivant
tous
à
la
fois
de
mon
souffle
et
parlant
au
peuple
avec
ma
voix
si
ma
tête
fournaise
où
mon
esprit
s’allume
jette
le
vers
d’airain
qui
bouillonne
et
qui
fume
dans
le
rhythme
profond
moule
mystérieux
d’où
sort
la
strophe
ouvrant
ses
ailes
dans
les
cieux
c’est
que
l’amour
la
tombe
et
la
gloire
et
la
vie
l’onde
qui
fuit
par
l’onde
incessamment
suivie
tout
souffle
tout
rayon
ou
propice
ou
fatal
fait
reluire
et
vibrer
mon
âme
de
cristal
mon
âme
aux
mille
voix
que
le
dieu
que
j’adore
mit
au
centre
de
tout
comme
un
écho
sonore
d’ailleurs
j’ai
purement
passé
les
jours
mauvais
et
je
sais
d’où
je
viens
si
j’ignore
où
je
vais
l’orage
des
partis
avec
son
vent
de
flamme
sans
en
altérer
l’onde
a
remué
mon
âme
rien
d’immonde
en
mon
cœur
pas
de
limon
impur
qui
n’attendît
qu’un
vent
pour
en
troubler
l’azur
après
avoir
chanté
j’écoute
et
je
contemple
à
l’empereur
tombé
dressant
dans
l’ombre
un
temple
aimant
la
liberté
pour
ses
fruits
pour
ses
fleurs
le
trône
pour
son
droit
le
roi
pour
ses
malheurs
fidèle
enfin
au
sang
qu’ont
versé
dans
ma
veine
mon
père
vieux
soldat
ma
mère
vendéenne
23
juin
1830
ii
à
m
louis
b
lyrnessi
domus
alta
solo
laurente
sepulcrum
virgile
louis
quand
vous
irez
dans
un
de
vos
voyages
voir
bordeaux
pau
bayonne
et
ses
charmants
rivages
toulouse
la
romaine
où
dans
des
jours
meilleurs
j’ai
cueilli
tout
enfant
la
poésie
en
fleurs
passez
par
blois
—
et
là
bien
volontiers
sans
doute
laissez
dans
le
logis
vos
compagnons
de
route
et
tandis
qu’ils
joueront
riront
ou
dormiront
vous
avec
vos
pensers
qui
haussent
votre
front
montez
à
travers
blois
cet
escalier
de
rues
que
n’inonde
jamais
la
loire
au
temps
des
crues
laissez
là
le
château
quoique
sombre
et
puissant
quoiqu’il
ait
à
la
face
une
tache
de
sang
admirez
en
passant
cette
tour
octogone
qui
fait
à
ses
huit
pans
hurler
une
gorgone
mais
passez
—
et
sorti
de
la
ville
au
midi
cherchez
un
tertre
vert
circulaire
arrondi
que
surmonte
un
grand
arbre
un
noyer
ce
me
semble
comme
au
cimier
d’un
casque
une
plume
qui
tremble
vous
le
reconnaîtrez
ami
car
tout
rêvant
vous
l’aurez
vu
de
loin
sans
doute
en
arrivant
sur
le
tertre
monté
que
la
plaine
bleuâtre
que
la
ville
étagée
en
long
amphithéâtre
que
l’église
ou
la
loire
et
ses
voiles
aux
vents
et
ses
mille
archipels
plus
que
ses
flots
mouvants
et
de
chambord
là
bas
au
loin
les
cent
tourelles
ne
fassent
pas
voler
votre
pensée
entre
elles
ne
levez
pas
vos
yeux
si
haut
que
l’horizon
regardez
à
vos
pieds
—
louis
cette
maison
qu’on
voit
bâtie
en
pierre
et
d’ardoise
couverte
blanche
et
carrée
au
bas
de
la
colline
verte
et
qui
fermée
à
peine
aux
regards
étrangers
s’épanouit
charmante
entre
ses
deux
vergers
c’est
là
—
regardez
bien
c’est
le
toit
de
mon
père
c’est
ici
qu’il
s’en
vint
dormir
après
la
guerre
celui
que
tant
de
fois
mes
vers
vous
ont
nommé
que
vous
n’avez
pas
vu
qui
vous
aurait
aimé
alors
ô
mon
ami
plein
d’une
extase
amère
pensez
pieusement
d’abord
à
votre
mère
et
puis
à
votre
sœur
et
dites
notre
ami
ne
reverra
jamais
son
vieux
père
endormi
hélas
il
a
perdu
cette
sainte
défense
qui
protège
la
vie
encore
après
l’enfance
ce
pilote
prudent
qui
pour
dompter
le
flot
prête
une
expérience
au
jeune
matelot
plus
de
père
pour
lui
plus
rien
qu’une
mémoire
plus
d’auguste
vieillesse
à
couronner
de
gloire
plus
de
récits
guerriers
plus
de
beaux
cheveux
blancs
à
faire
caresser
par
les
petits
enfants
hélas
il
a
perdu
la
moitié
de
sa
vie
l’orgueil
de
faire
voir
à
la
foule
ravie
son
père
un
vétéran
un
général
ancien
ce
foyer
où
l’on
est
plus
à
l’aise
qu’au
sien
et
le
seuil
paternel
qui
tressaille
de
joie
quand
du
fils
qui
revient
le
chien
fidèle
aboie
le
grand
arbre
est
tombé
resté
seul
au
vallon
l’arbuste
est
désormais
à
nu
sous
l’aquilon
quand
l’aïeul
disparaît
du
sein
de
la
famille
tout
le
groupe
orphelin
mère
enfants
jeune
fille
se
rallie
inquiet
autour
du
père
seul
que
ne
dépasse
plus
le
front
blanc
de
l’aïeul
c’est
son
tour
maintenant
du
soleil
de
la
pluie
on
s’abrite
à
son
ombre
à
sa
tige
on
s’appuie
c’est
à
lui
de
veiller
d’enseigner
de
souffrir
de
travailler
pour
tous
d’agir
et
de
mourir
voilà
que
va
bientôt
sur
sa
tête
vieillie
descendre
la
sagesse
austère
et
recueillie
voilà
que
ses
beaux
ans
s’envolent
tour
à
tour
emportant
l’un
sa
joie
et
l’autre
son
amour
ses
songes
de
grandeur
et
de
gloire
ingénue
et
que
pour
travailler
son
âme
reste
nue
laissant
là
l’espérance
et
les
rêves
dorés
ainsi
que
la
glaneuse
alors
que
dans
les
prés
elle
marche
d’épis
emplissant
sa
corbeille
quitte
son
vêtement
de
fête
de
la
veille
mais
le
soir
la
glaneuse
aux
branches
d’un
buisson
reprendra
ses
atours
et
chantant
sa
chanson
s’en
reviendra
parée
et
belle
et
consolée
tandis
que
cette
vie
âpre
et
morne
vallée
n’a
point
de
buisson
vert
où
l’on
retrouve
un
jour
l’espoir
l’illusion
l’innocence
et
l’amour
il
continuera
donc
sa
tâche
commencée
tandis
que
sa
famille
autour
de
lui
pressée
sur
son
front
où
des
ans
s’imprimera
le
cours
verra
tomber
sans
cesse
et
s’amasser
toujours
comme
les
feuilles
d’arbre
au
vent
de
la
tempête
cette
neige
des
jours
qui
blanchit
notre
tête
ainsi
du
vétéran
par
la
guerre
épargné
rien
ne
reste
à
son
fils
muet
et
résigné
qu’un
tombeau
vide
et
toi
la
maison
orpheline
qu’on
voit
blanche
et
carrée
au
bas
de
la
colline
gardant
comme
un
parfum
dans
le
vase
resté
un
air
de
bienvenue
et
d’hospitalité
un
sépulcre
à
paris
de
pierre
ou
de
porphyre
qu’importe
les
tombeaux
des
aigles
de
l’empire
sont
auprès
ils
sont
là
tous
ces
vieux
généraux
morts
un
jour
de
victoire
en
antiques
héros
ou
regrettant
peut
être
et
canons
et
mitraille
tombés
à
la
tribune
autre
champ
de
bataille
ses
fils
ont
déposé
sa
cendre
auprès
des
leurs
afin
qu’en
l’autre
monde
heureux
pour
les
meilleurs
il
puisse
converser
avec
ses
frères
d’armes
car
sans
doute
ces
chefs
pleurés
de
tant
de
larmes
ont
là
bas
une
tente
ils
y
viennent
le
soir
parler
de
guerre
au
loin
dans
l’ombre
ils
peuvent
voir
flotter
de
l’ennemi
les
enseignes
rivales
et
l’empereur
au
fond
passe
par
intervalles
une
maison
à
blois
riante
quoique
en
deuil
élégante
et
petite
avec
un
lierre
au
seuil
et
qui
fait
soupirer
le
voyageur
d’envie
comme
un
charmant
asile
à
reposer
sa
vie
tant
sa
neuve
façade
a
de
fraîches
couleurs
tant
son
front
est
caché
dans
l’herbe
et
dans
les
fleurs
maison
sépulcre
hélas
pour
retrouver
quelque
ombre
de
ce
père
parti
sur
le
navire
sombre
où
faut
il
que
le
fils
aille
égarer
ses
pas
maison
tu
ne
l’as
plus
tombeau
tu
ne
l’as
pas
4
juin
1830
iii
rêverie
d’un
passant
à
propos
d’un
roi
præbete
aures
vos
qui
continetis
multitudines
et
placetis
vobis
in
turbis
nationum
quoniam
non
custodistis
legem
justitiæ
neque
secundum
voluntatem
dei
ambulastis
sap
vi
voitures
et
chevaux
à
grand
bruit
l’autre
jour
menaient
le
roi
de
naple
au
gala
de
la
cour
j’étais
au
carrousel
passant
avec
la
foule
qui
par
ses
trois
guichets
incessamment
s’écoule
et
traverse
ce
lieu
quatre
cents
fois
par
an
pour
regarder
un
prince
ou
voir
l’heure
au
cadran
je
suivais
lentement
comme
l’onde
suit
l’onde
tout
ce
peuple
songeant
qu’il
était
dans
le
monde
certes
le
fils
aîné
du
vieux
peuple
romain
et
qu’il
avait
un
jour
d’un
revers
de
sa
main
déraciné
du
sol
les
tours
de
la
bastille
je
m’arrêtai
le
suisse
avait
fermé
la
grille
et
le
tambour
battait
et
parmi
les
bravos
passait
chaque
voiture
avec
ses
huit
chevaux
la
fanfare
emplissait
la
vaste
cour
jonchée
d’officiers
redressant
leur
tête
empanachée
et
les
royaux
coursiers
marchaient
sans
s’étonner
fiers
de
voir
devant
eux
des
drapeaux
s’incliner
or
attentive
au
bruit
une
femme
une
vieille
en
haillons
et
portant
au
bras
quelque
corbeille
branlant
son
chef
ridé
disait
à
haute
voix
—
un
roi
sous
l’empereur
j’en
ai
tant
vu
des
rois
alors
je
ne
vis
plus
des
voitures
dorées
la
haute
impériale
et
les
rouges
livrées
et
tandis
que
passait
et
repassait
cent
fois
tout
ce
peuple
inquiet
plein
de
confuses
voix
je
rêvai
cependant
la
vieille
vers
la
grève
poursuivait
son
chemin
en
me
laissant
mon
rêve
comme
l’oiseau
qui
va
dans
la
forêt
lâché
laisse
trembler
la
feuille
où
son
aile
a
touché
oh
disais
je
la
main
sur
mon
front
étendue
philosophie
au
bas
du
peuple
descendue
des
petits
sur
les
grands
grave
et
hautain
regard
où
ce
peuple
est
venu
le
peuple
arrive
tard
mais
il
est
arrivé
le
voilà
qui
dédaigne
il
n’est
rien
qu’il
admire
ou
qu’il
aime
ou
qu’il
craigne
il
sait
tirer
de
tout
d’austères
jugements
tant
le
marteau
de
fer
des
grands
événements
a
dans
ces
durs
cerveaux
qu’il
façonnait
sans
cesse
comme
un
coin
dans
le
chêne
enfoncé
la
sagesse
il
s’est
dit
tant
de
fois
—
où
le
monde
en
est
il
que
font
les
rois
à
qui
le
trône
à
qui
l’exil
—
qu’il
médite
aujourd’hui
comme
un
juge
suprême
sachant
la
fin
de
tout
se
croyant
en
soi
même
assez
fort
pour
tout
voir
et
pour
tout
épargner
lui
qu’on
n’exile
pas
et
qui
laisse
régner
la
cour
est
en
gala
pendant
qu’au
dessous
d’elle
comme
sous
le
vaisseau
l’océan
qui
chancelle
sans
cesse
remué
gronde
un
peuple
profond
dont
nul
regard
de
roi
ne
peut
sonder
le
fond
démence
et
trahison
qui
disent
sans
relâche
—
ô
rois
vous
êtes
rois
confiez
votre
tâche
aux
mille
bras
dorés
qui
soutiennent
vos
pas
dormez
n’apprenez
point
et
ne
méditez
pas
de
peur
que
votre
front
qu’un
prestige
environne
fasse
en
s’élargissant
éclater
la
couronne
—
ô
rois
veillez
veillez
tâchez
d’avoir
régné
ne
nous
reprenez
pas
ce
qu’on
avait
gagné
ne
faites
point
des
coups
d’une
bride
rebelle
cabrer
la
liberté
qui
vous
porte
avec
elle
soyez
de
votre
temps
écoutez
ce
qu’on
dit
et
tâchez
d’être
grands
car
le
peuple
grandit
écoutez
écoutez
à
l’horizon
immense
ce
bruit
qui
parfois
tombe
et
soudain
recommence
ce
murmure
confus
ce
sourd
frémissement
qui
roule
et
qui
s’accroît
de
moment
en
moment
c’est
le
peuple
qui
vient
c’est
la
haute
marée
qui
monte
incessamment
par
son
astre
attirée
chaque
siècle
à
son
tour
qu’il
soit
d’or
ou
de
fer
dévoré
comme
un
cap
sur
qui
monte
la
mer
avec
ses
lois
ses
mœurs
les
monuments
qu’il
fonde
vains
obstacles
qui
font
à
peine
écumer
l’onde
avec
tout
ce
qu’on
vit
et
qu’on
ne
verra
plus
disparaît
sous
ce
flot
qui
n’a
pas
de
reflux
le
sol
toujours
s’en
va
le
flot
toujours
s’élève
malheur
à
qui
le
soir
s’attarde
sur
la
grève
et
ne
demande
pas
au
pêcheur
qui
s’enfuit
d’où
vient
qu’à
l’horizon
l’on
entend
ce
grand
bruit
rois
hâtez
vous
—
rentrez
dans
le
siècle
où
nous
sommes
quittez
l’ancien
rivage
—
à
cette
mer
des
hommes
faites
place
ou
voyez
si
vous
voulez
périr
sur
le
siècle
passé
que
son
flot
doit
couvrir
ainsi
ce
qu’en
passant
avait
dit
cette
femme
remuait
mes
pensers
dans
le
fond
de
mon
âme
quand
un
soldat
soudain
du
poste
détaché
me
cria
—
compagnon
le
soleil
est
couché
18
mai
1830
iv
de
todo
nada
de
todos
nadie
calderon
que
t’importe
mon
cœur
ces
naissances
des
rois
ces
victoires
qui
font
éclater
à
la
fois
cloches
et
canons
en
volées
et
louer
le
seigneur
en
pompeux
appareil
et
la
nuit
dans
le
ciel
des
villes
en
éveil
monter
des
gerbes
étoilées
porte
ailleurs
ton
regard
sur
dieu
seul
arrêté
rien
ici
bas
qui
n’ait
en
soi
sa
vanité
la
gloire
fuit
à
tire
d’aile
couronnes
mitres
d’or
brillent
mais
durent
peu
elles
ne
valent
pas
le
brin
d’herbe
que
dieu
fait
pour
le
nid
de
l’hirondelle
hélas
plus
de
grandeur
contient
plus
de
néant
la
bombe
atteint
plutôt
l’obélisque
géant
que
la
tourelle
des
colombes
c’est
toujours
par
la
mort
que
dieu
s’unit
aux
rois
leur
couronne
dorée
a
pour
faîte
sa
croix
son
temple
est
pavé
de
leurs
tombes
quoi
hauteur
de
nos
tours
splendeur
de
nos
palais
napoléon
césar
mahomet
périclès
rien
qui
ne
tombe
et
ne
s’efface
mystérieux
abîme
où
l’esprit
se
confond
à
quelques
pieds
sous
terre
un
silence
profond
et
tant
de
bruit
à
la
surface
30
juin
1830
v
ce
qu’on
entend
sur
la
montagne
o
altitudo
avez
vous
quelquefois
calme
et
silencieux
monté
sur
la
montagne
en
présence
des
cieux
était
ce
aux
bords
du
sund
aux
côtes
de
bretagne
aviez
vous
l’océan
au
pied
de
la
montagne
et
là
penché
sur
l’onde
et
sur
l’immensité
calme
et
silencieux
avez
vous
écouté
voici
ce
qu’on
entend
—
du
moins
un
jour
qu’en
rêve
ma
pensée
abattit
son
vol
sur
une
grève
et
du
sommet
d’un
mont
plongeant
au
gouffre
amer
vit
d’un
côté
la
terre
et
de
l’autre
la
mer
j’écoutai
j’entendis
et
jamais
voix
pareille
ne
sortit
d’une
bouche
et
n’émut
une
oreille
ce
fut
d’abord
un
bruit
large
immense
confus
plus
vague
que
le
vent
dans
les
arbres
touffus
plein
d’accords
éclatants
de
suaves
murmures
doux
comme
un
chant
du
soir
fort
comme
un
choc
d’armures
quand
la
sourde
mêlée
étreint
les
escadrons
et
souffle
furieuse
aux
bouches
des
clairons
c’était
une
musique
ineffable
et
profonde
qui
fluide
oscillait
sans
cesse
autour
du
monde
et
dans
les
vastes
cieux
par
ses
flots
rajeunis
roulait
élargissant
ses
orbes
infinis
jusqu’au
fond
où
son
flux
s’allait
perdre
dans
l’ombre
avec
le
temps
l’espace
et
la
forme
et
le
nombre
comme
une
autre
atmosphère
épars
et
débordé
l’hymne
éternel
couvrait
tout
le
globe
inondé
le
monde
enveloppé
dans
cette
symphonie
comme
il
vogue
dans
l’air
voguait
dans
l’harmonie
et
pensif
j’écoutais
ces
harpes
de
l’éther
perdu
dans
cette
voix
comme
dans
une
mer
bientôt
je
distinguai
confuses
et
voilées
deux
voix
dans
cette
voix
l’une
à
l’autre
mêlées
de
la
terre
et
des
mers
s’épanchant
jusqu’au
ciel
qui
chantaient
à
la
fois
le
chant
universel
et
je
les
distinguai
dans
la
rumeur
profonde
comme
on
voit
deux
courants
qui
se
croisent
sous
l’onde
l’une
venait
des
mers
chant
de
gloire
hymne
heureux
c’était
la
voix
des
flots
qui
se
parlaient
entre
eux
l’autre
qui
s’élevait
de
la
terre
où
nous
sommes
était
triste
c’était
le
murmure
des
hommes
et
dans
ce
grand
concert
qui
chantait
jour
et
nuit
chaque
onde
avait
sa
voix
et
chaque
homme
son
bruit
or
comme
je
l’ai
dit
l’océan
magnifique
épandait
une
voix
joyeuse
et
pacifique
chantait
comme
la
harpe
aux
temples
de
sion
et
louait
la
beauté
de
la
création
sa
clameur
qu’emportaient
la
brise
et
la
rafale
incessamment
vers
dieu
montait
plus
triomphale
et
chacun
de
ses
flots
que
dieu
seul
peut
dompter
quand
l’autre
avait
fini
se
levait
pour
chanter
comme
ce
grand
lion
dont
daniel
fut
l’hôte
l’océan
par
moments
abaissait
sa
voix
haute
et
moi
je
croyais
voir
vers
le
couchant
en
feu
sous
sa
crinière
d’or
passer
la
main
de
dieu
cependant
à
côté
de
l’auguste
fanfare
l’autre
voix
comme
un
cri
de
coursier
qui
s’effare
comme
le
gond
rouillé
d’une
porte
d’enfer
comme
l’archet
d’airain
sur
la
lyre
de
fer
grinçait
et
pleurs
et
cris
l’injure
l’anathème
refus
du
viatique
et
refus
du
baptême
et
malédiction
et
blasphème
et
clameur
dans
le
flot
tournoyant
de
l’humaine
rumeur
passaient
comme
le
soir
on
voit
dans
les
vallées
de
noirs
oiseaux
de
nuit
qui
s’en
vont
par
volées
qu’était
ce
que
ce
bruit
dont
mille
échos
vibraient
hélas
c’était
la
terre
et
l’homme
qui
pleuraient
frères
de
ces
deux
voix
étranges
inouïes
sans
cesse
renaissant
sans
cesse
évanouies
qu’écoute
l’éternel
durant
l’éternité
l’une
disait
nature
et
l’autre
humanité
alors
je
méditai
car
mon
esprit
fidèle
hélas
n’avait
jamais
déployé
plus
grande
aile
dans
mon
ombre
jamais
n’avait
lui
tant
de
jour
et
je
rêvai
longtemps
contemplant
tour
à
tour
après
l’abîme
obscur
que
me
cachait
la
lame
l’autre
abîme
sans
fond
qui
s’ouvrait
dans
mon
âme
et
je
me
demandai
pourquoi
l’on
est
ici
quel
peut
être
après
tout
le
but
de
tout
ceci
que
fait
l’âme
lequel
vaut
mieux
d’être
ou
de
vivre
et
pourquoi
le
seigneur
qui
seul
lit
à
son
livre
mêle
éternellement
dans
un
fatal
hymen
le
chant
de
la
nature
au
cri
du
genre
humain
27
juillet
1829
vi
à
un
voyageur
l’une
partie
du
monde
ne
sait
point
comme
l’autre
vit
et
se
gouverne
philippe
de
commines
ami
vous
revenez
d’un
de
ces
longs
voyages
qui
nous
font
vieillir
vite
et
nous
changent
en
sages
au
sortir
du
berceau
de
tous
les
océans
votre
course
a
vu
l’onde
hélas
et
vous
feriez
une
ceinture
au
monde
du
sillon
du
vaisseau
le
soleil
de
vingt
cieux
a
mûri
votre
vie
partout
où
vous
mena
votre
inconstante
envie
jetant
et
ramassant
pareil
au
laboureur
qui
récolte
et
qui
sème
vous
avez
pris
des
lieux
et
laissé
de
vous
même
quelque
chose
en
passant
tandis
que
votre
ami
moins
heureux
et
moins
sage
attendait
des
saisons
l’uniforme
passage
dans
le
même
horizon
et
comme
l’arbre
vert
qui
de
loin
la
dessine
à
sa
porte
effeuillant
ses
jours
prenait
racine
au
seuil
de
sa
maison
vous
êtes
fatigué
tant
vous
avez
vu
d’hommes
enfin
vous
revenez
las
de
ce
que
nous
sommes
vous
reposer
en
dieu
triste
vous
me
contez
vos
courses
infécondes
et
vos
pieds
ont
mêlé
la
poudre
de
trois
mondes
aux
cendres
de
mon
feu
or
maintenant
le
cœur
plein
de
choses
profondes
des
enfants
dans
vos
mains
tenant
les
têtes
blondes
vous
me
parlez
ici
et
vous
me
demandez
sollicitude
amère
—
où
donc
ton
père
où
donc
ton
fils
où
donc
ta
mère
—
ils
voyagent
aussi
le
voyage
qu’ils
font
n’a
ni
soleil
ni
lune
nul
homme
n’y
peut
rien
porter
de
sa
fortune
tant
le
maître
est
jaloux
le
voyage
qu’ils
font
est
profond
et
sans
bornes
on
le
fait
à
pas
lents
parmi
des
faces
mornes
et
nous
le
ferons
tous
j’étais
à
leur
départ
comme
j’étais
au
vôtre
en
diverses
saisons
tous
trois
l’un
après
l’autre
ils
ont
pris
leur
essor
hélas
j’ai
mis
en
terre
à
cette
heure
suprême
ces
têtes
que
j’aimais
avare
j’ai
moi
même
enfoui
mon
trésor
je
les
ai
vus
partir
j’ai
faible
et
plein
d’alarmes
vu
trois
fois
un
drap
noir
semé
de
blanches
larmes
tendre
ce
corridor
j’ai
sur
leurs
froides
mains
pleuré
comme
une
femme
mais
le
cercueil
fermé
mon
âme
a
vu
leur
âme
ouvrir
deux
ailes
d’or
je
les
ai
vus
partir
comme
trois
hirondelles
qui
vont
chercher
bien
loin
des
printemps
plus
fidèles
et
des
étés
meilleurs
ma
mère
vit
le
ciel
et
partit
la
première
et
son
œil
en
mourant
fut
plein
d’une
lumière
qu’on
n’a
point
vue
ailleurs
et
puis
mon
premier
né
la
suivit
puis
mon
père
fier
vétéran
âgé
de
quarante
ans
de
guerre
tout
chargé
de
chevrons
maintenant
ils
sont
là
tous
trois
dorment
dans
l’ombre
tandis
que
leurs
esprits
font
le
voyage
sombre
et
vont
où
nous
irons
si
vous
voulez
à
l’heure
où
la
lune
décline
nous
monterons
tous
deux
la
nuit
sur
la
colline
où
gisent
nos
aïeux
je
vous
dirai
montrant
à
votre
vue
amie
la
ville
morte
auprès
de
la
ville
endormie
laquelle
dort
le
mieux
venez
muets
tous
deux
et
couchés
contre
terre
nous
entendrons
tandis
que
paris
fera
taire
son
vivant
tourbillon
ces
millions
de
morts
moisson
du
fils
de
l’homme
sourdre
confusément
dans
leurs
sépulcres
comme
le
grain
dans
le
sillon
combien
vivent
joyeux
qui
devaient
sœurs
ou
frères
faire
un
pleur
éternel
de
quelques
ombres
chères
pouvoir
des
ans
vainqueurs
les
morts
durent
bien
peu
laissons
les
sous
la
pierre
hélas
dans
le
cercueil
ils
tombent
en
poussière
moins
vite
qu’en
nos
cœurs
voyageur
voyageur
quelle
est
notre
folie
qui
sait
combien
de
morts
à
chaque
heure
on
oublie
des
plus
chers
des
plus
beaux
qui
peut
savoir
combien
toute
douleur
s’émousse
et
combien
sur
la
terre
un
jour
d’herbe
qui
pousse
efface
de
tombeaux
6
juillet
1829
vii
dicté
en
présence
du
glacier
du
rhône
causa
tangor
ab
omni
ovide
souvent
quand
mon
esprit
riche
en
métamorphoses
flotte
et
roule
endormi
sur
l’océan
des
choses
dieu
foyer
du
vrai
jour
qui
ne
luit
point
aux
yeux
mystérieux
soleil
dont
l’âme
est
embrasée
le
frappe
d’un
rayon
et
comme
une
rosée
le
ramasse
et
l’enlève
aux
cieux
alors
nuage
errant
ma
haute
poésie
vole
capricieuse
et
sans
route
choisie
de
l’occident
au
sud
du
nord
à
l’orient
et
regarde
du
haut
des
radieuses
voûtes
les
cités
de
la
terre
et
les
dédaignant
toutes
leur
jette
son
ombre
en
fuyant
puis
dans
l’or
du
matin
luisant
comme
une
étoile
tantôt
elle
y
découpe
une
frange
à
son
voile
tantôt
comme
un
guerrier
qui
résonne
en
marchant
elle
frappe
d’éclairs
la
forêt
qui
murmure
et
tantôt
en
passant
rougit
sa
noire
armure
dans
la
fournaise
du
couchant
enfin
sur
un
vieux
mont
colosse
à
tête
grise
sur
des
alpes
de
neige
un
vent
jaloux
la
brise
qu’importe
suspendu
sur
l’abîme
béant
le
nuage
se
change
en
un
glacier
sublime
et
des
mille
fleurons
qui
hérissent
sa
cime
fait
une
couronne
au
géant
comme
le
haut
cimier
du
mont
inabordable
alors
il
dresse
au
loin
sa
crête
formidable
l’arc
en
ciel
vacillant
joue
à
son
flanc
d’acier
et
chaque
soir
tandis
que
l’ombre
en
bas
l’assiège
le
soleil
ruisselant
en
lave
sur
sa
neige
change
en
cratère
le
glacier
son
front
blanc
dans
la
nuit
semble
une
aube
éternelle
la
chamois
effaré
dont
le
pied
vaut
une
aile
l’aigle
même
le
craint
sombre
et
silencieux
la
tempête
à
ses
pieds
tourbillonne
et
se
traîne
l’œil
ose
à
peine
atteindre
à
sa
face
sereine
tant
il
est
avant
dans
les
cieux
et
seul
à
ces
hauteurs
sans
crainte
et
sans
vertige
mon
esprit
de
la
terre
oubliant
le
prestige
voit
le
jour
étoilé
le
ciel
qui
n’est
plus
bleu
et
contemple
de
près
ces
splendeurs
sidérales
dont
la
nuit
sème
au
loin
ses
sombres
cathédrales
jusqu’à
ce
qu’un
rayon
de
dieu
le
frappe
de
nouveau
le
précipite
et
change
les
prismes
du
glacier
en
flots
mêlés
de
fange
alors
il
croule
alors
éveillant
mille
échos
il
retombe
en
torrent
dans
l’océan
du
monde
chaos
aveugle
et
sourd
mer
immense
et
profonde
où
se
ressemblent
tous
les
flots
au
gré
du
divin
souffle
ainsi
vont
mes
pensées
dans
un
cercle
éternel
incessamment
poussées
du
terrestre
océan
dont
les
flots
sont
amers
comme
sous
un
rayon
monte
une
nue
épaisse
elles
montent
toujours
vers
le
ciel
et
sans
cesse
redescendent
des
cieux
aux
mers
1er
mai
1829
viii
à
m
david
statuaire
d’hommes
tu
nous
fais
dieux
régnier
oh
que
ne
suis
je
un
de
ces
hommes
qui
géants
d’un
siècle
effacé
jusque
dans
le
siècle
où
nous
sommes
règnent
du
fond
de
leur
passé
que
ne
suis
je
prince
ou
poëte
de
ces
mortels
à
haute
tête
d’un
monde
à
la
fois
base
et
faîte
que
leur
temps
ne
peut
contenir
qui
dans
le
calme
ou
dans
l’orage
qu’on
les
adore
ou
les
outrage
devançant
le
pas
de
leur
âge
marchent
un
pied
dans
l’avenir
que
ne
suis
je
une
de
ces
flammes
un
de
ces
pôles
glorieux
vers
qui
penchent
toutes
les
âmes
sur
qui
se
fixent
tous
les
yeux
de
ces
hommes
dont
les
statues
du
flot
des
temps
toujours
battues
d’un
tel
signe
sont
revêtues
que
si
le
hasard
les
abat
s’il
les
détrône
de
leur
sphère
du
bronze
auguste
on
ne
peut
faire
que
des
cloches
pour
la
prière
ou
des
canons
pour
le
combat
que
n’ai
je
un
de
ces
fronts
sublimes
david
mon
corps
fait
pour
souffrir
du
moins
sous
tes
mains
magnanimes
renaîtrait
pour
ne
plus
mourir
du
haut
du
temple
ou
du
théâtre
colosse
de
bronze
ou
d’albâtre
salué
d’un
peuple
idolâtre
je
surgirais
sur
la
cité
comme
un
géant
en
sentinelle
couvrant
la
ville
de
mon
aile
dans
quelque
attitude
éternelle
de
génie
et
de
majesté
car
c’est
toi
lorsqu’un
héros
tombe
qui
le
relèves
souverain
toi
qui
le
scelles
sur
sa
tombe
qu’il
foule
avec
des
pieds
d’airain
rival
de
rome
et
de
ferrare
tu
pétris
pour
le
mortel
rare
ou
le
marbre
froid
de
carrare
ou
le
métal
qui
fume
et
bout
le
grand
homme
au
tombeau
s’apaise
quand
ta
main
à
qui
rien
ne
pèse
hors
du
bloc
ou
de
la
fournaise
le
jette
vivant
et
debout
sans
toi
peut
être
sa
mémoire
pâlirait
d’un
oubli
fatal
mais
c’est
toi
qui
sculptes
sa
gloire
visible
sur
un
piédestal
ce
fanal
perdu
pour
le
monde
feu
rampant
dans
la
nuit
profonde
s’éteindrait
sans
montrer
sur
l’onde
ni
les
écueils
ni
le
chemin
c’est
ton
souffle
qui
le
ranime
c’est
toi
qui
sur
le
sombre
abîme
dresses
le
colosse
sublime
qui
prend
le
phare
dans
sa
main
lorsqu’à
tes
yeux
une
pensée
sous
les
traits
d’un
grand
homme
a
lui
tu
la
fais
marbre
elle
est
fixée
et
les
peuples
disent
c’est
lui
mais
avant
d’être
pour
la
foule
longtemps
dans
ta
tête
elle
roule
comme
une
flamboyante
houle
au
fond
du
volcan
souterrain
loin
du
grand
jour
qui
la
réclame
tu
la
fais
bouillir
dans
ton
âme
ainsi
de
ses
langues
de
flamme
le
feu
saisit
l’urne
d’airain
va
que
nos
villes
soient
remplies
de
tes
colosses
radieux
qu’à
jamais
tu
te
multiplies
dans
un
peuple
de
demi
dieux
fais
de
nos
cités
des
corinthes
oh
ta
pensée
a
des
étreintes
dont
l’airain
garde
les
empreintes
dont
le
granit
s’enorgueillit
honneur
au
sol
que
ton
pied
foule
un
métal
dans
tes
veines
coule
ta
tête
ardente
est
un
grand
moule
d’où
l’idée
en
bronze
jaillit
bonaparte
eût
voulu
renaître
de
marbre
et
géant
sous
ta
main
cromwell
son
aïeul
et
son
maître
t’eût
livré
son
front
surhumain
ton
bras
eût
sculpté
pour
l’espagne
charles
quint
pour
nous
charlemagne
un
pied
sur
l’hydre
d’allemagne
l’autre
sur
rome
aux
sept
coteaux
au
sépulcre
prêt
à
descendre
césar
t’eût
confié
sa
cendre
et
c’est
toi
qu’eût
pris
alexandre
pour
lui
tailler
le
mont
athos
28
juillet
1828
ix
a
m
de
lamartine
te
referent
fluctus
horace
naguère
une
même
tourmente
ami
battait
nos
deux
esquifs
une
même
vague
écumante
nous
jetait
aux
mêmes
récifs
les
mêmes
haines
débordées
gonflaient
sous
nos
nefs
inondées
leurs
flots
toujours
multipliés
et
comme
un
océan
qui
roule
toutes
les
têtes
de
la
foule
hurlaient
à
la
fois
sous
nos
pieds
qu’allais
je
faire
en
cet
orage
moi
qui
m’échappais
du
berceau
moi
qui
vivais
d’un
peu
d’ombrage
et
d’un
peu
d’air
comme
l’oiseau
à
cette
mer
qui
le
repousse
pourquoi
livrer
mon
nid
de
mousse
où
le
jour
n’osait
pénétrer
pourquoi
donner
à
la
rafale
ma
belle
robe
nuptiale
comme
une
voile
à
déchirer
c’est
que
dans
mes
songes
de
flamme
c’est
que
dans
mes
rêves
d’enfant
j’avais
toujours
présents
à
l’âme
ces
hommes
au
front
triomphant
qui
tourmentés
d’une
autre
terre
en
ont
deviné
le
mystère
avant
que
rien
en
soit
venu
dont
la
tête
au
ciel
est
tournée
dont
l’âme
boussole
obstinée
toujours
cherche
un
pôle
inconnu
ces
gamas
en
qui
rien
n’efface
leur
indomptable
ambition
savent
qu’on
n’a
vu
qu’une
face
de
l’immense
création
ces
colombs
dans
leur
main
profonde
pèsent
la
terre
et
pèsent
l’onde
comme
à
la
balance
du
ciel
et
voyant
d’en
haut
toute
cause
sentent
qu’il
manque
quelque
chose
à
l’équilibre
universel
ce
contre
poids
qui
se
dérobe
ils
le
chercheront
ils
iront
ils
rendront
sa
ceinture
au
globe
à
l’univers
sont
double
front
ils
partent
on
plaint
leur
folie
l’onde
les
emporte
on
oublie
le
voyage
et
le
voyageur…
—
tout
à
coup
de
la
mer
profonde
ils
ressortent
avec
leur
monde
comme
avec
sa
perle
un
plongeur
voilà
quelle
était
ma
pensée
quand
sur
le
flot
sombre
et
grossi
je
risquai
ma
nef
insensée
moi
je
cherchais
un
monde
aussi
mais
à
peine
loin
du
rivage
j’ai
vu
sur
l’océan
sauvage
commencer
dans
un
tourbillon
cette
lutte
qui
me
déchire
entre
les
voiles
du
navire
et
les
ailes
de
l’aquilon
c’est
alors
qu’en
l’orage
sombre
j’entrevis
ton
mât
glorieux
qui
bien
avant
le
mien
dans
l’ombre
fatiguait
l’autan
furieux
alors
la
tempête
était
haute
nous
combattîmes
côte
à
côte
tous
deux
mois
barque
toi
vaisseau
comme
le
frère
auprès
du
frère
comme
le
nid
auprès
de
l’aire
comme
auprès
du
lit
le
berceau
l’autan
criait
dans
nos
antennes
le
flot
lavait
nos
ponts
mouvants
nos
banderoles
incertaines
frissonnaient
au
souffle
des
vents
nous
voyions
les
vagues
humides
comme
des
cavales
numides
se
dresser
hennir
écumer
l’éclair
rougissant
chaque
lame
mettait
des
crinières
de
flamme
à
tous
ces
coursiers
de
la
mer
nous
échevelés
dans
la
brume
chantant
plus
haut
dans
l’ouragan
nous
admirions
la
vaste
écume
et
la
beauté
de
l’océan
tandis
que
la
foudre
sublime
planait
tout
en
feu
sur
l’abîme
nous
chantions
hardis
matelots
la
laissant
passer
sur
nos
têtes
et
comme
l’oiseau
des
tempêtes
tremper
ses
ailes
dans
les
flots
échangeant
nos
signaux
fidèles
et
nous
saluant
de
la
voix
pareils
à
deux
sœurs
hirondelles
nous
voulions
tous
deux
à
la
fois
doubler
le
même
promontoire
remporter
la
même
victoire
dépasser
le
siècle
en
courroux
nous
tentions
le
même
voyage
nous
voyions
surgir
dans
l’orage
le
même
adamastor
jaloux
bientôt
la
nuit
toujours
croissante
ou
quelque
vent
qui
t’emportait
m’a
dérobé
ta
nef
puissante
dont
l’ombre
auprès
de
moi
flottait
seul
je
suis
resté
sous
la
nue
depuis
l’orage
continue
le
temps
est
noir
le
vent
mauvais
l’ombre
m’enveloppe
et
m’isole
et
si
je
n’avais
ma
boussole
je
ne
saurais
pas
où
je
vais
dans
cette
tourmente
fatale
j’ai
passé
les
nuits
et
les
jours
j’ai
pleuré
la
terre
natale
et
mon
enfance
et
mes
amours
si
j’implorais
le
flot
qui
gronde
toutes
les
cavernes
de
l’onde
se
rouvraient
jusqu’au
fond
des
mers
si
j’invoquais
le
ciel
l’orage
avec
plus
de
bruit
et
de
rage
secouait
se
gerbe
d’éclairs
longtemps
laissant
le
vent
bruire
je
t’ai
cherché
criant
ton
nom
voici
qu’enfin
je
te
vois
luire
a
la
cime
de
l’horizon
mais
ce
n’est
plus
la
nef
ployée
battue
errante
foudroyée
sous
tous
les
caprices
des
cieux
rêvant
d’idéales
conquêtes
risquant
à
travers
les
tempêtes
un
voyage
mystérieux
c’est
un
navire
magnifique
bercé
par
le
flot
souriant
qui
sur
l’océan
pacifique
vient
du
côté
de
l’orient
toujours
en
avant
de
sa
voile
on
voit
cheminer
une
étoile
qui
rayonne
à
l’œil
ébloui
jamais
on
ne
le
voit
éclore
sans
une
étincelante
aurore
qui
se
lève
derrière
lui
le
ciel
serein
la
mer
sereine
l’enveloppent
de
tous
côtés
par
ses
mâts
et
par
sa
carène
il
plonge
aux
deux
immensités
le
flot
s’y
brise
en
étincelles
ses
voiles
sont
comme
des
ailes
au
souffle
qui
vient
les
gonfler
il
vogue
il
vogue
vers
la
plage
et
comme
le
cygne
qui
nage
on
sent
qu’il
pourrait
s’envoler
le
peuple
auquel
il
se
révèle
comme
une
blanche
vision
roule
prolonge
et
renouvelle
une
immense
acclamation
la
foule
inonde
au
loin
la
rive
oh
dit
elle
il
vient
il
arrive
elle
l’appelle
avec
des
pleurs
et
le
vent
porte
au
beau
navire
comme
à
dieu
l’encens
et
la
myrrhe
l’haleine
de
la
terre
en
fleurs
oh
rentre
au
port
esquif
sublime
jette
l’ancre
loin
des
frimas
vois
cette
couronne
unanime
que
la
foule
attache
à
tes
mâts
oublie
et
l’onde
et
l’aventure
et
le
labeur
de
la
mâture
et
le
souffle
orageux
du
nord
triomphe
à
l’abri
des
naufrages
et
ris
toi
de
tous
les
orages
qui
rongent
les
chaînes
du
port
tu
reviens
de
ton
amérique
ton
monde
est
trouvé
—
sur
les
flots
ce
monde
à
ton
souffle
lyrique
comme
un
œuf
sublime
est
éclos
c’est
un
univers
qui
s’éveille
une
création
pareille
a
celle
qui
rayonne
au
jour
de
nouveaux
infinis
qui
s’ouvrent
un
de
ces
mondes
que
découvrent
ceux
qui
de
l’âme
ont
fait
le
tour
tu
peux
dire
à
qui
doute
encore
j’en
viens
j’en
ai
cueilli
ce
fruit
votre
aurore
n’est
pas
l’aurore
et
votre
nuit
n’est
pas
la
nuit
votre
soleil
ne
vaut
pas
l’autre
leur
jour
est
plus
bleu
que
le
vôtre
dieu
montre
sa
face
en
leur
ciel
j’ai
vu
luire
une
croix
d’étoiles
clouée
à
leurs
nocturnes
voiles
comme
un
labarum
éternel
tu
dirais
la
verte
savane
les
hautes
herbes
des
déserts
et
les
bois
dont
le
zéphyr
vanne
toutes
les
graines
dans
les
airs
les
grandes
forêts
inconnues
les
caps
d’où
s’envolent
les
nues
comme
l’encens
des
saints
trépieds
les
fruits
de
lait
et
d’ambroisie
et
les
mines
de
poésie
dont
tu
jettes
l’or
à
leurs
pieds
et
puis
encor
tu
pourrais
dire
sans
épuiser
ton
univers
ses
monts
d’agate
et
de
porphyre
ses
fleuves
qui
noieraient
leurs
mers
de
ce
monde
né
de
la
veille
tu
peindrais
la
beauté
vermeille
terre
vierge
et
féconde
à
tous
patrie
où
rien
ne
nous
repousse
et
ta
voix
magnifique
et
douce
les
ferait
tomber
à
genoux
désormais
à
tous
tes
voyages
vers
ce
monde
trouvé
par
toi
en
foule
ils
courront
aux
rivages
comme
un
peuple
autour
de
son
roi
mille
acclamations
sur
l’onde
suivront
longtemps
ta
voile
blonde
brillante
en
mer
comme
un
fanal
salueront
le
vent
qui
t’enlève
puis
sommeilleront
sur
la
grève
jusqu’à
ton
retour
triomphal
ah
soit
qu’au
port
ton
vaisseau
dorme
soit
qu’il
se
livre
sans
effroi
aux
baisers
de
la
mer
difforme
qui
hurle
béante
sous
moi
de
ta
sérénité
sublime
regarde
parfois
dans
l’abîme
avec
des
yeux
de
pleurs
remplis
ce
point
noir
dans
ton
ciel
limpide
ce
tourbillon
sombre
et
rapide
qui
roule
une
voile
en
ses
plis
c’est
mon
tourbillon
c’est
ma
voile
c’est
l’ouragan
qui
furieux
à
mesure
éteint
chaque
étoile
qui
se
hasarde
dans
mes
cieux
c’est
la
tourmente
qui
m’emporte
c’est
la
nuée
ardente
et
forte
qui
se
joue
avec
moi
dans
l’air
et
tournoyant
comme
une
roue
fait
étinceler
sur
ma
proue
le
glaive
acéré
de
l’éclair
alors
d’un
cœur
tendre
et
fidèle
ami
souviens
toi
de
l’ami
que
toujours
poursuit
à
coups
d’aile
le
vent
dans
ta
voile
endormi
songe
que
du
sein
de
l’orage
il
t’a
vu
surgir
au
rivage
dans
un
triomphe
universel
et
qu’alors
il
levait
la
tête
et
qu’il
oubliait
sa
tempête
pour
chanter
l’azur
de
ton
ciel
et
si
mon
invisible
monde
toujours
à
l’horizon
me
fuit
si
rien
ne
germe
dans
cette
onde
que
je
laboure
jour
et
nuit
si
mon
navire
de
mystère
se
brise
à
cette
ingrate
terre
que
cherchent
mes
yeux
obstinés
pleure
ami
mon
ombre
jalouse
colomb
doit
plaindre
la
pérouse
tous
deux
étaient
prédestinés
20
juin
1830
x
æstuat
infelix
un
jour
au
mont
atlas
les
collines
jalouses
dirent
—
vois
nos
prés
verts
vois
nos
fraîches
pelouses
où
vient
la
jeune
fille
errante
en
liberté
chanter
rire
et
rêver
après
qu’elle
a
chanté
nos
pieds
que
l’océan
baise
en
grondant
à
peine
le
sauvage
océan
notre
tête
sereine
a
qui
l’été
de
flamme
et
la
rosée
en
pleurs
font
tant
épanouir
de
couronnes
de
fleurs
mais
toi
géant
—
d’où
vient
que
sur
ta
tête
chauve
planent
incessamment
des
aigles
à
l’œil
fauve
qui
donc
comme
une
branche
où
l’oiseau
fait
son
nid
courbe
ta
large
épaule
et
ton
dos
de
granit
pourquoi
dans
tes
flancs
noirs
tant
d’abîmes
pleins
d’ombre
quel
orage
éternel
te
bat
d’un
éclair
sombre
qui
t’a
mis
tant
de
neige
et
de
rides
au
front
et
ce
front
où
jamais
printemps
ne
souriront
qui
donc
le
courbe
ainsi
quelle
sueur
l’inonde
…
altas
leur
répondit
—
c’est
que
je
porte
un
monde
24
avril
1830
xi
a
lord
byron
en
1811
dédain
yo
contra
todos
y
todos
contra
yo
romance
de
viejo
arias
i
qui
peut
savoir
combien
de
jalouses
pensées
de
haines
par
l’envie
en
tous
lieux
ramassées
de
sourds
ressentiments
d’inimitiés
sans
frein
d’orages
à
courber
les
plus
sublimes
têtes
combien
de
passions
de
fureurs
de
tempêtes
grondent
autour
de
toi
jeune
homme
au
front
serein
tu
ne
le
sais
pas
toi
—
car
tandis
qu’à
ta
base
la
gueule
des
serpents
s’élargit
et
s’écrase
tandis
que
ces
rivaux
que
tu
croyais
meilleurs
vont
t’assiégeant
en
foule
ou
dans
la
nuit
secrète
creusent
maint
piège
infâme
à
ta
marche
distraite
pensif
tu
regardes
ailleurs
ou
si
parfois
leurs
cris
montent
jusqu’à
ton
âme
si
ta
colère
ouvrant
ses
deux
ailes
de
flamme
veut
foudroyer
leur
foule
acharnée
à
ton
nom
avant
que
le
volcan
n’ait
trouvé
son
issue
avant
que
tu
n’aies
mis
la
main
à
ta
massue
tu
te
prends
à
sourire
et
tu
dis
à
quoi
bon
puis
voilà
que
revient
ta
chère
rêverie
famille
enfant
amour
dieu
liberté
patrie
la
lyre
à
réveiller
la
scène
à
rajeunir
napoléon
ce
dieu
dont
tu
seras
le
prêtre
les
grands
hommes
mépris
du
temps
qui
les
voit
naître
religion
de
l’avenir
ii
allez
donc
ennemis
de
son
nom
foule
vaine
autour
de
son
génie
épuisez
votre
haleine
recommencez
toujours
ni
trêve
ni
remord
allez
recommencez
veillez
et
sans
relâche
roulez
votre
rocher
refaites
votre
tâche
envieux
—
lui
poëte
il
chante
il
rêve
il
dort
votre
voix
qui
s’aiguise
et
vibre
comme
un
glaive
n’est
qu’une
voix
de
plus
dans
le
bruit
qu’il
soulève
la
gloire
est
un
concert
de
mille
échos
épars
chœurs
de
démons
accords
divins
chants
angéliques
pareil
au
bruit
que
font
dans
les
places
publiques
une
multitude
de
chars
il
ne
vous
connaît
pas
—
il
dit
par
intervalles
qu’il
faut
aux
jours
d’été
l’aigre
cri
des
cigales
l’épine
à
mainte
fleur
que
c’est
le
sort
commun
que
ce
serait
pitié
d’écraser
la
cigale
que
le
trop
bien
est
mal
que
la
rose
au
bengale
pour
être
sans
épine
est
aussi
sans
parfum
et
puis
qu’importe
amis
ennemis
tout
s’écoule
c’est
au
même
tombeau
que
va
toute
la
foule
rien
ne
touche
un
esprit
que
dieu
même
a
saisi
trônes
sceptres
lauriers
temples
chars
de
victoire
on
ferait
à
des
rois
des
couronnes
de
gloire
de
tout
ce
qu’il
dédaigne
ici
que
lui
font
donc
ces
cris
où
votre
voix
s’enroue
que
sert
au
flot
amer
d’écumer
sur
la
proue
il
ignore
vos
noms
il
n’en
a
point
souci
et
quand
pour
ébranler
l’édifice
qu’il
fonde
la
sueur
de
vos
fronts
ruisselle
et
vous
inonde
il
ne
sait
même
pas
qui
vous
fatigue
ainsi
iii
puis
quand
il
le
voudra
scribes
docteurs
poëtes
il
sait
qu’il
peut
d’un
souffle
en
vos
bouches
muettes
éteindre
vos
clameurs
et
qu’il
emportera
toutes
vos
voix
ensemble
comme
le
vent
de
mer
emporte
où
bon
lui
semble
la
chanson
des
rameurs
en
vain
vos
légions
l’environnent
sans
nombre
il
n’a
qu’à
se
lever
pour
couvrir
de
son
ombre
a
la
fois
tous
vos
fronts
il
n’a
qu’à
dire
un
mot
pour
couvrir
vos
voix
grêles
comme
un
char
en
passant
couvre
le
bruit
des
ailes
de
mille
moucherons
quand
il
veut
vos
flambeaux
sublimes
auréoles
dont
vous
illuminez
vos
temples
vos
idoles
vos
dieux
votre
foyer
phares
éblouissants
clartés
universelles
pâlissent
à
l’éclat
des
moindres
étincelles
du
pied
de
son
coursier
26
avril
1830
xii
in
god
is
all
devise
des
saloum
o
toi
qui
si
longtemps
vis
luire
à
mon
côté
le
jour
égal
et
pur
de
la
prospérité
toi
qui
lorsque
mon
âme
allait
de
doute
en
doute
et
comme
un
voyageur
te
demandait
sa
route
endormis
sur
ton
sein
mes
rêves
ténébreux
et
pour
toute
raison
disais
soyons
heureux
hélas
ô
mon
amie
hélas
voici
que
l’ombre
envahit
notre
ciel
et
que
la
vie
est
sombre
voici
que
le
malheur
s’épanche
lentement
sur
l’azur
radieux
de
notre
firmament
voici
qu’à
nos
regards
s’obscurcit
et
recule
notre
horizon
perdu
dans
un
noir
crépuscule
or
dans
ce
ciel
où
va
la
nuit
se
propageant
comme
un
œil
lumineux
vivant
intelligent
vois
tu
briller
là
bas
cette
profonde
étoile
des
mille
vérités
que
le
bonheur
nous
voile
c’est
une
qui
paraît
c’est
la
première
encor
qui
nous
ait
éblouis
de
sa
lumière
d’or
notre
ciel
que
déjà
le
sombre
deuil
réclame
n’a
plus
assez
d’éclat
pour
cacher
cette
flamme
et
du
sud
du
couchant
ou
du
septentrion
chaque
ombre
qui
survient
donne
à
l’astre
un
rayon
et
plus
viendra
la
nuit
et
plus
à
plis
funèbres
s’épaissiront
sur
nous
son
deuil
et
ses
ténèbres
plus
dans
ce
ciel
sublime
à
nos
yeux
enchantés
en
foule
apparaîtront
de
splendides
clartés
plus
nous
verrons
dans
l’ombre
où
leur
loi
les
rassemble
toutes
les
vérités
étinceler
ensemble
et
graviter
autour
d’un
centre
impérieux
et
rompre
et
renouer
leur
chœur
mystérieux
cette
fatale
nuit
que
le
malheur
amène
fait
voir
plus
clairement
la
destinée
humaine
et
montre
à
ses
deux
bouts
écrits
en
traits
de
feu
ces
mots
âme
immortelle
éternité
de
dieu
car
tant
que
luit
le
jour
de
son
soleil
de
flamme
il
accable
nos
yeux
il
aveugle
notre
âme
et
nous
nous
reposons
dans
un
doute
serein
sans
savoir
si
le
ciel
est
d’azur
ou
d’airain
mais
la
nuit
rend
aux
cieux
leurs
étoiles
leurs
gloires
candélabres
que
dieu
pend
à
leurs
voûtes
noires
l’œil
dans
leurs
profondeurs
découvre
à
chaque
pas
mille
mondes
nouveaux
qu’il
ne
soupçonnait
pas
soleils
plus
flamboyants
plus
chevelus
dans
l’ombre
qu’en
l’abîme
sans
fin
il
voit
luire
sans
nombre
9
août
1829
xiii
quot
libras
in
duce
summo
juvénal
c’est
une
chose
grande
et
que
tout
homme
envie
d’avoir
un
lustre
en
soi
qu’on
épand
sur
sa
vie
d’être
choisi
d’un
peuple
à
venger
son
affront
de
ne
point
faire
un
pas
qui
n’ait
trace
en
l’histoire
ou
de
chanter
les
yeux
au
ciel
et
que
la
gloire
fasse
avec
un
regard
reluire
votre
front
il
est
beau
de
courir
par
la
terre
usurpée
disciplinant
les
rois
du
plat
de
son
épée
d’être
napoléon
l’empereur
radieux
d’être
dante
à
son
nom
rendant
les
voix
muettes
sans
doute
ils
sont
heureux
les
héros
les
poëtes
ceux
que
le
bras
fait
rois
ceux
que
l’esprit
fait
dieux
il
est
beau
conquérant
législateur
prophète
de
marcher
dépassant
les
hommes
de
la
tête
d’être
en
la
nuit
de
tous
un
éclatant
flambeau
et
que
de
vos
vingt
ans
vingt
siècles
se
souviennent
…
—
voilà
ce
que
je
dis
puis
des
pitiés
me
viennent
quand
je
pense
à
tous
ceux
qui
sont
dans
le
tombeau
16
juillet
1829
xiv
oh
primavera
gioventù
dell’
anno
oh
gioventù
primavera
della
vita
o
mes
lettres
d’amour
de
vertu
de
jeunesse
c’est
donc
vous
je
m’enivre
encore
à
votre
ivresse
je
vous
lis
à
genoux
souffrez
que
pour
un
jour
je
reprenne
votre
âge
laissez
moi
me
cacher
moi
l’heureux
et
le
sage
pour
pleurer
avec
vous
j’avais
donc
dix
huit
ans
j’étais
donc
plein
de
songes
l’espérance
en
chantant
me
berçait
de
mensonges
un
astre
m’avait
lui
j’étais
un
dieu
pour
toi
qu’en
mon
cœur
seul
je
nomme
j’étais
donc
cet
enfant
hélas
devant
qui
l’homme
rougit
presque
aujourd’hui
o
temps
de
rêverie
et
de
force
et
de
grâce
attendre
tous
les
soirs
une
robe
qui
passe
baiser
un
gant
jeté
vouloir
tout
de
la
vie
amour
puissance
et
gloire
être
pur
être
fier
être
sublime
et
croire
à
toute
pureté
a
présent
j’ai
senti
j’ai
vu
je
sais
—
qu’importe
si
moins
d’illusions
viennent
ouvrir
ma
porte
qui
gémit
en
tournant
oh
que
cet
âge
ardent
qui
me
semblait
si
sombre
a
côté
du
bonheur
qui
m’abrite
à
son
ombre
rayonne
maintenant
que
vous
ai
je
donc
fait
ô
mes
jeunes
années
pour
m’avoir
fui
si
vite
et
vous
être
éloignées
me
croyant
satisfait
hélas
pour
revenir
m’apparaître
si
belles
quand
vous
ne
pouvez
plus
me
prendre
sur
vos
ailes
que
vous
ai
je
donc
fait
oh
quand
ce
doux
passé
quand
cet
âge
sans
tache
avec
sa
robe
blanche
où
notre
amour
s’attache
revient
dans
nos
chemins
on
s’y
suspend
et
puis
que
de
larmes
amères
sur
les
lambeaux
flétris
de
vos
jeunes
chimères
qui
vous
restent
aux
mains
oublions
oublions
quand
la
jeunesse
est
morte
laissons
nous
emporter
par
le
vent
qui
l’emporte
a
l’horizon
obscur
rien
ne
reste
de
nous
notre
œuvre
est
un
problème
l’homme
fantôme
errant
passe
sans
laisser
même
son
ombre
sur
le
mur
mai
1830
xv
sinite
parvulos
venire
ad
me
jésus
laissez
—
tous
ces
enfants
sont
bien
là
—
qui
vous
dit
que
la
bulle
d’azur
que
mon
souffle
agrandit
a
leur
souffle
indiscret
s’écroule
qui
vous
dit
que
leurs
voix
leurs
pas
leurs
jeux
leurs
cris
effarouchent
la
muse
et
chassent
les
péris
…
—
venez
enfants
venez
en
foule
venez
autour
de
moi
riez
chantez
courez
votre
œil
me
jettera
quelques
rayons
dorés
votre
voix
charmera
mes
heures
c’est
la
seule
en
ce
monde
où
rien
ne
nous
sourit
qui
vienne
du
dehors
sans
troubler
dans
l’esprit
le
chœur
des
voix
intérieures
fâcheux
qui
les
vouliez
écarter
—
croyez
vous
que
notre
cœur
n’est
pas
plus
serein
et
plus
doux
au
sortir
de
leurs
jeunes
rondes
croyez
vous
que
j’ai
peur
quand
je
vois
au
milieu
de
mes
rêves
rougis
ou
de
sang
ou
de
feu
passer
toutes
ces
têtes
blondes
la
vie
est
elle
donc
si
charmante
à
vos
yeux
qu’il
faille
préférer
à
tout
ce
bruit
joyeux
une
maison
vide
et
muette
n’ôtez
pas
la
pitié
même
vous
le
défend
un
rayon
de
soleil
un
sourire
d’enfant
au
ciel
sombre
au
cœur
du
poëte
—
mais
ils
s’effaceront
à
leurs
bruyants
ébats
ces
mots
sacrés
que
dit
une
muse
tout
bas
ces
chants
purs
d’où
l’âme
se
noie
…
—
eh
que
m’importe
à
moi
muse
chants
vanité
votre
gloire
perdue
et
l’immortalité
si
j’y
gagne
une
heure
de
joie
la
belle
ambition
et
le
rare
destin
chanter
toujours
chanter
pour
un
écho
lointain
pour
un
vain
bruit
qui
passe
et
tombe
vivre
abreuvé
de
fiel
d’amertume
et
d’ennuis
expier
dans
ses
jours
les
rêves
de
ses
nuits
faire
un
avenir
à
sa
tombe
oh
que
j’aime
bien
mieux
ma
joie
et
mon
plaisir
et
toute
ma
famille
avec
tout
mon
loisir
dût
la
gloire
ingrate
et
frivole
dussent
mes
vers
troublés
de
ces
ris
familiers
s’enfuir
comme
devant
un
essaim
d’écoliers
une
troupe
d’oiseaux
s’envole
mais
non
au
milieu
d’eux
rien
ne
s’évanouit
l’orientale
d’or
plus
riche
épanouit
ses
fleurs
peintes
et
ciselées
la
ballade
est
plus
fraîche
et
dans
le
ciel
grondant
l’ode
ne
pousse
pas
d’un
souffle
moins
ardent
le
groupe
des
strophes
ailées
je
les
vois
reverdir
dans
leurs
jeux
éclatants
mes
hymnes
parfumés
comme
un
champ
de
printemps
o
vous
dont
l’âme
est
épuisée
o
mes
amis
l’enfance
aux
riantes
couleurs
donne
la
poésie
à
nos
vers
comme
aux
fleurs
l’aurore
donne
la
rosée
venez
enfants
—
a
vous
jardins
cours
escaliers
ébranlez
et
planchers
et
plafonds
et
piliers
que
le
jour
s’achève
ou
renaisse
courez
et
bourdonnez
comme
l’abeille
aux
champs
ma
joie
et
mon
bonheur
et
mon
âme
et
mes
chants
iront
ou
vous
irez
jeunesse
il
est
pour
les
cœurs
sourds
aux
vulgaires
clameurs
d’harmonieuses
voix
des
accords
des
rumeurs
qu’on
n’entend
que
dans
les
retraites
notes
d’un
grand
concert
interrompu
souvent
vents
flots
feuilles
des
bois
bruits
dont
l’âme
en
rêvant
se
fait
des
musiques
secrètes
moi
quel
que
soit
le
monde
et
l’homme
et
l’avenir
soit
qu’il
faille
oublier
ou
se
ressouvenir
que
dieu
m’afflige
ou
me
console
je
ne
veux
habiter
la
cité
des
vivants
que
dans
une
maison
qu’une
rumeur
d’enfants
fasse
toujours
vivante
et
folle
de
même
si
jamais
enfin
je
vous
revois
beau
pays
dont
la
langue
est
faite
pour
ma
voix
dont
mes
yeux
aimaient
les
campagnes
bords
où
mes
pas
enfants
suivaient
napoléon
fortes
villes
du
cid
ô
valence
ô
léon
castille
aragon
mes
espagnes
je
ne
veux
traverser
vos
plaines
vos
cités
franchir
vos
ponts
d’une
arche
entre
deux
monts
jetés
vois
vos
palais
romains
ou
maures
votre
guadalquivir
qui
serpente
et
s’enfuit
que
dans
ces
chars
dorés
qu’emplissent
de
leur
bruit
les
grelots
des
mules
sonores
11
mai
1830
xvi
where
should
i
steer
byron
quand
le
livre
où
s’endort
chaque
soir
ma
pensée
quand
l’air
de
la
maison
les
soucis
du
foyer
quand
le
bourdonnement
de
la
ville
insensée
où
toujours
on
entend
quelque
chose
crier
quand
tous
ces
mille
soins
de
misère
ou
de
fête
qui
remplissent
nos
jours
cercle
aride
et
borné
ont
tenu
trop
longtemps
comme
un
joug
sur
ma
tête
le
regard
de
mon
âme
à
la
terre
tourné
elle
s’échappe
enfin
va
marche
et
dans
la
plaine
prend
le
même
sentier
qu’elle
prendra
demain
qui
l’égare
au
hasard
et
toujours
la
ramène
comme
un
coursier
prudent
qui
connaît
le
chemin
elle
court
aux
forêts
où
dans
l’ombre
indécise
flottent
tant
de
rayons
de
murmures
de
voix
trouve
la
rêverie
au
premier
arbre
assise
et
toutes
deux
s’en
vont
ensemble
dans
les
bois
27
juin
1830
xvii
flebile
nescio
quid
ovide
oh
pourquoi
te
cacher
tu
pleurais
seule
ici
devant
tes
yeux
rêveurs
qui
donc
passait
ainsi
quelle
ombre
flottait
dans
ton
âme
était
ce
long
regret
ou
noir
pressentiment
ou
jeunes
souvenirs
dans
le
passé
dormant
ou
vague
faiblesse
de
femme
voyais
tu
fuir
déjà
l’amour
et
ses
douceurs
ou
les
illusions
toutes
ces
jeunes
sœurs
qui
le
matin
devant
nos
portes
dans
l’avenir
sans
borne
ouvrant
mille
chemins
dansent
des
fleurs
au
front
et
les
mains
dans
les
mains
et
bien
avant
le
soir
sont
mortes
ou
bien
te
venait
il
des
tombeaux
endormis
quelque
ombre
douloureuse
avec
des
traits
amis
te
rappelant
le
peu
d’années
et
demandant
tout
bas
quand
tu
viendrais
le
soir
prier
devant
ces
croix
de
pierre
ou
de
bois
noir
où
pendent
tant
de
fleurs
fanées
mais
non
ces
visions
ne
te
poursuivaient
pas
il
suffit
pour
pleurer
de
songer
qu’ici
bas
tout
miel
est
amer
tout
ciel
sombre
que
toute
ambition
trompe
l’effort
humain
que
l’espoir
est
un
leurre
et
qu’il
n’est
pas
de
main
qui
garde
l’onde
ou
prenne
l’ombre
toujours
ce
qui
là
bas
vole
au
gré
du
zéphyr
avec
des
ailes
d’or
de
pourpre
et
de
saphir
nous
fait
courir
et
nous
devance
mais
adieu
l’aile
d’or
pourpre
émail
vermillon
quand
l’enfant
a
saisi
le
frêle
papillon
quand
l’homme
a
pris
son
espérance
pleure
les
pleurs
vont
bien
même
au
bonheur
tes
chants
sont
plus
doux
dans
les
pleurs
tes
yeux
purs
et
touchants
sont
plus
beaux
quand
tu
les
essuies
l’été
quand
il
a
plu
le
champ
est
plus
vermeil
et
le
ciel
fait
briller
plus
au
beau
soleil
son
azur
lavé
par
les
pluies
pleure
comme
rachel
pleure
comme
sara
on
a
toujours
souffert
ou
bien
on
souffrira
malheur
aux
insensés
qui
rient
le
seigneur
nous
relève
alors
que
nous
tombons
car
s’il
préfère
encor
les
malheureux
aux
bons
ceux
qui
pleurent
à
ceux
qui
prient
pleure
afin
de
savoir
les
larmes
sont
un
don
souvent
les
pleurs
après
l’erreur
et
l’abandon
raniment
nos
forces
brisées
souvent
l’âme
sentant
au
doute
qui
s’enfuit
qu’un
jour
intérieur
se
lève
dans
sa
nuit
répand
de
ces
douces
rosées
pleure
mais
tu
fais
bien
cache
toi
pour
pleurer
aie
un
asile
en
toi
pour
t’en
désaltérer
pour
les
savourer
avec
charmes
sous
le
riche
dehors
de
ta
prospérité
dans
le
fond
de
ton
cœur
comme
un
fruit
pour
l’été
mets
à
part
ton
trésor
de
larmes
car
la
fleur
qui
s’ouvrit
avec
l’aurore
en
pleurs
et
qui
fait
à
midi
de
ses
belles
couleurs
admirer
la
splendeur
timide
sous
ses
corolles
d’or
loin
des
yeux
importuns
au
fond
de
ce
calice
où
sont
tous
ses
parfums
souvent
cache
une
perle
humide
juin
1830
xviii
sed
satis
est
jam
posse
mori
lucain
où
donc
est
le
bonheur
disais
je
—
infortuné
le
bonheur
ô
mon
dieu
vous
me
l’avez
donné
naître
et
ne
pas
savoir
que
l’enfance
éphémère
ruisseau
de
lait
qui
fuit
sans
une
goutte
amère
est
l’âge
du
bonheur
et
le
plus
beau
moment
que
l’homme
ombre
qui
passe
ait
sous
le
firmament
plus
tard
aimer
garder
dans
son
cœur
de
jeune
homme
un
nom
mystérieux
que
jamais
on
ne
nomme
glisser
un
mot
furtif
dans
une
tendre
main
aspirer
aux
douceurs
d’un
ineffable
hymen
envier
l’eau
qui
fuit
le
nuage
qui
vole
sentir
son
cœur
se
fondre
au
son
d’une
parole
connaître
un
pas
qu’on
aime
et
que
jaloux
on
suit
rêver
le
jour
brûler
et
se
tordre
la
nuit
pleurer
surtout
cet
âge
où
sommeillent
les
âmes
toujours
souffrir
parmi
tous
les
regards
de
femmes
tous
les
buissons
d’avril
les
feux
du
ciel
vermeil
ne
chercher
qu’un
regard
qu’une
fleur
qu’un
soleil
puis
effeuiller
en
hâte
et
d’une
main
jalouse
les
boutons
d’orangers
sur
le
front
de
l’épouse
tout
sentir
être
heureux
et
pourtant
insensé
se
tourner
presque
en
pleurs
vers
le
malheur
passé
voir
aux
feux
de
midi
sans
espoir
qu’il
renaisse
se
faner
son
printemps
son
matin
sa
jeunesse
perdre
l’illusion
l’espérance
et
sentir
qu’on
vieillit
au
fardeau
croissant
du
repentir
effacer
de
son
front
des
taches
et
des
rides
s’éprendre
d’art
de
vers
de
voyages
arides
de
cieux
lointains
de
mers
où
s’égarent
nos
pas
redemander
cet
âge
où
l’on
ne
dormait
pas
se
dire
qu’on
était
bien
malheureux
bien
triste
bien
fou
que
maintenant
on
respire
on
existe
et
plus
vieux
de
dix
ans
s’enfermer
tout
un
jour
pour
relire
avec
pleurs
quelques
lettres
d’amour
vieillir
enfin
vieillir
comme
des
fleurs
fanées
voir
blanchir
nos
cheveux
et
tomber
nos
années
rappeler
notre
enfance
et
nos
beaux
jours
flétris
boire
le
reste
amer
de
ces
parfums
aigris
être
sage
et
railler
l’amant
et
le
poëte
et
lorsque
nous
touchons
à
la
tombe
muette
suivre
en
les
rappelant
d’un
œil
mouillé
de
pleurs
nos
enfants
qui
déjà
sont
tournés
vers
les
leurs
ainsi
l’homme
ô
mon
dieu
marche
toujours
plus
sombre
du
berceau
qui
rayonne
au
sépulcre
plein
d’ombre
c’est
donc
avoir
vécu
c’est
donc
avoir
été
dans
la
joie
et
l’amour
et
la
félicité
c’est
avoir
eu
sa
part
et
se
plaindre
est
folie
voilà
de
quel
nectar
la
coupe
était
remplie
hélas
naître
pour
vivre
en
désirant
la
mort
grandir
en
regrettant
l’enfance
où
le
cœur
dort
vieillir
en
regrettant
la
jeunesse
ravie
mourir
en
regrettant
la
vieillesse
et
la
vie
où
donc
est
le
bonheur
disais
je
—
infortuné
le
bonheur
ô
mon
dieu
vous
me
l’avez
donné
28
mai
1830
xix
le
toit
s’égaie
et
rit
andré
chénier
lorsque
l’enfant
paraît
le
cercle
de
famille
applaudit
à
grands
cris
son
doux
regard
qui
brille
fait
briller
tous
les
yeux
et
les
plus
tristes
fronts
les
plus
souillés
peut
être
se
dérident
soudain
à
voir
l’enfant
paraître
innocent
et
joyeux
soit
que
juin
ait
verdi
mon
seuil
ou
que
novembre
fasse
autour
d’un
grand
feu
vacillant
dans
la
chambre
les
chaises
se
toucher
quand
l’enfant
vient
la
joie
arrive
et
nous
éclaire
on
rit
on
se
récrie
on
l’appelle
et
sa
mère
tremble
à
le
voir
marcher
quelquefois
nous
parlons
en
remuant
la
flamme
de
patrie
et
de
dieu
des
poëtes
de
l’âme
qui
s’élève
en
priant
l’enfant
paraît
adieu
le
ciel
et
la
patrie
et
les
poëtes
saints
la
grave
causerie
s’arrête
en
souriant
la
nuit
quand
l’homme
dort
quand
l’esprit
rêve
à
l’heure
où
l’on
entend
gémir
comme
une
voix
qui
pleure
l’onde
entre
les
roseaux
si
l’aube
tout
à
coup
là
bas
luit
comme
un
phare
sa
clarté
dans
les
champs
éveille
une
fanfare
de
cloches
et
d’oiseaux
enfant
vous
êtes
l’aube
et
mon
âme
est
la
plaine
qui
des
plus
douces
fleurs
embaume
son
haleine
quand
vous
la
respirez
mon
âme
est
la
forêt
dont
les
sombres
ramures
s’emplissent
pour
vous
seul
de
suaves
murmures
et
de
rayons
dorés
car
vos
beaux
yeux
sont
pleins
de
douceurs
infinies
car
vos
petites
mains
joyeuses
et
bénies
n’ont
point
mal
fait
encor
jamais
vos
jeunes
pas
n’ont
touché
notre
fange
tête
sacrée
enfant
aux
cheveux
blonds
bel
ange
à
l’auréole
d’or
vous
êtes
parmi
nous
la
colombe
de
l’arche
vos
pieds
tendres
et
purs
n’ont
point
l’âge
où
l’on
marche
vos
ailes
sont
d’azur
sans
le
comprendre
encor
vous
regardez
le
monde
double
virginité
corps
où
rien
n’est
immonde
âme
où
rien
n’est
impur
il
est
si
beau
l’enfant
avec
son
doux
sourire
sa
douce
bonne
foi
sa
voix
qui
veut
tout
dire
ses
pleurs
vite
apaisés
laissant
errer
sa
vue
étonnée
et
ravie
offrant
de
toutes
parts
sa
jeune
âme
à
la
vie
et
sa
bouche
aux
baisers
seigneur
préservez
moi
préservez
ceux
que
j’aime
frères
parents
amis
et
mes
ennemis
même
dans
le
mal
triomphants
de
jamais
voir
seigneur
l’été
sans
fleurs
vermeilles
la
cage
sans
oiseaux
la
ruche
sans
abeilles
la
maison
sans
enfants
18
mai
1830
xx
beau
frais
souriant
d’aise
à
cette
vie
amère
sainte
beuve
dans
l’alcôve
sombre
près
d’un
humble
autel
l’enfant
dort
à
l’ombre
du
lit
maternel
tandis
qu’il
repose
sa
paupière
rose
pour
la
terre
close
s’ouvre
pour
le
ciel
il
fait
bien
des
rêves
il
voit
par
moments
le
sable
des
grèves
plein
de
diamants
des
soleils
de
flammes
et
de
belles
dames
qui
portent
des
âmes
dans
leurs
bras
charmants
songe
qui
l’enchante
il
voit
des
ruisseaux
une
voix
qui
chante
sort
du
fond
des
eaux
ses
sœurs
sont
plus
belles
son
père
est
près
d’elles
sa
mère
a
des
ailes
comme
les
oiseaux
il
voit
mille
choses
plus
belles
encore
des
lys
et
des
roses
plein
le
corridor
des
lacs
de
délice
où
le
poisson
glisse
où
l’onde
se
plisse
à
des
roseaux
d’or
enfant
rêve
encore
dors
ô
mes
amours
ta
jeune
âme
ignore
où
s’en
vont
tes
jours
comme
une
algue
morte
tu
vas
que
t’importe
le
courant
t’emporte
mais
tu
dors
toujours
sans
soin
sans
étude
tu
dors
en
chemin
et
l’inquiétude
à
la
froide
main
de
son
ongle
aride
sur
ton
front
candide
qui
n’a
point
de
ride
n’écrit
pas
demain
il
dort
innocence
les
anges
sereins
qui
savent
d’avance
le
sort
des
humains
le
voyant
sans
armes
sans
peur
sans
alarmes
baisent
avec
larmes
ses
petits
mains
leurs
lèvres
effleurent
ses
lèvres
de
miel
l’enfant
voit
qu’ils
pleurent
et
dit
gabriel
mais
l’ange
le
touche
et
berçant
sa
couche
un
doigt
sur
sa
bouche
lève
l’autre
au
ciel
cependant
sa
mère
prompte
à
le
bercer
croit
qu’une
chimère
le
vient
oppresser
fière
elle
l’admire
l’entend
qui
soupire
et
le
fait
sourire
avec
un
baiser
10
novembre
1831
xxi
πᾶν
μοι
συναρμόζει
ὃ
σοὶ
εὐάρμοστόν
ἐστιν
ὦ
κόσμε·
οὐδέν
μοι
πρόωρον
οὐδὲ
ὄψιμον
ὃ
σοὶ
εὔκαιρον
πᾶν
καρπὸς
ὃ
φέρουσιν
αἱ
σαὶ
ὧραι
ὦ
φύσις·
ἐκ
σοῦ
πάντα
ἐν
σοὶ
πάντα
εἰς
σὲ
πάντα
marc
aurèle
parfois
lorsque
tout
dort
je
m’assieds
plein
de
joie
sous
le
dôme
étoilé
qui
sur
nos
fronts
flamboie
j’écoute
si
d’en
haut
il
tombe
quelque
bruit
et
l’heure
vainement
me
frappe
de
son
aile
quand
je
contemple
ému
cette
fête
éternelle
que
le
ciel
rayonnant
donne
au
monde
la
nuit
souvent
alors
j’ai
cru
que
ces
soleils
de
flamme
dans
ce
monde
endormi
n’échauffaient
que
mon
âme
qu’à
les
comprendre
seul
j’étais
prédestiné
que
j’étais
moi
vaine
ombre
obscure
et
taciturne
le
roi
mystérieux
de
la
pompe
nocturne
que
le
ciel
pour
moi
seul
s’était
illuminé
novembre
1829
xxii
à
une
femme
c’est
une
âme
charmante
diderot
enfant
si
j’étais
roi
je
donnerais
l’empire
et
mon
char
et
mon
sceptre
et
mon
peuple
à
genoux
et
ma
couronne
d’or
et
mes
bains
de
porphyre
et
mes
flottes
à
qui
la
mer
ne
peut
suffire
pour
un
regard
de
vous
si
j’étais
dieu
la
terre
et
l’air
avec
les
ondes
les
anges
les
démons
courbés
devant
ma
loi
et
le
profond
chaos
aux
entrailles
fécondes
l’éternité
l’espace
et
les
cieux
et
les
mondes
pour
un
baiser
de
toi
8
mai
1829
xxiii
quien
no
ama
no
vive
oh
qui
que
vous
soyez
jeune
ou
vieux
riche
ou
sage
si
jamais
vous
n’avez
épié
le
passage
le
soir
d’un
pas
léger
d’un
pas
mélodieux
d’un
voile
blanc
qui
glisse
et
fuit
dans
les
ténèbres
et
comme
un
météore
au
sein
des
nuits
funèbres
vous
laisse
dans
le
cœur
un
sillon
radieux
si
vous
ne
connaissez
que
pour
l’entendre
dire
au
poëte
amoureux
qui
chante
et
qui
soupire
ce
suprême
bonheur
qui
fait
nos
jours
dorés
de
posséder
un
cœur
sans
réserve
et
sans
voiles
de
n’avoir
pour
flambeaux
de
n’avoir
pour
étoiles
de
n’avoir
pour
soleils
que
deux
yeux
adorés
si
vous
n’avez
jamais
attendu
morne
et
sombre
sous
les
vitres
d’un
bal
qui
rayonne
dans
l’ombre
l’heure
où
pour
le
départ
les
portes
s’ouvriront
pour
voir
votre
beauté
comme
un
éclair
qui
brille
rose
avec
des
yeux
bleus
et
toute
jeune
fille
passer
dans
la
lumière
avec
des
fleurs
au
front
si
vous
n’avez
jamais
senti
la
frénésie
de
voir
la
main
qu’on
veut
par
d’autres
mains
choisie
de
voir
le
cœur
aimé
battre
sur
d’autres
cœurs
si
vous
n’avez
jamais
vu
d’un
œil
de
colère
la
valse
impure
au
vol
lascif
et
circulaire
effeuiller
en
courant
les
femmes
et
les
fleurs
si
jamais
vous
n’avez
descendu
les
collines
le
cœur
tout
débordant
d’émotions
divines
si
jamais
vous
n’avez
le
soir
sous
les
tilleuls
tandis
qu’au
ciel
luisaient
des
étoiles
sans
nombre
aspiré
couple
heureux
la
volupté
de
l’ombre
cachés
et
vous
parlant
tout
bas
quoique
tout
seuls
si
jamais
une
main
n’a
fait
trembler
la
vôtre
si
jamais
ce
seul
mot
qu’on
dit
l’un
après
l’autre
je
t
aime
n’a
rempli
votre
âme
tout
un
jour
si
jamais
vous
n’avez
pris
en
pitié
les
trônes
en
songeant
qu’on
cherchait
les
sceptres
les
couronnes
et
la
gloire
et
l’empire
et
qu’on
avait
l’amour
la
nuit
quand
la
veilleuse
agonise
dans
l’urne
quand
paris
enfoui
sous
la
brume
nocturne
avec
la
tour
saxonne
et
l’église
des
goths
laisse
sans
les
compter
passer
les
heures
noires
qui
douze
fois
semant
les
rêves
illusoires
s’envolent
des
clochers
par
groupes
inégaux
si
jamais
vous
n’avez
à
l’heure
où
tout
sommeille
tandis
qu’elle
dormait
oublieuse
et
vermeille
pleuré
comme
un
enfant
à
force
de
souffrir
crié
cent
fois
son
nom
du
soir
jusqu’à
l’aurore
et
cru
qu’elle
viendrait
en
l’appelant
encore
et
maudit
votre
mère
et
désiré
mourir
si
jamais
vous
n’avez
senti
que
d’une
femme
le
regard
dans
votre
âme
allumait
une
autre
âme
que
vous
étiez
charmé
qu’un
ciel
s’était
ouvert
et
que
pour
cette
enfant
qui
de
vos
pleurs
se
joue
il
vous
serait
bien
doux
d’expirer
sur
la
roue
vous
n’avez
point
aimé
vous
n’avez
point
souffert
novembre
1831
xxiv
mens
blanda
in
corpore
blando
madame
autour
de
vous
tant
de
grâce
étincelle
votre
chant
est
si
pur
votre
danse
recèle
un
charme
si
vainqueur
un
si
touchant
regard
baigne
votre
prunelle
toute
votre
personne
a
quelque
chose
en
elle
de
si
doux
pour
le
cœur
que
lorsque
vous
venez
jeune
astre
qu’on
admire
éclairer
notre
nuit
d’un
rayonnant
sourire
qui
nous
fait
palpiter
comme
l’oiseau
des
bois
devant
l’aube
vermeille
une
tendre
pensée
au
fond
des
cœurs
s’éveille
et
se
met
à
chanter
vous
ne
l’entendez
pas
vous
l’ignorez
madame
car
la
chaste
pudeur
enveloppe
votre
âme
de
ses
voiles
jaloux
et
l’ange
que
le
ciel
commit
à
votre
garde
n’a
jamais
à
rougir
quand
rêveur
il
regarde
ce
qui
se
passe
en
vous
22
avril
1831
xxv
amor
ch’a
null’
amato
amar
perdona
mi
prese
del
costui
placer
si
forte
che
come
vedi
ancor
non
m’abbandona
dante
contempler
dans
son
bain
sans
voiles
une
fille
aux
yeux
innocents
suivre
de
loin
de
blanches
voiles
voir
au
ciel
briller
les
étoiles
et
sous
l’herbe
les
vers
luisants
voir
autour
des
mornes
idoles
des
sultanes
danser
en
rond
d’un
bal
compter
les
girandoles
la
nuit
voir
sur
l’eau
les
gondoles
fuir
avec
une
étoile
au
front
regarder
la
lune
sereine
dormir
sous
l’arbre
du
chemin
être
le
roi
lorsque
la
reine
par
son
sceptre
d’or
souveraine
l’est
aussi
par
sa
blanche
main
ouïr
sur
les
harpes
jalouses
se
plaindre
la
romance
en
pleurs
errer
pensif
sur
les
pelouses
le
soir
lorsque
les
andalouses
de
leurs
balcons
jettent
des
fleurs
rêver
tandis
que
les
rosées
pleuvent
d’un
beau
ciel
espagnol
et
que
les
notes
embrasées
s’épanouissent
en
fusées
dans
la
chanson
du
rossignol
ne
plus
se
rappeler
le
nombre
de
ses
jours
songes
oubliés
suivre
fuyant
dans
la
nuit
sombre
un
esprit
qui
traîne
dans
l’ombre
deux
sillons
de
flamme
à
ses
pieds
des
boutons
d’or
qu’avril
étale
dépouiller
le
riche
gazon
voir
après
l’absence
fatale
enfin
de
sa
ville
natale
grandir
la
flèche
à
l’horizon
non
tout
ce
qu’a
la
destinée
de
bien
réels
ou
fabuleux
n’est
rien
pour
mon
âme
enchaînée
quand
tu
regardes
inclinée
mes
yeux
noirs
avec
tes
yeux
bleus
12
septembre
1828
xxvi
ô
les
tendres
propos
et
les
charmantes
choses
que
me
disait
aline
en
la
saison
des
roses
doux
zéphyrs
qui
passiez
alors
dans
ces
beaux
lieux
n’en
rapportiez
vous
rien
à
l’oreille
des
dieux
segrais
vois
cette
branche
est
rude
elle
est
noire
et
la
nue
verse
la
pluie
à
flots
sur
son
écorce
nue
mais
attends
que
l’hiver
s’en
aille
et
tu
vas
voir
une
feuille
percer
ces
nœuds
si
durs
pour
elle
et
tu
demanderas
comment
un
bourgeon
frêle
peut
si
tendre
et
si
vert
jaillir
de
ce
bois
noir
demande
alors
pourquoi
ma
jeune
bien
aimée
quand
sur
mon
âme
hélas
endurcie
et
fermée
ton
souffle
passe
après
tant
de
maux
expiés
pourquoi
remonte
et
court
ma
sève
évanouie
pourquoi
mon
âme
en
fleur
et
tout
épanouie
jette
soudain
des
vers
que
j’effeuille
à
tes
pieds
c’est
que
tout
a
sa
loi
le
monde
et
la
fortune
c’est
qu’une
claire
nuit
succède
aux
nuits
sans
lune
c’est
que
tout
ici
bas
a
ses
reflux
constants
c’est
qu’il
faut
l’arbre
au
vent
et
la
feuille
au
zéphire
c’est
qu’après
le
malheur
m’est
venu
ton
sourire
c’est
que
c’était
l’hiver
et
que
c’est
le
printemps
7
mai
1829
xxvii
a
mes
amis
l
b
et
s
b
here’s
a
sigh
to
those
who
love
me
and
a
smile
to
those
who
hate
and
whatever
sky’s
above
me
here’s
a
heart
for
every
fate
byron
amis
c’est
donc
rouen
la
ville
aux
vieilles
rues
aux
vieilles
tours
débris
des
races
disparues
la
ville
aux
cent
clochers
carillonnant
dans
l’air
le
rouen
des
châteaux
des
hôtels
des
bastilles
dont
le
front
hérissé
de
flèches
et
d’aiguilles
déchire
incessamment
les
brumes
de
la
mer
c’est
rouen
qui
vous
a
rouen
qui
vous
enlève
je
ne
m’en
plaindrai
pas
j’ai
souvent
fait
ce
rêve
d’aller
voir
saint
ouen
à
moitié
démoli
et
tout
m’a
retenu
la
famille
l’étude
mille
soins
et
surtout
la
vague
inquiétude
qui
fait
que
l’homme
craint
son
désir
accompli
j’ai
différé
la
vie
à
différer
se
passe
de
projets
en
projets
et
d’espace
en
espace
le
fol
esprit
de
l’homme
en
tout
temps
s’envola
un
jour
enfin
lassés
du
songe
qui
nous
leurre
nous
disons
il
est
temps
exécutons
c’est
l’heure
alors
nous
retournons
les
yeux
—
la
mort
est
là
ainsi
de
mes
projets
—
quand
vous
verrai
je
espagne
et
venise
et
son
golfe
et
rome
et
sa
campagne
toi
sicile
que
ronge
un
volcan
souterrain
grèce
qu’on
connaît
trop
sardaigne
qu’on
ignore
cités
de
l’aquilon
du
couchant
de
l’aurore
pyramides
du
nil
cathédrales
du
rhin
qui
sait
jamais
peut
être
—
et
quand
m’abriterai
je
près
de
la
mer
ou
bien
sous
un
mont
blanc
de
neige
dans
quelque
vieux
donjon
tout
plein
d’un
vieux
héros
où
le
soleil
dorant
les
tourelles
du
faîte
n’enverra
sur
mon
front
que
des
rayons
de
fête
teints
de
pourpre
et
d’azur
au
prisme
des
vitraux
jamais
non
plus
sans
doute
—
en
attendant
vaine
ombre
oublié
dans
l’espace
et
perdu
dans
le
nombre
je
vis
j’ai
trois
enfants
en
cercle
à
mon
foyer
et
lorsque
la
sagesse
entr’ouvre
un
peu
ma
porte
elle
me
crie
ami
sois
content
que
t’importe
cette
tente
d’un
jour
qu’il
faut
sitôt
ployer
et
puis
dans
mon
esprit
des
choses
que
j’espère
je
me
fais
cent
récits
comme
à
son
fils
un
père
ce
que
je
voudrais
voir
je
le
rêve
si
beau
je
vois
en
moi
des
tours
des
romes
des
cordoues
qui
jettent
mille
feux
muse
quand
tu
secoues
sous
leurs
sombres
piliers
ton
magique
flambeau
ce
sont
des
alhambras
de
hautes
cathédrales
des
babels
dans
la
nue
enfonçant
leurs
spirales
de
noirs
escurials
mystérieux
séjour
des
villes
d’autrefois
peintes
et
dentelées
où
chantent
jour
et
nuit
mille
cloches
ailées
joyeuses
d’habiter
dans
des
clochers
à
jour
et
je
rêve
et
jamais
villes
impériales
n’éclipseront
ce
rêve
aux
splendeurs
idéales
gardons
l’illusion
elle
fuit
assez
tôt
chaque
homme
dans
son
cœur
crée
à
sa
fantaisie
tout
un
monde
enchanté
d’art
et
de
poésie
c’est
notre
chanaan
que
nous
voyons
d’en
haut
restons
où
nous
voyons
pourquoi
vouloir
descendre
et
toucher
ce
qu’on
rêve
et
marcher
dans
la
cendre
que
ferons
nous
après
où
descendre
où
courir
plus
de
but
à
chercher
plus
d’espoir
qui
séduise
de
la
terre
donnée
à
la
terre
promise
nul
retour
et
moïse
a
bien
fait
de
mourir
restons
loin
des
objets
dont
la
vue
est
charmée
l’arc
en
ciel
est
vapeur
le
nuage
est
fumée
l’idéal
tombe
en
poudre
au
toucher
du
réel
l’âme
en
songes
de
gloire
ou
d’amour
se
consume
comme
un
enfant
qui
souffle
en
un
flocon
d’écume
chaque
homme
enfle
une
bulle
où
se
reflète
un
ciel
frêle
bulle
d’azur
au
roseau
suspendue
qui
tremble
au
moindre
choc
et
vacille
éperdue
voilà
tous
nos
projets
nos
plaisirs
notre
bruit
folle
création
qu’un
zéphyr
inquiète
sphère
aux
mille
couleurs
d’une
goutte
d’eau
faite
monde
qu’un
souffle
crée
et
qu’un
souffle
détruit
rêver
c’est
le
bonheur
attendre
c’est
la
vie
courses
pays
lointains
voyages
folle
envie
c’est
assez
d’accomplir
le
voyage
éternel
tout
chemine
ici
bas
vers
un
but
de
mystère
—
où
va
l’esprit
dans
l’homme
où
va
l’homme
sur
terre
seigneur
seigneur
—
où
va
la
terre
dans
le
ciel
le
saurons
nous
jamais
—
qui
percera
nos
voiles
noirs
firmaments
semés
de
nuages
d’étoiles
mer
qui
peut
dans
ton
lit
descendre
et
regarder
où
donc
est
la
science
où
donc
est
l’origine
cherchez
au
fond
des
mers
cette
perle
divine
et
l’océan
connu
l’âme
reste
à
sonder
que
faire
et
que
penser
—
nier
douter
ou
croire
carrefour
ténébreux
triple
route
nuit
noire
le
plus
sage
s’assied
sous
l’arbre
du
chemin
disant
tout
bas
j’irai
seigneur
où
tu
m’envoies
il
espère
et
de
loin
dans
les
trois
sombres
voies
il
écoute
pensif
marcher
le
genre
humain
14
mai
1830
xxviii
à
mes
amis
s
b
et
l
b
buen
viage
goya
amis
mes
deux
amis
mon
peintre
mon
poëte
vous
me
manquez
toujours
et
mon
âme
inquiète
vous
redemande
ici
des
deux
amis
si
chers
à
ma
lyre
engourdie
pas
un
ne
m’est
resté
je
t’en
veux
normandie
de
me
les
prendre
ainsi
ils
emportent
en
eux
toute
ma
poésie
l’un
avec
son
doux
luth
de
miel
et
d’ambroisie
l’autre
avec
ses
pinceaux
peinture
et
poésie
où
s’abreuvait
ma
muse
adieu
votre
onde
adieu
l’alphée
et
l’aréthuse
dont
je
mêlais
les
eaux
adieu
surtout
ces
cœurs
et
ces
âmes
si
hautes
dont
toujours
j’ai
trouvé
pour
mes
maux
et
mes
fautes
si
tendre
la
pitié
adieu
toute
la
joie
à
leur
commerce
unie
car
tous
deux
ô
douceur
si
divers
de
génie
ont
la
même
amitié
je
crois
d’ici
les
voir
le
poëte
et
le
peintre
ils
s’en
vont
raisonnant
de
l’ogive
et
du
cintre
devant
un
vieux
portail
ou
soudain
à
loisir
changeant
de
fantaisie
poursuivent
un
œil
noir
dessous
la
jalousie
à
travers
l’éventail
oh
de
la
jeune
fille
et
du
vieux
monastère
toi
peins
nous
la
beauté
toi
dis
nous
le
mystère
charmez
nous
tour
à
tour
à
travers
le
blanc
voile
et
la
muraille
grise
votre
œil
ô
mes
amis
sait
voir
dieu
dans
l’église
dans
la
femme
l’amour
marchez
frères
jumeaux
l’artiste
avec
l’apôtre
l’un
nous
peint
l’univers
que
nous
explique
l’autre
car
pour
notre
bonheur
chacun
de
vous
sur
terre
a
sa
part
qu’il
réclame
à
toi
peintre
le
monde
à
toi
poëte
l’âme
à
tous
deux
le
seigneur
15
mai
1830
xxix
la
pente
de
la
rêverie
obscuritate
rerum
verba
sæpe
obscurantur
gervasius
tilberiensis
amis
ne
creusez
pas
vos
chères
rêveries
ne
fouillez
pas
le
sol
de
vos
plaines
fleuries
et
quand
s’offre
à
vos
yeux
un
océan
qui
dort
nagez
à
la
surface
ou
jouez
sur
le
bord
car
la
pensée
est
sombre
une
pente
insensible
va
du
monde
réel
à
la
sphère
invisible
la
spirale
est
profonde
et
quand
on
y
descend
sans
cesse
se
prolonge
et
va
s’élargissant
et
pour
avoir
touché
quelque
énigme
fatale
de
ce
voyage
obscur
souvent
on
revient
pâle
l’autre
jour
il
venait
de
pleuvoir
car
l’été
cette
année
est
de
bise
et
de
pluie
attristé
et
le
beau
mois
de
mai
dont
le
rayon
nous
leurre
prend
le
masque
d’avril
qui
sourit
et
qui
pleure
j’avais
levé
le
store
aux
gothiques
couleurs
je
regardais
au
loin
les
arbres
et
les
fleurs
le
soleil
se
jouait
sur
la
pelouse
verte
dans
les
gouttes
de
pluie
et
ma
fenêtre
ouverte
apportait
du
jardin
à
mon
esprit
heureux
un
bruit
d’enfants
joueurs
et
d’oiseaux
amoureux
paris
les
grands
ormeaux
maison
dôme
chaumière
tout
flottait
à
mes
yeux
dans
la
riche
lumière
de
cet
astre
de
mai
dont
le
rayon
charmant
au
bout
de
tout
brin
d’herbe
allume
un
diamant
je
me
laissais
aller
à
ces
trois
harmonies
printemps
matin
enfance
en
ma
retraite
unies
la
seine
ainsi
que
moi
laissait
son
flot
vermeil
suivre
nonchalamment
sa
pente
et
le
soleil
faisait
évaporer
à
la
fois
sur
les
grèves
l’eau
du
fleuve
en
brouillards
et
ma
pensée
en
rêves
alors
dans
mon
esprit
je
vis
autour
de
moi
mes
amis
non
confus
mais
tels
que
je
les
voi
quand
ils
viennent
le
soir
troupe
grave
et
fidèle
vous
avec
vos
pinceaux
dont
la
pointe
étincelle
vous
laissant
échapper
vos
vers
au
vol
ardent
et
nous
tous
écoutant
en
cercle
ou
regardant
ils
étaient
bien
là
tous
je
voyais
leurs
visages
tous
même
les
absents
qui
font
de
longs
voyages
puis
tous
ceux
qui
sont
morts
vinrent
après
ceux
ci
avec
l’air
qu’ils
avaient
quand
ils
vivaient
aussi
quand
j’eus
quelques
instants
des
yeux
de
ma
pensée
contemplé
leur
famille
à
mon
foyer
pressée
je
vis
trembler
leurs
traits
confus
et
par
degrés
pâlir
en
s’effaçant
leurs
fronts
décolorés
et
tous
comme
un
ruisseau
qui
dans
un
lac
s’écoule
se
perdre
autour
de
moi
dans
une
immense
foule
foule
sans
nom
chaos
des
voix
des
yeux
des
pas
ceux
qu’on
n’a
jamais
vus
ceux
qu’on
ne
connaît
pas
tous
les
vivants
—
cités
bourdonnant
aux
oreilles
plus
qu’un
bois
d’amérique
ou
des
ruches
d’abeilles
caravanes
campant
sur
le
désert
en
feu
matelots
dispersés
sur
l’océan
de
dieu
et
comme
un
pont
hardi
sur
l’onde
qui
chavire
jetant
d’un
monde
à
l’autre
un
sillon
de
navire
ainsi
que
l’araignée
entre
deux
chênes
verts
jette
un
fil
argenté
qui
flotte
dans
les
airs
les
deux
pôles
le
monde
entier
la
mer
la
terre
alpes
aux
fronts
de
neige
etnas
au
noir
cratère
tout
à
la
fois
automne
été
printemps
hiver
les
vallons
descendant
de
la
terre
à
la
mer
et
s’y
changeant
en
golfe
et
des
mers
aux
campagnes
les
caps
épanouis
en
chaînes
de
montagnes
et
les
grands
continents
brumeux
verts
ou
dorés
par
les
grands
océans
sans
cesse
dévorés
tout
comme
un
paysage
en
une
chambre
noire
se
réfléchit
avec
ses
rivières
de
moire
ses
passants
ses
brouillards
flottant
comme
un
duvet
tout
dans
mon
esprit
sombre
allait
marchait
vivait
alors
en
attachant
toujours
plus
attentives
ma
pensée
et
ma
vue
aux
mille
perspectives
que
le
souffle
du
vent
ou
le
pas
des
saisons
m’ouvrait
à
tous
moments
dans
tous
les
horizons
je
vis
soudain
surgir
parfois
du
sein
des
ondes
à
côté
des
cités
vivantes
des
deux
mondes
d’autres
villes
aux
fronts
étranges
inouïs
sépulcres
ruinés
des
temps
évanouis
pleines
d’entassements
de
tours
de
pyramides
baignant
leurs
pieds
aux
mers
leur
tête
aux
cieux
humides
quelques
unes
sortaient
de
dessous
des
cités
où
les
vivants
encor
bruissent
agités
et
des
siècles
passés
jusqu’à
l’âge
où
nous
sommes
je
pus
compter
ainsi
trois
étages
de
romes
et
tandis
qu’élevant
leurs
inquiètes
voix
les
cités
des
vivants
résonnaient
à
la
fois
des
murmures
du
peuple
ou
du
pas
des
armées
ces
villes
du
passé
muettes
et
fermées
sans
fumée
à
leurs
toits
sans
rumeurs
dans
leurs
seins
se
taisaient
et
semblaient
des
ruches
sans
essaims
j’attendais
un
grand
bruit
se
fit
les
races
mortes
de
ces
villes
en
deuil
vinrent
ouvrir
les
portes
et
je
les
vis
marcher
ainsi
que
les
vivants
et
jeter
seulement
plus
de
poussière
aux
vents
alors
tours
aqueducs
pyramides
colonnes
je
vis
l’intérieur
des
vieilles
babylones
les
carthages
les
tyrs
les
thèbes
les
sions
d’où
sans
cesse
sortaient
des
générations
ainsi
j’embrassais
tout
et
la
terre
et
cybèle
la
face
antique
auprès
de
la
face
nouvelle
le
passé
le
présent
les
vivants
et
les
morts
le
genre
humain
complet
comme
au
jour
du
remords
tout
parlait
à
la
fois
tout
se
faisait
comprendre
le
pelage
d’orphée
et
l’étrusque
d’évandre
les
runes
d’irmensul
le
sphinx
égyptien
la
voix
du
nouveau
monde
aussi
vieux
que
l’ancien
or
ce
que
je
voyais
je
doute
que
je
puisse
vous
le
peindre
c’était
comme
un
grand
édifice
formé
d’entassements
de
siècles
et
de
lieux
on
n’en
pouvait
trouver
les
bords
ni
les
milieux
à
toutes
les
hauteurs
nations
peuples
races
mille
ouvriers
humains
laissant
partout
leurs
traces
travaillaient
nuit
et
jour
montant
croisant
leurs
pas
parlant
chacun
leur
langue
et
ne
s’entendant
pas
et
moi
je
parcourais
cherchant
qui
me
réponde
de
degrés
en
degrés
cette
babel
du
monde
la
nuit
avec
la
foule
en
ce
rêve
hideux
venait
s’épaississant
ensemble
toutes
deux
et
dans
ces
régions
que
nul
regard
ne
sonde
plus
l’homme
était
nombreux
plus
l’ombre
était
profonde
tout
devenait
douteux
et
vague
seulement
un
souffle
qui
passait
de
moment
en
moment
comme
pour
me
montrer
l’immense
fourmilière
ouvrait
dans
l’ombre
au
loin
des
vallons
de
lumière
ainsi
qu’un
coup
de
vent
fait
sur
les
flots
troublés
blanchir
l’écume
ou
creuse
une
onde
dans
les
blés
bientôt
autour
de
moi
les
ténèbres
s’accrurent
l’horizon
se
perdit
les
formes
disparurent
et
l’homme
avec
la
chose
et
l’être
avec
l’esprit
flottèrent
à
mon
souffle
et
le
frisson
me
prit
j’étais
seul
tout
fuyait
l’étendue
était
sombre
je
voyais
seulement
au
loin
à
travers
l’ombre
comme
d’un
océan
les
flots
noirs
et
pressés
dans
l’espace
et
le
temps
les
nombres
entassés
oh
cette
double
mer
du
temps
et
de
l’espace
où
le
navire
humain
toujours
passe
et
repasse
je
voulus
la
sonder
je
voulus
en
toucher
le
sable
y
regarder
y
fouiller
y
chercher
pour
vous
en
rapporter
quelque
richesse
étrange
et
dire
si
son
lit
est
de
roche
ou
de
fange
mon
esprit
plongea
donc
sous
ce
flot
inconnu
au
profond
de
l’abîme
il
nagea
seul
et
nu
toujours
de
l’ineffable
allant
à
l’invisible…
soudain
il
s’en
revint
avec
un
cri
terrible
ébloui
haletant
stupide
épouvanté
car
il
avait
au
fond
trouvé
l’éternité
28
mai
1830
xxx
à
joseph
compte
de
s
souvenir
d’enfance
cuncta
supercilio
horace
dans
une
grande
fête
un
jour
au
panthéon
j’avais
sept
ans
je
vis
passer
napoléon
pour
voir
cette
figure
illustre
et
solennelle
je
m’étais
échappé
de
l’aile
maternelle
car
il
tenait
déjà
mon
esprit
inquiet
mais
ma
mère
aux
doux
yeux
qui
souvent
s’effrayait
en
m’entendant
parler
guerre
assauts
et
bataille
craignait
pour
moi
la
foule
à
cause
de
ma
taille
et
ce
qui
me
frappa
dans
ma
sainte
terreur
quand
au
front
du
cortège
apparut
l’empereur
tandis
que
les
enfants
demandaient
à
leurs
mères
si
c’est
là
ce
héros
dont
on
fait
cent
chimères
ce
ne
fut
pas
de
voir
tout
ce
peuple
à
grand
bruit
le
suivre
comme
on
suit
un
phare
dans
la
nuit
et
se
montrer
de
loin
sur
sa
tête
suprême
ce
chapeau
tout
usé
plus
beau
qu’un
diadème
ni
pressés
sur
ses
pas
dix
vassaux
couronnés
regarder
en
tremblant
ses
pieds
éperonnés
ni
ses
vieux
grenadiers
se
faisant
violence
des
cris
universels
s’enivrer
en
silence
non
tandis
qu’à
genoux
la
ville
tout
en
feu
joyeuse
comme
on
est
lorsqu’on
a
qu’un
seul
vœu
qu’on
n’est
qu’un
même
peuple
et
qu’ensemble
on
respire
chantait
en
chœur
veillons
au
salut
de
l’empire
ce
qui
me
frappa
dis
je
et
me
resta
gravé
même
après
que
le
cri
sur
sa
route
élevé
se
fut
évanoui
dans
ma
jeune
mémoire
ce
fut
de
voir
parmi
ces
fanfares
de
gloire
dans
le
bruit
qu’il
faisait
cet
homme
souverain
passer
muet
et
grave
ainsi
qu’un
dieu
d’airain
et
le
soir
curieux
je
le
dis
à
mon
père
pendant
qu’il
défaisait
son
vêtement
de
guerre
et
que
je
me
jouais
sur
son
dos
indulgent
de
l’épaulette
d’or
aux
étoiles
d’argent
mon
père
secoua
la
tête
sans
réponse
mais
souvent
une
idée
en
notre
esprit
s’enfonce
ce
qui
nous
a
frappés
nous
revient
par
moments
et
l’enfance
naïve
a
ses
étonnements
le
lendemain
pour
voir
le
soleil
qui
s’incline
j’avais
suivi
mon
père
du
haut
de
la
colline
qui
domine
paris
du
côté
du
levant
et
nous
allions
tous
deux
lui
pensant
moi
rêvant
cet
homme
en
mon
esprit
restait
comme
un
prodige
et
parlant
à
mon
père
ô
mon
père
lui
dis
je
pourquoi
notre
empereur
cet
envoyé
de
dieu
lui
qui
fait
tout
mouvoir
et
qui
met
tout
en
feu
a
t
il
ce
regard
froid
et
cet
air
immobile
mon
père
dans
ses
mains
prit
ma
tête
débile
et
me
montrant
au
loin
l’horizon
spacieux
vois
mon
fils
cette
terre
immobile
à
tes
yeux
plus
que
l’air
plus
que
l’onde
et
la
flamme
est
émue
car
le
germe
de
tout
dans
son
ventre
remue
dans
ses
flancs
ténébreux
nuit
et
jour
en
rampant
elle
sent
se
plonger
la
racine
serpent
qui
s’abreuve
aux
ruisseaux
des
sèves
toujours
prêtes
et
fouille
et
boit
sans
cesse
avec
ses
mille
têtes
mainte
flamme
y
ruisselle
et
tantôt
lentement
imbibe
le
cristal
qui
devient
diamant
tantôt
dans
quelque
mine
éblouissante
et
sombre
allume
des
monceaux
d’escarboucles
sans
nombre
ou
s’échappant
au
jour
plus
magnifique
encor
au
front
du
vieil
etna
met
une
aigrette
d’or
toujours
l’intérieur
de
la
terre
travaille
son
flanc
universel
incessamment
tressaille
goutte
à
goutte
et
sans
bruit
qui
réponde
à
son
bruit
la
source
de
tout
fleuve
y
filtre
dans
la
nuit
elle
porte
à
la
fois
sur
sa
face
où
nous
sommes
les
blés
et
les
cités
les
forêts
et
les
hommes
vois
tout
est
vert
au
loin
tout
rit
tout
est
vivant
elle
livre
le
chêne
et
le
brin
d’herbe
au
vent
les
fruits
et
les
épis
la
couvrent
à
cette
heure
eh
bien
déjà
tandis
que
ton
regard
l’effleure
dans
son
sein
que
n’épuise
aucun
enfantement
les
futures
moissons
tremblent
confusément
ainsi
travaille
enfant
l’âme
active
et
féconde
du
poëte
qui
crée
et
du
soldat
qui
fonde
mais
ils
n’en
font
rien
voir
de
la
flamme
à
pleins
bords
qui
les
brûle
au
dedans
rien
ne
luit
au
dehors
ainsi
napoléon
que
l’éclat
environne
et
qui
fit
tant
de
bruit
en
forgeant
sa
couronne
ce
chef
que
tout
célèbre
et
que
pourtant
tu
vois
immobile
et
muet
passer
sur
le
pavois
quand
le
peuple
l’étreint
sent
en
lui
ses
pensées
qui
l’étreignent
aussi
se
mouvoir
plus
pressées
déjà
peut
être
en
lui
mille
choses
se
font
et
tout
l’avenir
germe
en
son
cerveau
profond
déjà
dans
sa
pensée
immense
et
clairvoyante
l’europe
ne
fait
plus
qu’une
france
géante
berlin
vienne
madrid
moscou
londres
milan
viennent
rendre
à
paris
hommage
une
fois
l’an
le
vatican
n’est
plus
que
le
vassal
du
louvre
la
terre
à
chaque
instant
sous
les
vieux
trônes
s’ouvre
et
de
tous
leurs
débris
sort
pour
le
genre
humain
un
autre
charlemagne
un
autre
globe
en
main
et
dans
le
même
esprit
où
ce
grand
dessein
roule
les
bataillons
futurs
déjà
marchent
en
foule
le
conscrit
résigné
sous
un
avis
fréquent
se
dresse
le
tambour
résonne
au
front
du
camp
d’ouvriers
et
d’outils
cherbourg
couvre
sa
grève
le
vaisseau
colossal
sur
le
chantier
s’élève
l’obusier
rouge
encor
sort
du
fourneau
qui
bout
une
marine
flotte
une
armée
est
debout
car
la
guerre
toujours
l’illumine
et
l’enflamme
et
peut
être
déjà
dans
la
nuit
de
cette
âme
sous
ce
crâne
où
le
monde
en
silence
est
couvé
d’un
second
austerlitz
le
soleil
s’est
levé
plus
tard
une
autre
fois
je
vis
passer
cet
homme
plus
grand
dans
son
paris
que
césar
dans
sa
rome
des
discours
de
mon
père
alors
je
me
souvins
on
l’entourait
encor
d’honneurs
presque
divins
et
je
lui
retrouvai
rêveur
à
son
passage
et
la
même
pensée
et
le
même
visage
il
méditait
toujours
son
projet
surhumain
cent
aigles
l’escortaient
en
empereur
romain
ses
régiments
marchaient
enseignes
déployées
ses
lourds
canons
baissant
leurs
boucles
essuyées
couraient
et
traversant
la
foule
aux
pas
confus
avec
un
bruit
d’airain
sautaient
sur
leurs
affûts
mais
bientôt
au
soleil
cette
tête
admirée
disparut
dans
un
flot
de
poussière
dorée
il
passa
cependant
son
nom
sur
la
cité
bondissait
des
canons
aux
cloches
rejeté
son
cortège
emplissait
de
tumulte
les
rues
et
par
mille
clameurs
de
sa
présence
accrues
par
mille
cris
de
joie
et
d’amour
furieux
le
peuple
saluait
ce
passant
glorieux
novembre
1831
xxxi
à
madame
marie
m
ave
maria
gratia
plena
oh
votre
œil
est
timide
et
votre
front
est
doux
mais
quoique
par
pudeur
ou
par
pitié
pour
nous
vous
teniez
secrète
votre
âme
quand
du
souffle
d’en
haut
votre
cœur
est
touché
votre
cœur
comme
un
feu
sous
la
cendre
caché
soudain
étincelle
et
s’enflamme
élevez
la
souvent
cette
voix
qui
se
tait
quand
vous
vîntes
au
jour
un
rossignol
chantait
un
astre
charmant
vous
vit
naître
enfant
pour
vous
marquer
du
poétique
sceau
vous
eûtes
au
chevet
de
votre
heureux
berceau
un
dieu
votre
père
peut
être
deux
vierges
poésie
et
musique
deux
sœurs
vous
font
une
pensée
infinie
en
douceurs
votre
génie
a
deux
aurores
et
votre
esprit
tantôt
s’épanche
en
vers
touchants
tantôt
sur
le
clavier
qui
frémit
sous
vos
chants
s’éparpille
en
notes
sonores
oh
vous
faites
rêver
le
poëte
le
soir
souvent
il
songe
à
vous
lorsque
le
ciel
est
noir
quand
minuit
déroule
ses
voiles
car
l’âme
du
poëte
âme
d’ombre
et
d’amour
est
une
fleur
des
nuits
qui
s’ouvre
après
le
jour
et
s’épanouit
aux
étoiles
9
décembre
1830
minuit
xxxii
pour
les
pauvres
qui
donne
au
pauvre
prête
à
dieu
v
h
dans
vos
fêtes
d’hiver
riches
heureux
du
monde
quand
le
bal
tournoyant
de
ses
feux
vous
inonde
quand
partout
à
l’entour
de
vos
pas
vous
voyez
briller
et
rayonner
cristaux
miroirs
balustres
candélabres
ardents
cercle
étoilé
des
lustres
et
la
danse
et
la
joie
au
front
des
conviés
tandis
qu’un
timbre
d’or
sonnant
dans
vos
demeures
vous
change
en
joyeux
chant
la
voix
grave
des
heures
oh
songez
vous
parfois
que
de
faim
dévoré
peut
être
un
indigent
dans
les
carrefours
sombres
s’arrête
et
voit
danser
vos
lumineuses
ombres
aux
vitres
du
salon
doré
songez
vous
qu’il
est
là
sous
le
givre
et
la
neige
ce
père
sans
travail
que
la
famine
assiège
et
qu’il
se
dit
tout
bas
pour
un
seul
que
de
biens
à
son
large
festin
que
d’amis
se
récrient
ce
riche
est
bien
heureux
ses
enfants
lui
sourient
rien
que
dans
leurs
jouets
que
de
pain
pour
les
miens
et
puis
à
votre
fête
il
compare
en
son
âme
son
foyer
où
jamais
ne
rayonne
une
flamme
ses
enfants
affamés
et
leur
mère
en
lambeau
et
sur
un
peu
de
paille
étendue
et
muette
l’aïeule
que
l’hiver
hélas
a
déjà
faite
assez
froide
pour
le
tombeau
car
dieu
mit
ces
degrés
aux
fortunes
humaines
les
uns
vont
tout
courbés
sous
le
fardeau
des
peines
au
banquet
du
bonheur
bien
peu
sont
conviés
tous
n’y
sont
point
assis
également
à
l’aise
une
loi
qui
d’en
bas
semble
injuste
et
mauvaise
dit
aux
uns
jouissez
aux
autres
enviez
cette
pensée
est
sombre
amère
inexorable
et
fermente
en
silence
au
cœur
du
misérable
riches
heureux
du
jour
qu’endort
la
volupté
que
ce
ne
soit
pas
lui
qui
des
mains
vous
arrache
tous
ces
biens
superflus
où
son
regard
s’attache
—
oh
que
ce
soit
la
charité
l’ardente
charité
que
le
pauvre
idolâtre
mère
de
ceux
pour
qui
la
fortune
est
marâtre
qui
relève
et
soutient
ceux
qu’on
foule
en
passant
qui
lorsqu’il
le
faudra
se
sacrifiant
toute
comme
le
dieu
martyr
dont
elle
suit
la
route
dira
buvez
mangez
c’est
ma
chair
et
mon
sang
que
ce
soit
elle
oh
oui
riches
que
ce
soit
elle
qui
bijoux
diamants
rubans
hochets
dentelle
perles
saphirs
joyaux
toujours
faux
toujours
vains
pour
nourrir
l’indigent
et
pour
sauver
vos
âmes
des
bras
de
vos
enfants
et
du
sein
de
vos
femmes
arrache
tout
à
pleines
mains
donnez
riches
l’aumône
est
sœur
de
la
prière
hélas
quand
un
vieillard
sur
votre
seuil
de
pierre
tout
roidi
par
l’hiver
en
vain
tombe
à
genoux
quand
les
petits
enfants
les
mains
de
froid
rougies
ramassent
sous
vos
pieds
les
miettes
des
orgies
la
face
du
seigneur
se
détourne
de
vous
donnez
afin
que
dieu
qui
dote
les
familles
donne
à
vos
fils
la
force
et
la
grâce
à
vos
filles
afin
que
votre
vigne
ait
toujours
un
doux
fruit
afin
qu’un
blé
plus
mûr
fasse
plier
vos
granges
afin
d’être
meilleurs
afin
de
voir
les
anges
passer
dans
vos
rêves
la
nuit
donnez
il
vient
un
jour
où
la
terre
nous
laisse
vos
aumônes
là
haut
vous
font
une
richesse
donnez
afin
qu’on
dise
il
a
pitié
de
nous
afin
que
l’indigent
que
glacent
les
tempêtes
que
le
pauvre
qui
souffre
à
côté
de
vos
fêtes
au
seuil
de
vos
palais
fixe
un
œil
moins
jaloux
donnez
pour
être
aimés
du
dieu
qui
se
fit
homme
pour
que
le
méchant
même
en
s’inclinant
vous
nomme
pour
que
votre
foyer
soit
calme
et
fraternel
donnez
afin
qu’un
jour
à
votre
heure
dernière
contre
tous
vos
péchés
vous
ayez
la
prière
d’un
mendiant
puissant
au
ciel
22
janvier
1830
xxxiii
à
trappiste
à
la
meilleraye
’t
is
vain
to
struggle
—
let
me
perish
young
—
live
as
i
have
lived
and
love
as
i
have
hoved
to
dust
if
i
return
from
dust
i
sprung
and
then
at
least
my
heart
can
he’er
be
moved
byron
mon
frère
la
tempête
a
donc
été
bien
forte
le
vent
impétueux
qui
souffle
et
nous
emporte
de
récif
en
récif
a
donc
quand
vous
partiez
d’une
aile
bien
profonde
creusé
le
vaste
abîme
et
bouleversé
l’onde
autour
de
votre
esquif
que
tour
à
tour
en
hâte
et
de
peur
du
naufrage
pour
alléger
la
nef
en
butte
au
sombre
orage
en
proie
au
flot
amer
il
a
fallu
plaisirs
liberté
fantaisie
famille
amour
trésors
jusqu’à
la
poésie
tout
jeter
à
la
mer
et
qu’enfin
seul
et
nu
vous
voguez
solitaire
allant
où
va
le
flot
sans
jamais
prendre
terre
calme
vivant
de
peu
ayant
dans
votre
esquif
qui
des
nôtres
s’isole
deux
choses
seulement
la
voile
et
la
boussole
votre
âme
et
votre
dieu
20
mai
1830
xxxiv
à
mademoiselle
louise
b
bièvre
un
horizon
fait
à
souhait
pour
le
plaisir
des
yeux
fénelon
i
oui
c’est
bien
le
vallon
le
vallon
calme
et
sombre
ici
l’été
plus
frais
s’épanouit
à
l’ombre
ici
durent
longtemps
les
fleurs
qui
durent
peu
ici
l’âme
contemple
écoute
adore
aspire
et
prend
pitié
du
monde
étroit
et
fol
empire
où
l’homme
tous
les
jours
fait
moins
de
place
à
dieu
une
rivière
au
fond
des
bois
sur
les
deux
pentes
là
des
ormeaux
brodés
de
cent
vignes
grimpantes
des
prés
où
le
faucheur
brunit
son
bras
nerveux
là
des
saules
pensifs
qui
pleurent
sur
la
rive
et
comme
une
baigneuse
indolente
et
naïve
laissent
tremper
dans
l’eau
le
bout
de
leurs
cheveux
là
bas
un
gué
bruyant
dans
des
eaux
poissonneuses
qui
montrent
aux
passants
les
pieds
nus
des
faneuses
des
carrés
de
blé
d’or
des
étangs
au
flot
clair
dans
l’ombre
un
mur
de
craie
et
des
toits
noirs
de
suie
les
ocres
des
ravins
déchirés
par
la
pluie
et
l’aqueduc
au
loin
qui
semble
un
pont
de
l’air
et
pour
couronnement
à
ces
collines
vertes
les
profondeurs
du
ciel
toutes
grandes
ouvertes
le
ciel
bleu
pavillon
par
dieu
même
construit
qui
le
jour
emplissant
de
plis
d’azur
l’espace
semble
un
dais
suspendu
sur
le
soleil
qui
passe
et
dont
on
ne
peut
voir
les
clous
d’or
que
la
nuit
oui
c’est
un
de
ces
lieux
où
notre
cœur
sent
vivre
quelque
chose
des
cieux
qui
flotte
et
qui
l’enivre
un
de
ces
lieux
qu’enfant
j’aimais
et
je
rêvais
dont
la
beauté
sereine
inépuisable
intime
verse
à
l’âme
un
oubli
sérieux
et
sublime
de
tout
ce
que
la
terre
et
l’homme
ont
de
mauvais
ii
si
dès
l’aube
on
suit
les
lisières
du
bois
abri
des
jeunes
faons
par
l’âpre
chemin
dont
les
pierres
offensent
les
mains
des
enfants
à
l’heure
où
le
soleil
s’élève
où
l’arbre
sent
monter
la
sève
la
vallée
est
comme
un
beau
rêve
la
brume
écarte
son
rideau
partout
la
nature
s’éveille
la
fleur
s’ouvre
rose
et
vermeille
la
brise
y
suspend
une
abeille
la
rosée
une
goutte
d’eau
et
dans
ce
charmant
paysage
où
l’esprit
flotte
où
l’œil
s’enfuit
le
buisson
l’oiseau
de
passage
l’herbe
qui
tremble
et
qui
reluit
le
vieil
arbre
que
l’âge
ploie
le
donjon
qu’un
moulin
coudoie
le
ruisseau
de
moire
et
de
soie
le
champ
où
dorment
les
aïeux
ce
qu’on
voit
pleurer
ou
sourire
ce
qui
chante
et
ce
qui
soupire
ce
qui
parle
et
ce
qui
respire
tout
fait
un
bruit
harmonieux
iii
et
si
le
soir
après
mille
errantes
pensées
de
sentiers
en
sentiers
en
marchant
dispersées
du
haut
de
la
colline
on
descend
vers
ce
toit
qui
vous
a
tout
le
jour
dans
votre
rêverie
fait
regarder
en
bas
au
fond
de
la
prairie
comme
une
belle
fleur
qu’on
voit
et
si
vous
êtes
là
vous
dont
la
main
de
flamme
fait
parler
au
clavier
la
langue
de
votre
âme
si
c’est
un
des
moments
doux
et
mystérieux
où
la
musique
esprit
d’extase
et
de
délire
dont
les
ailes
de
feu
font
le
bruit
d’une
lyre
réverbère
en
vos
chants
la
splendeur
de
vos
yeux
si
les
petits
enfants
qui
vous
cherchent
sans
cesse
mêlent
leur
joyeux
rire
au
chant
qui
vous
oppresse
si
votre
noble
père
à
leurs
jeux
turbulents
sourit
en
écoutant
votre
hymne
commencée
lui
le
sage
et
l’heureux
dont
la
jeune
pensée
se
couronne
de
cheveux
blancs
alors
à
cette
voix
qui
remue
et
pénètre
sous
ce
ciel
étoilé
qui
luit
à
la
fenêtre
on
croit
à
la
famille
au
repos
au
bonheur
le
cœur
se
fond
en
joie
en
amour
en
prière
on
sent
venir
des
pleurs
au
bord
de
sa
paupière
on
lève
au
ciel
les
mains
en
s’écriant
seigneur
iv
et
l’on
ne
songe
plus
tant
notre
âme
saisie
se
perd
dans
la
nature
et
dans
la
poésie
que
tout
près
par
les
bois
et
les
ravins
caché
derrière
le
ruban
de
ces
collines
bleues
à
quatre
de
ces
pas
que
nous
nommons
des
lieues
le
géant
paris
est
couché
on
ne
s’informe
plus
si
la
ville
fatale
du
monde
en
fusion
ardente
capitale
ouvre
et
ferme
à
tel
jour
ses
cratères
fumants
et
de
quel
air
les
rois
à
l’instant
où
nous
sommes
regardent
bouillonner
dans
ce
vésuve
d’hommes
la
lave
des
événements
8
juillet
1831
xxxv
soleils
couchants
merveilleux
tableaux
que
la
vue
découvre
à
la
pensée
ch
nodier
i
j’aime
les
soirs
sereins
et
beaux
j’aime
les
soirs
soit
qu’ils
dorent
le
front
des
antiques
manoirs
ensevelis
dans
les
feuillages
soit
que
la
brume
au
loin
s’allonge
en
bancs
de
feu
soit
que
mille
rayons
brisent
dans
un
ciel
bleu
à
des
archipels
de
nuages
oh
regardez
le
ciel
cent
nuages
mouvants
amoncelés
là
haut
sous
le
souffle
des
vents
groupent
leurs
formes
inconnues
sous
leurs
flots
par
moments
flamboie
un
pâle
éclair
comme
si
tout
à
coup
quelque
géant
de
l’air
tirait
son
glaive
dans
les
nues
le
soleil
à
travers
leurs
ombres
brille
encor
tantôt
fait
à
l’égal
des
larges
dômes
d’or
luire
le
toit
d’une
chaumière
ou
dispute
aux
brouillards
les
vagues
horizons
ou
découpe
en
tombant
sur
les
sombres
gazons
comme
de
grands
lacs
de
lumière
puis
voilà
qu’on
croit
voir
dans
le
ciel
balayé
pendre
un
grand
crocodile
au
dos
large
et
rayé
aux
trois
rangs
de
dents
acérées
sous
son
ventre
plombé
glisse
un
rayon
du
soir
cent
nuages
ardents
luisent
sous
son
flanc
noir
comme
des
écailles
dorées
puis
se
dresse
un
palais
puis
l’air
tremble
et
tout
fuit
l’édifice
effrayant
des
nuages
détruit
s’écroule
en
ruines
pressées
il
jonche
au
loin
le
ciel
et
ses
cônes
vermeils
pendent
la
pointe
en
bas
sur
nos
têtes
pareils
à
des
montagnes
renversées
ces
nuages
de
plomb
d’or
de
cuivre
de
fer
où
l’ouragan
la
trombe
et
la
foudre
et
l’enfer
dorment
avec
de
sourds
murmures
c’est
dieu
qui
les
suspend
en
foule
aux
cieux
profonds
comme
un
guerrier
qui
pend
aux
poutres
des
plafonds
ses
retentissantes
armures
tout
s’en
va
le
soleil
d’en
haut
précipité
comme
un
globe
d’airain
qui
rouge
est
rejeté
dans
les
fournaises
remuées
en
tombant
sur
leurs
flots
que
son
choc
désunit
fait
en
flocons
de
feu
jaillir
jusqu’au
zénith
l’ardente
écume
des
nuées
oh
contemplez
le
ciel
et
dès
qu’a
fui
le
jour
en
tout
temps
en
tout
lieu
d’un
ineffable
amour
regardez
à
travers
ses
voiles
un
mystère
est
au
fond
de
leur
grave
beauté
l’hiver
quand
ils
sont
noirs
comme
un
linceul
l’été
quand
la
nuit
les
brode
d’étoiles
novembre
1828
ii
le
jour
s’enfuit
des
cieux
sous
leur
transparent
voile
de
moments
en
moments
se
hasarde
une
étoile
la
nuit
pas
à
pas
monte
au
trône
obscur
des
soirs
un
coin
du
ciel
est
brun
l’autre
lutte
avec
l’ombre
et
déjà
succédant
au
couchant
rouge
et
sombre
le
crépuscule
gris
meurt
sur
les
coteaux
noirs
et
là
bas
allumant
ses
vitres
étoilées
avec
sa
cathédrale
aux
flèches
dentelées
les
tours
de
son
palais
les
tours
de
sa
prison
avec
ses
hauts
clochers
sa
bastille
obscurcie
posée
au
bord
du
ciel
comme
une
longue
scie
la
ville
aux
mille
toits
découpe
l’horizon
oh
qui
m’emportera
sur
quelque
tour
sublime
d’où
la
cité
sous
moi
s’ouvre
comme
un
abîme
que
j’entende
écoutant
la
ville
où
nous
rampons
mourir
sa
vaste
voix
qui
semble
un
cri
de
veuve
et
qui
le
jour
gémit
plus
haut
que
le
grand
fleuve
le
grand
fleuve
irrité
luttant
contre
vingt
ponts
que
je
voie
à
mes
yeux
en
fuyant
apparues
les
étoiles
des
chars
se
croiser
dans
les
rues
et
serpenter
le
peuple
en
l’étroit
carrefour
et
tarir
la
fumée
au
bout
des
cheminées
et
glissant
sur
le
front
des
maisons
blasonnées
cent
clartés
naître
luire
et
passer
tour
à
tour
que
la
vieille
cité
devant
moi
sur
sa
couche
s’étende
qu’un
soupir
s’échappe
de
sa
bouche
comme
si
de
fatigue
on
l’entendait
gémir
que
veillant
seul
debout
sur
son
front
que
je
foule
avec
mille
bruits
sourds
d’océan
et
de
foule
je
regarde
à
mes
pieds
la
géante
dormir
23
juillet
1828
iii
plus
loin
allons
plus
loin
—
aux
feux
du
couchant
sombre
j’aime
à
voir
dans
les
champs
croître
et
marcher
mon
ombre
et
puis
la
ville
est
là
je
l’entends
je
la
voi
pour
que
j’écoute
en
paix
ce
que
dit
ma
pensée
ce
paris
à
la
voix
cassée
bourdonne
encor
trop
près
de
moi
je
veux
fuir
assez
loin
pour
qu’un
buisson
me
cache
ce
brouillard
que
son
front
porte
comme
un
panache
ce
nuage
éternel
sur
ses
tours
arrêté
pour
que
du
moucheron
qui
bruit
et
qui
passe
l’humble
et
grêle
murmure
efface
la
grande
voix
de
la
cité
26
août
1828
iv
oh
sur
des
ailes
dans
les
nues
laissez
moi
fuir
laissez
moi
fuir
loin
des
régions
inconnues
c’est
assez
rêver
et
languir
laissez
moi
fuir
vers
d’autres
mondes
c’est
assez
dans
les
nuits
profondes
suivre
un
phare
chercher
un
mot
c’est
assez
de
songe
et
de
doute
cette
voix
que
d’en
bas
j’écoute
peut
être
on
l’entend
mieux
là
haut
allons
des
ailes
ou
des
voiles
allons
un
vaisseau
tout
armé
je
veux
voir
les
autres
étoiles
et
la
croix
du
sud
enflammé
peut
être
dans
cette
autre
terre
trouve
t
on
la
clef
du
mystère
caché
sous
l’ordre
universel
et
peut
être
aux
fils
de
la
lyre
est
il
plus
facile
de
lire
dans
cette
autre
page
du
ciel
août
1828
v
quelquefois
sous
les
plis
des
nuages
trompeurs
loin
dans
l’air
à
travers
les
brèches
des
vapeurs
par
le
vent
du
soir
remuées
derrière
les
derniers
brouillards
plus
loin
encor
apparaissent
soudain
les
mille
étages
d’or
d’un
édifice
de
nuées
et
l’œil
épouvanté
par
delà
tous
nos
cieux
sur
une
île
de
l’air
au
vol
audacieux
dans
l’éther
libre
aventurée
l’œil
croit
voir
jusqu’au
ciel
monter
monter
toujours
avec
ses
escaliers
ses
ponts
ses
grandes
tours
quelque
babel
démesurée
septembre
1828
vi
le
soleil
s’est
couché
ce
soir
dans
les
nuées
demain
viendra
l’orage
et
le
soir
et
la
nuit
puis
l’aube
et
ses
clartés
de
vapeurs
obstruées
puis
les
nuits
puis
les
jours
pas
du
temps
qui
s’enfuit
tous
ces
jours
passeront
ils
passeront
en
foule
sur
la
face
des
mers
sur
la
face
des
monts
sur
les
fleuves
d’argent
sur
les
forêts
où
roule
comme
un
hymne
confus
des
morts
que
nous
aimons
et
la
face
des
eaux
et
le
front
des
montagnes
ridés
et
non
vieillis
et
les
bois
toujours
verts
s’iront
rajeunissant
le
fleuve
des
campagnes
prendra
sans
cesse
aux
monts
le
flot
qu’il
donne
aux
mers
mais
moi
sous
chaque
jour
courbant
plus
bas
ma
tête
je
passe
et
refroidi
sous
ce
soleil
joyeux
je
m’en
irai
bientôt
au
milieu
de
la
fête
sans
que
rien
manque
au
monde
immense
et
radieux
22
avril
1829
xxxvi
oh
talk
not
to
me
of
a
name
great
in
story
the
days
of
our
youth
are
the
days
of
our
glory
and
the
myrtle
and
ivy
of
sweet
two
and
twenty
are
worth
all
your
laurels
though
ever
so
plenty
byron
un
jour
vient
où
soudain
l’artiste
généreux
a
leur
poids
sur
son
front
sent
les
ans
plus
nombreux
un
matin
il
s’éveille
avec
cette
pensée
—
jeunesse
aux
jours
dorés
je
t’ai
donc
dépensée
oh
qu’il
m’en
reste
peu
je
vois
le
fond
du
sort
comme
un
prodigue
en
pleurs
le
fond
du
coffre
fort
—
il
sent
sous
le
soleil
qui
plus
ardent
s’épanche
comme
à
midi
les
fleurs
sa
tête
qui
se
penche
si
d’aventure
il
trouve
en
suivant
son
destin
le
gazon
sous
ses
pas
mouillé
comme
au
matin
il
dit
car
il
sait
bien
que
son
aube
est
passée
—
c’est
de
la
pluie
hélas
et
non
de
la
rosée
—
c’en
est
fait
son
génie
est
plus
mûr
désormais
son
aile
atteint
peut
être
à
de
plus
fiers
sommets
la
fumée
est
plus
rare
au
foyer
qu’il
allume
son
astre
haut
monté
soulève
moins
de
brumes
son
coursier
applaudi
parcourt
mieux
le
champ
clos
mais
il
n’a
plus
en
lui
pour
l’épandre
à
grands
flots
sur
des
œuvres
de
grâce
et
d’amour
couronnées
le
frais
enchantement
de
ses
jeunes
années
oh
rien
ne
rend
cela
—
quand
il
s’en
va
cherchant
ces
pensers
de
hasard
que
l’on
trouve
en
marchant
et
qui
font
que
le
soir
l’artiste
chez
son
hôte
rentre
le
cœur
plus
fier
et
la
tête
plus
haute
quand
il
sort
pour
rêver
et
qu’il
erre
incertain
soit
dans
les
prés
lustrés
au
gazon
de
satin
soit
dans
un
bois
qu’emplit
cette
chanson
sonore
que
le
petit
oiseau
chante
à
la
jeune
aurore
soit
dans
le
carrefour
bruyant
et
fréquenté
—
car
paris
et
la
foule
ont
aussi
leur
beauté
et
les
passants
ne
sont
le
soir
sur
les
quais
sombres
qu’un
flux
et
qu’un
reflux
de
lumières
et
d’ombres
—
toujours
au
fond
de
tout
toujours
dans
son
esprit
même
quand
l’art
le
tient
l’enivre
et
lui
sourit
même
dans
ses
chansons
même
dans
ses
pensées
les
plus
joyeusement
écloses
et
bercées
il
retrouve
attristé
le
regret
morne
et
froid
du
passé
disparu
du
passé
quel
qu’il
soit
novembre
1831
xxxvii
la
prière
pour
tous
ora
pro
nobis
i
ma
fille
va
prier
—
vois
la
nuit
est
venue
une
planète
d’or
là
bas
perce
la
nue
la
brume
des
coteaux
fait
trembler
le
contour
à
peine
un
char
lointain
glisse
dans
l’ombre…
écoute
tout
rentre
et
se
repose
et
l’arbre
de
la
route
secoue
au
vent
du
soir
la
poussière
du
jour
le
crépuscule
ouvrant
la
nuit
qui
les
recèle
fait
jaillir
chaque
étoile
en
ardente
étincelle
l’occident
amincit
sa
frange
de
carmin
la
nuit
de
l’eau
dans
l’ombre
argente
la
surface
sillons
sentiers
buissons
tout
se
mêle
et
s’efface
le
passant
inquiet
doute
de
son
chemin
le
jour
est
pour
le
mal
la
fatigue
et
la
haine
prions
voici
la
nuit
la
nuit
grave
et
sereine
le
vieux
pâtre
le
vent
aux
brèches
de
la
tour
les
étangs
les
troupeaux
avec
leur
voix
cassée
tout
souffre
et
tout
se
plaint
la
nature
lassée
a
besoin
de
sommeil
de
prière
et
d’amour
c’est
l’heure
où
les
enfants
parlent
avec
les
anges
tandis
que
nous
courons
à
nos
plaisirs
étranges
tous
les
petits
enfants
les
yeux
levés
au
ciel
mains
jointes
et
pieds
nus
à
genoux
sur
la
pierre
disant
à
la
même
heure
une
même
prière
demandent
pour
nous
grâce
au
père
universel
et
puis
ils
dormiront
—
alors
épars
dans
l’ombre
les
rêves
d’or
essaim
tumultueux
sans
nombre
qui
naît
aux
derniers
bruits
du
jour
à
son
déclin
voyant
de
loin
leur
souffle
et
leurs
bouches
vermeilles
comme
volent
aux
fleurs
de
joyeuses
abeilles
viendront
s’abattre
en
foule
à
leurs
rideaux
de
lin
ô
sommeil
du
berceau
prière
de
l’enfance
voix
qui
toujours
caresse
et
qui
jamais
n’offense
douce
religion
qui
s’égaye
et
qui
rit
prélude
du
concert
de
la
nuit
solennelle
ainsi
que
l’oiseau
met
sa
tête
sous
son
aile
l’enfant
dans
la
prière
endort
son
jeune
esprit
ii
ma
fille
va
prier
—
d’abord
surtout
pour
celle
qui
berça
tant
de
nuits
ta
couche
qui
chancelle
pour
celle
qui
te
prit
jeune
âme
dans
le
ciel
et
qui
te
mit
au
monde
et
depuis
tendre
mère
faisant
pour
toi
deux
parts
dans
cette
vie
amère
toujours
a
bu
l’absinthe
et
t’a
laissé
le
miel
puis
ensuite
pour
moi
j’en
ai
plus
besoin
qu’elle
elle
est
ainsi
que
toi
bonne
simple
et
fidèle
elle
a
le
cœur
limpide
et
le
front
satisfait
beaucoup
ont
sa
pitié
nul
ne
lui
fait
envie
sage
et
douce
elle
prend
patiemment
la
vie
elle
souffre
le
mal
sans
savoir
qui
le
fait
tout
en
cueillant
des
fleurs
jamais
sa
main
novice
n’a
touché
seulement
à
l’écorce
du
vice
nul
piège
ne
l’attire
à
son
riant
tableau
elle
est
pleine
d’oubli
pour
les
choses
passées
elle
ne
connaît
pas
les
mauvaises
pensées
qui
passent
dans
l’esprit
comme
une
ombre
sur
l’eau
elle
ignore
—
à
jamais
ignore
les
comme
elle
—
ces
misères
du
monde
où
notre
âme
se
mêle
faux
plaisirs
vanités
remords
soucis
rongeurs
passions
sur
le
cœur
flottant
comme
une
écume
intimes
souvenirs
de
honte
et
d’amertume
qui
font
monter
au
front
de
subites
rougeurs
moi
je
sais
mieux
la
vie
et
je
pourrai
te
dire
quand
tu
seras
plus
grande
et
qu’il
faudra
t’instruire
que
poursuivre
l’empire
et
la
fortune
et
l’art
c’est
folie
et
néant
que
l’urne
aléatoire
nous
jette
bien
souvent
la
honte
pour
la
gloire
et
que
l’on
perd
son
âme
à
ce
jeu
de
hasard
l’âme
en
vivant
s’altère
et
quoique
en
toute
chose
la
fin
soit
transparente
et
laisse
voir
la
cause
on
vieillit
sous
le
vice
et
l’erreur
abattu
à
force
de
marcher
l’homme
erre
l’esprit
doute
tous
laissent
quelque
chose
aux
buissons
de
la
route
les
troupeaux
leur
toison
et
l’homme
sa
vertu
va
donc
prier
pour
moi
—
dis
pour
toute
prière
—
seigneur
seigneur
mon
dieu
vous
êtes
notre
père
grâce
vous
êtes
bon
grâce
vous
êtes
grand
—
laisse
aller
ta
parole
où
ton
âme
l’envoie
ne
t’inquiète
pas
toute
chose
a
sa
voie
ne
t’inquiète
pas
du
chemin
qu’elle
prend
il
n’est
rien
ici
bas
qui
ne
trouve
sa
pente
le
fleuve
jusqu’aux
mers
dans
les
plaines
serpente
l’abeille
sait
la
fleur
qui
recèle
le
miel
toute
aile
vers
son
but
incessamment
retombe
l’aigle
vole
au
soleil
le
vautour
à
la
tombe
l’hirondelle
au
printemps
et
la
prière
au
ciel
lorsque
pour
moi
vers
dieu
ta
voix
s’est
envolée
je
suis
comme
l’esclave
assis
dans
la
vallée
qui
dépose
sa
charge
aux
bornes
du
chemin
je
me
sens
plus
léger
car
ce
fardeau
de
peine
de
fautes
et
d’erreurs
qu’en
gémissant
je
traîne
ta
prière
en
chantant
l’emporte
dans
sa
main
va
prier
pour
ton
père
—
afin
que
je
sois
digne
de
voir
passer
en
rêve
un
ange
au
vol
de
cygne
pour
que
mon
âme
brûle
avec
les
encensoirs
efface
mes
péchés
sous
ton
souffle
candide
afin
que
mon
cœur
soit
innocent
et
splendide
comme
un
pavé
d’autel
qu’on
lave
tous
les
soirs
iii
prie
encor
pour
tous
ceux
qui
passent
sur
cette
terre
des
vivants
pour
ceux
dont
les
sentiers
s’effacent
à
tous
les
flots
à
tous
les
vents
pour
l’insensé
qui
met
sa
joie
dans
l’éclat
d’un
manteau
de
soie
dans
la
vitesse
d’un
cheval
pour
quiconque
souffre
et
travaille
qu’il
s’en
revienne
ou
qu’il
s’en
aille
qu’il
fasse
le
bien
ou
le
mal
pour
celui
que
le
plaisir
souille
d’embrassements
jusqu’au
matin
qui
prend
l’heure
où
l’on
s’agenouille
pour
sa
danse
et
pour
son
festin
qui
fait
hurler
l’orgie
infâme
au
même
instant
du
soir
où
l’âme
répète
son
hymne
assidu
et
quand
la
prière
est
éteinte
poursuit
comme
s’il
avait
crainte
que
dieu
ne
l’ait
pas
entendu
enfant
pour
les
vierges
voilées
pour
le
prisonnier
dans
sa
tour
pour
les
femmes
échevelées
qui
vendent
le
doux
nom
d’amour
pour
l’esprit
qui
rêve
et
médite
pour
l’impie
à
la
voix
maudite
qui
blasphème
la
sainte
loi
—
car
la
prière
est
infinie
car
tu
crois
pour
celui
qui
nie
car
l’enfance
tient
lieu
de
foi
prie
aussi
pour
ceux
que
recouvre
la
pierre
du
tombeau
dormant
noir
précipice
qui
s’entr’ouvre
sous
notre
foule
à
tout
moment
toutes
ces
âmes
en
disgrâce
ont
besoin
qu’on
les
débarrasse
de
la
vieille
rouille
du
corps
souffrent
elles
moins
pour
se
taire
enfant
regardons
sous
la
terre
il
faut
avoir
pitié
des
morts
iv
à
genoux
à
genoux
à
genoux
sur
la
terre
où
ton
père
a
son
père
où
ta
mère
a
sa
mère
où
tout
ce
qui
vécut
dort
d’un
sommeil
profond
abîme
où
la
poussière
est
mêlée
aux
poussières
où
sous
son
père
encore
on
retrouve
des
pères
comme
l’onde
sous
l’onde
en
une
mer
sans
fond
enfant
quand
tu
t’endors
tu
ris
l’essaim
des
songes
tourbillonne
joyeux
dans
l’ombre
où
tu
te
plonges
s’effarouche
à
ton
souffle
et
puis
revient
encor
et
tu
rouvres
enfin
tes
yeux
divins
que
j’aime
en
même
temps
que
l’aube
œil
céleste
elle
même
entr
ouvre
à
l’horizon
sa
paupière
aux
cils
d’or
mais
eux
si
tu
savais
de
quel
sommeil
ils
dorment
leurs
lits
sont
froids
et
lourds
à
leurs
os
qu’ils
déforment
les
anges
autour
d’eux
ne
chantent
pas
en
chœur
de
tout
ce
qu’ils
ont
fait
le
rêve
les
accable
pas
d’aube
pour
leur
nuit
le
remords
implacable
s’est
fait
ver
du
sépulcre
et
leur
ronge
le
cœur
tu
peux
avec
un
mot
tu
peux
d’une
parole
faire
que
le
remords
prenne
une
aile
et
s’envole
qu’une
douce
chaleur
réjouisse
les
os
qu’un
rayon
touche
encor
leur
paupière
ravie
et
qu’il
leur
vienne
un
bruit
de
lumière
et
de
vie
quelque
chose
des
vents
des
forêts
et
des
eaux
oh
dis
moi
quand
tu
vas
jeune
et
déjà
pensive
errer
au
bord
d’un
flot
qui
se
plaint
sur
sa
rive
sous
des
arbres
dont
l’ombre
emplit
l’âme
d’effroi
parfois
dans
les
soupirs
de
l’onde
et
de
la
brise
n’entends
tu
pas
de
souffle
et
de
voix
qui
te
dise
—
enfant
quand
vous
prierez
prierez
vous
pas
pour
moi
—
c’est
la
plainte
des
morts
—
les
morts
pour
qui
l’on
prie
ont
sur
leur
lit
de
terre
une
herbe
plus
fleurie
nul
démon
ne
leur
jette
un
sourire
moqueur
ceux
qu’on
oublie
hélas
—
leur
nuit
est
froide
et
sombre
toujours
quelque
arbre
affreux
qui
les
tient
sous
son
ombre
leur
plonge
sans
pitié
des
racines
au
cœur
prie
afin
que
le
père
et
l’oncle
et
les
aïeules
qui
ne
demandent
plus
que
nos
prières
seules
tressaillent
dans
leur
tombe
en
s’entendant
nommer
sachent
que
sur
la
terre
on
se
souvient
encore
et
comme
le
sillon
qui
sent
la
fleur
éclore
sentent
dans
leur
œil
vide
une
larme
germer
v
ce
n’est
pas
à
moi
ma
colombe
de
prier
pour
tous
les
mortels
pour
les
vivants
dont
la
foi
tombe
pour
tous
ceux
qu’enferme
la
tombe
cette
racine
des
autels
ce
n’est
pas
moi
dont
l’âme
est
vaine
pleine
d’erreurs
vide
de
foi
qui
prierais
pour
la
race
humaine
puisque
ma
voix
suffit
à
peine
seigneur
à
vous
prier
pour
moi
non
si
pour
la
terre
méchante
quelqu’un
peut
prier
aujourd’hui
c’est
toi
dont
la
parole
chante
c’est
toi
ta
prière
innocente
enfant
peut
se
charger
d’autrui
ah
demande
à
ce
père
auguste
qui
sourit
à
ton
oraison
pourquoi
l’arbre
étouffe
l’arbuste
et
qui
fait
du
juste
à
l’injuste
chanceler
l’humaine
raison
demande
lui
si
la
sagesse
n’appartient
qu’à
l’éternité
pourquoi
son
souffle
nous
abaisse
pourquoi
dans
la
tombe
sans
cesse
il
effeuille
l’humanité
pour
ceux
que
les
vices
consument
les
enfants
veillent
au
saint
lieu
ce
sont
des
fleurs
qui
le
parfument
ce
sont
des
encensoirs
qui
fument
ce
sont
des
voix
qui
vont
à
dieu
laissons
faire
ces
voix
sublimes
laissons
les
enfants
à
genoux
pécheurs
nous
avons
tous
nos
crimes
nous
penchons
tous
sur
les
abîmes
l’enfance
doit
prier
pour
tous
vi
comme
une
aumône
enfant
donne
donc
ta
prière
à
ton
père
à
ta
mère
aux
pères
de
ton
père
donne
au
riche
à
qui
dieu
refuse
le
bonheur
donne
au
pauvre
à
la
veuve
au
crime
au
vice
immonde
fais
en
priant
le
tour
des
misères
du
monde
donne
à
tous
donne
aux
morts
—
enfin
donne
au
seigneur
quoi
murmure
ta
voix
qui
veut
parler
et
n’ose
au
seigneur
au
très
haut
manque
t
il
quelque
chose
il
est
le
saint
des
saints
il
est
le
roi
des
rois
il
se
fait
des
soleils
un
cortège
suprême
il
fait
baisser
la
voix
à
l’océan
lui
même
il
est
seul
il
est
tout
à
jamais
à
la
fois
enfant
quand
tout
le
jour
vous
avez
en
famille
tes
deux
frères
et
toi
joué
sous
la
charmille
le
soir
vous
êtes
las
vos
membres
sont
pliés
il
vous
faut
un
lait
pur
et
quelques
noix
frugales
et
baisant
tour
à
tour
vos
têtes
inégales
votre
mère
à
genoux
lave
vos
faibles
pieds
eh
bien
il
est
quelqu’un
dans
ce
monde
où
nous
sommes
qui
tout
le
jour
aussi
marche
parmi
les
hommes
servant
et
consolant
à
toute
heure
en
tout
lieu
un
bon
pasteur
qui
suit
sa
brebis
égarée
un
pèlerin
qui
va
de
contrée
en
contrée
ce
passant
ce
pasteur
ce
pèlerin
c’est
dieu
le
soir
il
est
bien
las
il
faut
pour
qu’il
sourie
une
âme
qui
le
serve
un
enfant
qui
le
prie
un
peu
d’amour
ô
toi
qui
ne
sais
pas
tromper
porte
lui
ton
cœur
plein
d’innocence
et
d’extase
tremblante
et
l’œil
baissé
comme
un
précieux
vase
dont
on
craint
de
laisser
une
goutte
échapper
porte
lui
ta
prière
et
quand
à
quelque
flamme
qui
d’une
chaleur
douce
emplira
ta
jeune
âme
tu
verras
qu’il
est
proche
alors
ô
mon
bonheur
ô
mon
enfant
sans
craindre
affront
ni
raillerie
verse
comme
autrefois
marthe
sœur
de
marie
verse
tout
ton
parfum
sur
les
pieds
du
seigneur
vii
ô
myrrhe
ô
cinname
nard
cher
aux
époux
baume
éther
dictame
de
l’eau
de
la
flamme
parfums
les
plus
doux
prés
que
l’onde
arrose
vapeurs
de
l’autel
lèvres
de
la
rose
où
l’abeille
pose
sa
bouche
de
miel
jasmin
asphodèle
encensoirs
flottants
branche
verte
et
frêle
où
fait
l’hirondelle
son
nid
au
printemps
lys
que
fait
éclore
le
frais
arrosoir
ambre
que
dieu
dore
souffle
de
l’aurore
haleine
du
soir
parfum
de
la
sève
dans
les
bois
mouvants
odeur
de
la
grève
qui
la
nuit
s’élève
sur
l’aile
des
vents
fleurs
dont
la
chapelle
se
fait
un
trésor
flamme
solennelle
fumée
éternelle
des
sept
lampes
d’or
tiges
qu’a
brisées
le
tranchant
du
fer
urnes
embrasées
esprits
des
rosées
qui
flottez
dans
l’air
fêtes
réjouies
d’encens
et
de
bruits
senteurs
inouïes
fleurs
épanouies
au
souffle
des
nuits
odeurs
immortelles
que
les
ariel
archanges
fidèles
prennent
sur
leurs
ailes
en
venant
du
ciel
ô
couche
première
du
premier
époux
de
la
terre
entière
des
champs
de
lumière
parfums
les
plus
doux
dans
l’auguste
sphère
parfums
qu’êtes
vous
près
de
la
prière
qui
dans
la
poussière
s’épanche
à
genoux
près
du
cri
d’une
âme
qui
fond
en
sanglots
implore
et
réclame
et
s’exhale
en
flamme
et
se
verse
à
flots
près
de
l’humble
offrande
d’un
enfant
de
lin
dont
l’extase
est
grande
et
qui
recommande
son
père
orphelin
bouche
qui
soupire
mais
sans
murmurer
ineffable
lyre
voix
qui
fait
sourire
et
qui
fait
pleurer
viii
quand
elle
prie
un
ange
est
debout
auprès
d’elle
caressant
ses
cheveux
des
plumes
de
son
aile
essuyant
d’un
baiser
son
œil
de
pleurs
terni
venu
pour
l’écouter
sans
que
l’enfant
l’appelle
esprit
qui
tient
le
livre
où
l’innocente
épèle
et
qui
pour
remonter
attend
qu’elle
ait
fini
son
beau
front
incliné
semble
un
vase
qu’il
penche
pour
recevoir
les
flots
de
ce
cœur
qui
s’épanche
il
prend
tout
pleurs
d’amour
et
soupirs
de
douleur
sans
changer
de
nature
il
s’emplit
de
cette
âme
comme
le
pur
cristal
que
notre
soif
réclame
s’emplit
d’eau
jusqu’aux
bords
sans
changer
de
couleur
ah
c’est
pour
le
seigneur
sans
doute
qu’il
recueille
ces
larmes
goutte
à
goutte
et
ce
lys
feuille
à
feuille
et
puis
il
reviendra
se
ranger
au
saint
lieu
tenant
prêts
ces
soupirs
ces
parfums
cette
haleine
pour
étancher
le
soir
comme
une
coupe
pleine
ce
grand
besoin
d’amour
la
seule
soif
de
dieu
enfant
dans
ce
concert
qui
d’en
bas
le
salue
la
voix
par
dieu
lui
même
entre
toutes
élue
c’est
la
tienne
ô
ma
fille
elle
a
tant
de
douceur
sur
des
ailes
de
flamme
elle
monte
si
pure
elle
expire
si
bien
en
amoureux
murmure
que
les
vierges
du
ciel
disent
c’est
une
sœur
ix
oh
bien
loin
de
la
voie
où
marche
le
pécheur
chemine
où
dieu
t’envoie
enfant
garde
ta
joie
lys
garde
ta
blancheur
sois
humble
que
t’importe
le
riche
et
le
puissant
un
souffle
les
emporte
la
force
la
plus
forte
c’est
un
cœur
innocent
bien
souvent
dieu
repousse
du
pied
les
hautes
tours
mais
dans
le
nid
de
mousse
où
chante
une
voix
douce
il
regarde
toujours
reste
à
la
solitude
reste
à
la
pauvreté
vis
sans
inquiétude
et
ne
te
fais
étude
que
de
l’éternité
il
est
loin
de
nos
villes
et
loin
de
nos
douleurs
des
lacs
purs
et
tranquilles
et
dont
toutes
les
îles
sont
des
bouquets
de
fleurs
flots
d’azur
où
l’on
aime
à
laver
ses
remords
d’un
charme
si
suprême
que
l’incrédule
même
s’agenouille
à
leurs
bords
l’ombre
qui
les
inonde
calme
et
nous
rend
meilleurs
leur
paix
est
si
profonde
que
jamais
à
leur
onde
on
n’a
mêlé
de
pleurs
et
le
jour
que
leur
plaine
reflète
éblouissant
trouve
l’eau
si
sereine
qu’il
y
hasarde
à
peine
un
nuage
en
passant
ces
lacs
que
rien
n’altère
entre
des
monts
géants
dieu
les
met
sur
la
terre
loin
du
souffle
adultère
des
sombres
océans
pour
que
nul
vent
aride
nul
flot
mêlé
de
fiel
n’empoisonne
et
ne
ride
ces
gouttes
d’eau
limpide
où
se
mire
le
ciel
ô
ma
fille
âme
heureuse
ô
lac
de
pureté
dans
la
vallée
ombreuse
reste
où
ton
dieu
te
creuse
un
lit
plus
abrité
lac
que
le
ciel
parfume
le
monde
est
une
mer
son
souffle
est
plein
de
brume
un
peu
de
son
écume
rendrait
ton
flot
amer
x
et
toi
céleste
ami
qui
gardes
son
enfance
qui
le
jour
et
la
nuit
lui
fais
une
défense
de
tes
ailes
d’azur
invisible
trépied
où
s’allume
sa
flamme
esprit
de
sa
prière
ange
de
sa
jeune
âme
cygne
de
ce
lac
pur
dieu
te
l’a
confiée
et
je
te
la
confie
soutiens
relève
exhorte
inspire
et
fortifie
sa
frêle
humanité
qu’elle
garde
à
jamais
réjouie
ou
souffrante
cet
œil
plein
de
rayons
cette
âme
transparente
cette
sérénité
qui
fait
que
tout
le
jour
et
sans
qu’elle
te
voie
écartant
de
son
cœur
faux
désirs
fausse
joie
mensonge
et
passion
prosternant
à
ses
pieds
ta
couronne
immortelle
comme
elle
devant
dieu
tu
te
tiens
devant
elle
en
adoration
15
juin
1830
xxxviii
pan
ὅλος
νοῦς
ὅλος
φῶς
ὅλος
ὀφθαλμός
clém
alex
si
l’on
vous
dit
que
l’art
et
que
la
poésie
c’est
un
flux
éternel
de
banale
ambroisie
que
c’est
le
bruit
la
foule
attachés
à
vos
pas
ou
d’un
salon
doré
l’oisive
fantaisie
ou
la
rime
en
fuyant
par
la
rime
saisie
oh
ne
le
croyez
pas
ô
poëtes
sacrés
échevelés
sublimes
allez
et
répandez
vos
âmes
sur
les
cimes
sur
les
sommets
de
neige
en
butte
aux
aquilons
sur
les
déserts
pieux
où
l’esprit
se
recueille
sur
les
bois
que
l’automne
emporte
feuille
à
feuille
sur
les
lacs
endormis
dans
l’ombre
des
vallons
partout
où
la
nature
est
gracieuse
et
belle
où
l’herbe
s’épaissit
pour
le
troupeau
qui
bêle
où
le
chevreau
lascif
mord
le
cytise
en
fleurs
où
chante
un
pâtre
assis
sous
une
antique
arcade
où
la
brise
du
soir
fouette
avec
la
cascade
le
rocher
tout
en
pleurs
partout
où
va
la
plume
et
le
flocon
de
laine
que
ce
soit
une
mer
que
ce
soit
une
plaine
une
vieille
forêt
aux
branchages
mouvants
îles
au
sol
désert
lacs
à
l’eau
solitaire
montagnes
océans
neige
ou
sable
onde
ou
terre
flots
ou
sillons
partout
où
vont
les
quatre
vents
partout
où
le
couchant
grandit
l’ombre
des
chênes
partout
où
les
coteaux
croisent
leurs
molles
chaînes
partout
où
sont
des
champs
des
moissons
des
cités
partout
où
pend
un
fruit
à
la
branche
épuisée
partout
où
l’oiseau
boit
des
gouttes
de
rosée
allez
voyez
chantez
allez
dans
les
forêts
allez
dans
les
vallées
faites
vous
un
concert
des
notes
isolées
cherchez
dans
la
nature
étalée
à
vos
yeux
soit
que
l’hiver
l
attriste
ou
que
l’été
l’égaye
le
mot
mystérieux
que
chaque
voix
bégaye
écoutez
ce
que
dit
la
foudre
dans
les
cieux
c’est
dieu
qui
remplit
tout
le
monde
c’est
son
temple
œuvre
vivante
où
tout
l’écoute
et
le
contemple
tout
lui
parle
et
le
chante
il
est
seul
il
est
un
dans
sa
création
tout
est
joie
et
sourire
l’étoile
qui
regarde
et
la
fleur
qui
respire
tout
est
flamme
ou
parfum
enivrez
vous
de
tout
enivrez
vous
poëtes
des
gazons
des
ruisseaux
des
feuilles
inquiètes
du
voyageur
de
nuit
dont
on
entend
la
voix
de
ces
premières
fleurs
dont
février
s’étonne
des
eaux
de
l’air
des
prés
et
du
bruit
monotone
que
font
les
chariots
qui
passent
les
bois
frères
de
l’aigle
aimez
la
montagne
sauvage
surtout
à
ces
moments
où
vient
un
vent
d’orage
un
vent
sonore
et
lourd
qui
grossit
par
degrés
emplit
l’espace
au
loin
de
nuages
et
d’ombres
et
penche
sur
le
bord
des
précipices
ombres
les
arbres
effarés
contemplez
du
matin
la
pureté
divine
quand
la
brume
en
flocons
inonde
la
ravine
quand
le
soleil
que
cache
à
demi
la
forêt
montrant
sur
l’horizon
sa
rondeur
échancrée
grandit
comme
ferait
la
coupole
dorée
d’un
palais
d’orient
dont
on
approcherait
enivrez
vous
du
soir
à
cette
heure
où
dans
l’ombre
le
paysage
obscur
plein
de
formes
sans
nombre
s’efface
de
chemins
et
de
fleuves
rayé
quand
le
mont
dont
la
tête
à
l’horizon
s’élève
semble
un
géant
couché
qui
regarde
et
qui
rêve
sur
son
coude
appuyé
si
vous
avez
en
vous
vivantes
et
pressées
un
monde
intérieur
d’images
de
pensées
de
sentiments
d’amour
d’ardente
passion
pour
féconder
ce
monde
échangez
le
sans
cesse
avec
l’autre
univers
visible
qui
vous
presse
mêlez
toute
votre
âme
à
la
création
car
ô
poëtes
saints
l’art
est
le
son
sublime
simple
divers
profond
mystérieux
intime
fugitif
comme
l’eau
qu’un
rien
fait
dévier
redit
par
un
écho
dans
toute
créature
que
sous
vos
doigts
puissants
exhale
la
nature
cet
immense
clavier
8
novembre
1831
xxxix
amor
de
mi
pecho
pecho
de
mi
amor
arbol
que
has
hecho
que
has
hecho
del
flor
romance
avant
que
mes
chansons
aimées
si
jeunes
et
si
parfumées
du
monde
eussent
subi
l’affront
loin
du
peuple
ingrat
qui
les
foule
comme
elles
fleurissaient
en
foule
vertes
et
fraîches
sur
mon
front
de
l’arbre
à
présent
détachées
fleurs
par
l’aquilon
desséchées
vains
débris
qu’on
traîne
en
rêvant
elles
errent
éparpillées
de
fange
ou
de
poudre
souillées
au
gré
du
lot
au
gré
du
vent
moi
comme
des
feuilles
flétries
je
les
vois
toutes
défleuries
courir
sur
le
sol
dépouillé
et
la
foule
qui
m’environne
en
broyant
du
pied
ma
couronne
passe
et
rit
de
l’arbre
effeuillé
6
septembre
1828
xl
toi
vertu
pleure
si
je
meurs
andré
chénier
amis
un
dernier
mot
—
et
je
ferme
à
jamais
ce
livre
à
ma
pensée
étranger
désormais
je
n’écouterai
pas
ce
qu’en
dira
la
foule
car
qu’importe
à
la
source
où
son
onde
s’écoule
et
que
m’importe
à
moi
sur
l’avenir
penché
où
va
ce
vent
d’automne
au
souffle
desséché
qui
passe
en
emportant
sur
son
aile
inquiète
et
les
feuilles
de
l’arbre
et
les
vers
du
poëte
oui
je
suis
jeune
encore
et
quoique
sur
mon
front
où
tant
de
passions
et
d’œuvres
germeront
une
ride
de
plus
chaque
jour
soit
tracée
comme
un
sillon
qu’y
fait
le
soc
de
ma
pensée
dans
le
cours
incertain
du
temps
qui
m’est
donné
l’été
n’a
pas
encor
trente
fois
rayonné
je
suis
fils
de
ce
siècle
une
erreur
chaque
année
s’en
va
de
mon
esprit
d’elle
même
étonnée
et
détrompé
de
tout
mon
culte
n’est
resté
qu’à
vous
sainte
patrie
et
sainte
liberté
je
hais
l’oppression
d’une
haine
profonde
aussi
lorsque
j’entends
dans
quelque
coin
du
monde
sous
un
ciel
inclément
sous
un
roi
meurtrier
un
peuple
qu’on
égorge
appeler
et
crier
quand
par
les
rois
chrétiens
aux
bourreaux
turcs
livrée
la
grèce
notre
mère
agonise
éventrée
quand
l’irlande
saignante
expire
sur
sa
croix
quand
teutonie
aux
fers
se
débat
sous
dix
rois
quand
lisbonne
jadis
belle
et
toujours
en
fête
pend
au
gibet
les
pieds
de
miguel
sur
sa
tête
lorsqu’albani
gouverne
au
pays
de
caton
que
naples
mange
et
dort
lorsqu’avec
son
bâton
sceptre
honteux
et
lourd
que
la
peur
divinise
l’autriche
casse
l’aile
au
lion
de
venise
quand
modène
étranglé
râle
sous
l’archiduc
quand
dresde
lutte
et
pleure
au
lit
d’un
roi
caduc
quand
madrid
se
rendort
d’un
sommeil
léthargique
quand
vienne
tient
milan
quand
le
lion
belgique
courbé
comme
le
bœuf
qui
creuse
un
vil
sillon
n’a
plus
même
de
dents
pour
mordre
son
bâillon
quand
un
cosaque
affreux
que
la
rage
transporte
viole
varsovie
échevelée
et
morte
et
souillant
son
linceul
chaste
et
sacré
lambeau
se
vautre
sur
la
vierge
étendue
au
tombeau
alors
oh
je
maudis
dans
leur
cour
dans
leur
antre
ces
rois
dont
les
chevaux
ont
du
sang
jusqu’au
ventre
je
sens
que
le
poëte
est
leur
juge
je
sens
que
la
muse
indignée
avec
ses
poings
puissants
peut
comme
au
pilori
les
lier
sur
leur
trône
et
leur
faire
un
carcan
de
leur
lâche
couronne
et
renvoyer
ces
rois
qu’on
aurait
pu
bénir
marqués
au
front
d’un
vers
que
lira
l’avenir
oh
la
muse
se
doit
aux
peuples
sans
défense
j’oublie
alors
l’amour
la
famille
l’enfance
et
les
molles
chansons
et
le
loisir
serein
et
j’ajoute
à
ma
lyre
une
corde