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org
wiki
les
orientales
texte
entier
i
le
feu
du
ciel
24
alors
le
seigneur
fit
descendre
du
ciel
sur
sodome
et
sur
gomorrhe
une
pluie
de
soufre
et
de
feu
25
et
il
perdit
ces
villes
avec
tous
leurs
habitants
tout
le
pays
à
l’entour
avec
ceux
qui
l’habitaient
et
tout
ce
qui
avait
quelque
verdeur
sur
la
terre
genèse
i
la
voyez
vous
passer
la
nuée
au
flanc
noir
tantôt
pâle
tantôt
rouge
et
splendide
à
voir
morne
comme
un
été
stérile
on
croit
voir
à
la
fois
sur
le
vent
de
la
nuit
fuir
toute
la
fumée
ardente
et
tout
le
bruit
de
l’embrasement
d’une
ville
d’où
vient
elle
des
cieux
de
la
mer
ou
des
monts
est
ce
le
char
de
feu
qui
porte
des
démons
à
quelque
planète
prochaine
ô
terreur
de
son
sein
chaos
mystérieux
d’où
vient
que
par
moments
un
éclair
furieux
comme
un
long
serpent
se
déchaîne
ii
la
mer
partout
la
mer
des
flots
des
flots
encor
l’oiseau
fatigue
en
vain
son
inégal
essor
ici
les
flots
là
bas
les
ondes
toujours
des
flots
sans
fin
par
des
flots
repoussés
l’œil
ne
voit
que
des
flots
dans
l’abîme
entassés
rouler
sous
les
vagues
profondes
parfois
de
grands
poissons
à
fleur
d’eau
voyageant
font
reluire
au
soleil
leurs
nageoires
d’argent
ou
l’azur
de
leurs
larges
queues
la
mer
semble
un
troupeau
secouant
sa
toison
mais
un
cercle
d’airain
ferme
au
loin
l’horizon
le
ciel
bleu
se
mêle
aux
eaux
bleues
—
faut
il
sécher
ces
mers
dit
le
nuage
en
feu
—
non
—
il
reprit
son
vol
sous
le
souffle
de
dieu
iii
un
golfe
aux
vertes
collines
se
mirant
dans
le
flot
clair
—
des
buffles
des
javelines
et
des
chants
joyeux
dans
l’air
c’était
la
tente
et
la
crèche
la
tribu
qui
chasse
et
pêche
qui
vit
libre
et
dont
la
flèche
jouterait
avec
l’éclair
pour
ces
errantes
familles
jamais
l’air
ne
se
corrompt
les
enfants
les
jeunes
filles
les
guerriers
dansaient
en
rond
autour
d’un
feu
sur
la
grève
que
le
vent
courbe
et
relève
pareils
aux
esprits
qu’en
rêve
on
voit
tourner
sur
son
front
les
vierges
aux
seins
d’ébène
belles
comme
les
beaux
soirs
riaient
de
se
voir
à
peine
dans
le
cuivre
des
miroirs
d’autres
joyeuses
comme
elles
faisaient
jaillir
des
mamelles
de
leurs
dociles
chamelles
un
lait
blanc
sous
leurs
doigts
noirs
les
hommes
les
femmes
nues
se
baignaient
au
gouffre
amer
—
ces
peuplades
inconnues
où
passaient
elles
hier
—
la
voix
grêle
des
cymbales
qui
fait
hennir
les
cavales
se
mêlait
par
intervalles
aux
bruits
de
la
grande
mer
la
nuée
un
moment
hésita
dans
l’espace
—
est
ce
là
—
nul
ne
sait
qui
lui
répondit
—
passe
iv
l’égypte
—
elle
étalait
toute
blonde
d’épis
ses
champs
bariolés
comme
un
riche
tapis
plaines
que
des
plaines
prolongent
l’eau
vaste
et
froide
au
nord
au
sud
le
sable
ardent
se
disputent
l’égypte
elle
rit
cependant
entre
ces
deux
mers
qui
la
rongent
trois
monts
bâtis
par
l’homme
au
loin
perçaient
les
cieux
d’un
triple
angle
de
marbre
et
dérobaient
aux
yeux
leurs
bases
de
cendre
inondées
et
de
leur
faîte
aigu
jusqu’aux
sables
dorés
allaient
s’élargissant
leurs
monstrueux
degrés
faits
pour
des
pas
de
six
coudées
un
sphinx
de
granit
rose
un
dieu
de
marbre
vert
les
gardaient
sans
qu’il
fût
vent
de
flamme
au
désert
qui
leur
fît
baisser
la
paupière
dix
vaisseaux
au
flanc
large
entraient
dans
un
grand
port
une
ville
géante
assise
sur
le
bord
baignait
dans
l’eau
ses
pieds
de
pierre
on
entendait
mugir
le
semoun
meurtrier
et
sur
les
cailloux
blancs
les
écailles
crier
sous
le
ventre
des
crocodiles
les
obélisques
gris
s’élançaient
d’un
seul
jet
comme
une
peau
de
tigre
au
couchant
s’allongeait
le
nil
jaune
tacheté
d’îles
l’astre
roi
se
couchait
calme
à
l’abri
du
vent
la
mer
réfléchissait
ce
globe
d’or
vivant
ce
monde
âme
et
flambeau
du
nôtre
et
dans
le
ciel
rougeâtre
et
dans
les
flots
vermeils
comme
deux
rois
amis
on
voyait
deux
soleils
venir
au
devant
l’un
de
l’autre
—
où
faut
il
s’arrêter
dit
la
nuée
encor
—
cherche
dit
une
voix
dont
trembla
le
thabor
v
du
sable
puis
du
sable
le
désert
noir
chaos
toujours
inépuisable
en
monstres
en
fléaux
ici
rien
ne
s’arrête
ces
monts
à
jaune
crête
quand
souffle
la
tempête
roulent
comme
des
flots
parfois
de
bruits
profanes
troublant
ce
lieu
sacré
passent
les
caravanes
d’ophir
ou
de
membré
l’œil
de
loin
suit
leur
foule
qui
sur
l’ardente
houle
ondule
et
se
déroule
comme
un
serpent
marbré
ces
solitudes
mornes
ces
déserts
sont
à
dieu
lui
seul
en
sait
les
bornes
en
marque
le
milieu
toujours
plane
une
brume
sur
cette
mer
qui
fume
et
jette
pour
écume
une
cendre
de
feu
—
faut
il
changer
en
lac
ce
désert
dit
la
nue
—
plus
loin
dit
l’autre
voix
du
fond
des
cieux
venue
vi
comme
un
énorme
écueil
sur
les
vagues
dressé
comme
un
amas
de
tours
vaste
et
bouleversé
voici
babel
déserte
et
sombre
du
néant
des
mortels
prodigieux
témoin
aux
rayons
de
la
lune
elle
couvrait
au
loin
quatre
montagnes
de
son
ombre
l’édifice
écroulé
plongeait
aux
cieux
profonds
les
ouragans
captifs
sous
ses
larges
plafonds
jetaient
une
étrange
harmonie
le
genre
humain
jadis
bourdonnait
à
l’entour
et
sur
le
globe
entier
babel
devait
un
jour
asseoir
sa
spirale
infinie
ses
escaliers
devaient
monter
jusqu’au
zénith
chacun
des
plus
grands
monts
à
ses
flancs
de
granit
n’avait
pu
fournir
qu’une
dalle
et
des
sommets
nouveaux
d’autres
sommets
chargés
sans
cesse
surgissaient
aux
yeux
découragés
sur
sa
tête
pyramidale
les
boas
monstrueux
les
crocodiles
verts
moindres
que
des
lézards
sur
ses
murs
entr’ouverts
glissaient
parmi
les
blocs
superbes
et
colosses
perdus
dans
ses
larges
contours
les
palmiers
chevelus
pendant
au
front
des
tours
semblaient
d’en
bas
des
touffes
d’herbes
des
éléphants
passaient
aux
fentes
de
ses
murs
une
forêt
croissait
sous
ses
piliers
obscurs
multipliés
par
la
démence
des
essaims
d’aigles
roux
et
de
vautours
géants
jour
et
nuit
tournoyaient
à
ses
porches
béants
comme
autour
d’une
ruche
immense
—
faut
il
l’achever
dit
la
nuée
en
courroux
—
marche
—
seigneur
dit
elle
où
donc
m’emportez
vous
vii
voilà
que
deux
cités
étranges
inconnues
et
d’étage
en
étage
escaladant
les
nues
apparaissent
dormant
dans
la
brume
des
nuits
avec
leurs
dieux
leur
peuple
et
leurs
chars
et
leurs
bruits
dans
le
même
vallon
c’étaient
deux
sœurs
couchées
l’ombre
baignait
leurs
tours
par
la
lune
ébauchées
puis
l’œil
entrevoyait
dans
le
chaos
confus
aqueducs
escaliers
piliers
aux
larges
fûts
chapiteaux
évasés
puis
un
groupe
difforme
d’éléphants
de
granit
portant
un
dôme
énorme
des
colosses
debout
regardant
autour
d’eux
ramper
des
monstres
nés
d’accouplements
hideux
des
jardins
suspendus
pleins
de
fleurs
et
d’arcades
et
d’arbres
noirs
penchés
sur
de
vastes
cascades
des
temples
où
siégeaient
sur
de
riches
carreaux
cent
idoles
de
jaspe
à
têtes
de
taureaux
des
plafonds
d’un
seul
bloc
couvrant
de
vastes
salles
où
sans
jamais
lever
leurs
têtes
colossales
veillaient
assis
en
cercle
et
se
regardant
tous
des
dieux
d’airain
posant
leurs
mains
sur
leurs
genoux
ces
rampes
ces
palais
ces
sombres
avenues
où
partout
surgissaient
des
formes
inconnues
ces
ponts
ces
aqueducs
ces
arcs
ces
rondes
tours
effrayaient
l’œil
perdu
dans
leurs
profonds
détours
on
voyait
dans
les
cieux
avec
leurs
larges
ombres
monter
comme
des
caps
ces
édifices
sombres
immense
entassement
de
ténèbres
voilé
le
ciel
à
l’horizon
scintillait
étoilé
et
sous
les
mille
arceaux
du
vaste
promontoire
brillait
comme
à
travers
une
dentelle
noire
ah
villes
de
l’enfer
folles
dans
leurs
désirs
là
chaque
heure
inventait
de
monstrueux
plaisirs
chaque
toit
recélait
quelque
mystère
immonde
et
comme
un
double
ulcère
elles
souillaient
le
monde
tout
dormait
cependant
au
front
des
deux
cités
à
peine
encor
glissaient
quelques
pâles
clartés
lampes
de
la
débauche
en
naissant
disparues
derniers
feux
des
festins
oubliés
dans
les
rues
de
grands
angles
de
murs
par
la
lune
blanchis
coupaient
l’ombre
ou
tremblaient
dans
une
eau
réfléchis
peut
être
on
entendait
vaguement
dans
les
plaines
s’étouffer
des
baisers
se
mêler
des
haleines
et
les
deux
villes
sœurs
lasses
des
feux
du
jour
murmurer
mollement
d’une
étreinte
d’amour
et
le
vent
soupirant
sous
le
frais
sycomore
allait
tout
parfumé
de
sodome
à
gomorrhe
c’est
alors
que
passa
le
nuage
noirci
et
que
la
voix
d’en
haut
lui
cria
—
c’est
ici
viii
le
nuage
éclate
la
flamme
écarlate
déchire
ses
flancs
l’ouvre
comme
un
gouffre
tombe
en
flots
de
soufre
aux
palais
croulants
et
jette
tremblante
sa
lueur
sanglante
sur
leurs
frontons
blancs
gomorrhe
sodome
de
quel
brûlant
dôme
vos
murs
sont
couverts
l’ardente
nuée
sur
vous
s’est
ruée
ô
peuple
pervers
et
ses
larges
gueules
sur
vos
têtes
seules
soufflent
leurs
éclairs
ce
peuple
s’éveille
qui
dormait
la
veille
sans
penser
à
dieu
les
grands
palais
croulent
mille
chars
qui
roulent
heurtent
leur
essieu
et
la
foule
accrue
trouve
en
chaque
rue
un
fleuve
de
feu
sur
ces
tours
altières
colosses
de
pierres
trop
mal
affermis
abondent
dans
l’ombre
des
mourants
sans
nombre
encore
endormis
sur
des
murs
qui
pendent
ainsi
se
répandent
de
noires
fourmis
se
peut
il
qu’on
fuie
sous
l’horrible
pluie
tout
périt
hélas
le
feu
qui
foudroie
bat
les
ponts
qu’il
broie
crève
les
toits
plats
roule
tombe
et
brise
sur
la
dalle
grise
ses
rouges
éclats
sous
chaque
étincelle
grossit
et
ruisselle
le
feu
souverain
vermeil
et
limpide
il
court
plus
rapide
qu’un
cheval
sans
frein
et
l’idole
infâme
croulant
dans
la
flamme
tord
ses
bras
d’airain
il
gronde
il
ondule
du
peuple
incrédule
rompt
les
tours
d’argent
son
flot
vert
et
rose
que
le
soufre
arrose
fait
en
les
rongeant
luire
les
murailles
comme
les
écailles
d’un
lézard
changeant
il
fond
comme
cire
agate
porphyre
pierres
du
tombeau
ploie
ainsi
qu’un
arbre
le
géant
de
marbre
qu’ils
nommaient
nabo
et
chaque
colonne
brûle
et
tourbillonne
comme
un
grand
flambeau
en
vain
quelques
mages
portent
les
images
des
dieux
du
haut
lieu
en
vain
leur
roi
penche
sa
tunique
blanche
sur
le
soufre
bleu
le
flot
qu’il
contemple
emporte
leur
temple
dans
ses
plis
de
feu
plus
loin
il
charrie
un
palais
où
crie
un
peuple
à
l’étroit
l’onde
incendiaire
mord
l’îlot
de
pierre
qui
fume
et
décroît
flotte
à
sa
surface
puis
fond
et
s’efface
comme
un
glaçon
froid
le
grand
prêtre
arrive
sur
l’ardente
rive
d’où
le
reste
a
fui
soudain
sa
tiare
prend
feu
comme
un
phare
et
pâle
ébloui
sa
main
qui
l’arrache
à
son
front
s’attache
et
brûle
avec
lui
le
peuple
hommes
femmes
court…
partout
les
flammes
aveuglent
ses
yeux
des
deux
villes
mortes
assiégeant
les
portes
à
flots
furieux
la
foule
maudite
croit
voir
interdite
l’enfer
dans
les
cieux
ix
on
dit
qu’alors
ainsi
que
pour
voir
un
supplice
un
vieux
captif
se
dresse
aux
murs
de
sa
prison
on
vit
de
loin
babel
leur
fatale
complice
regarder
par
dessus
les
monts
de
l’horizon
on
entendit
durant
cet
étrange
mystère
un
grand
bruit
qui
remplit
le
monde
épouvanté
si
profond
qu’il
troubla
dans
leur
morne
cité
jusqu’à
ces
peuples
sourds
qui
vivent
sous
la
terre
x
le
feu
fut
sans
pitié
pas
un
des
condamnés
ne
put
fuir
de
ces
murs
croulants
et
calcinés
pourtant
ils
levaient
leurs
mains
viles
et
ceux
qui
s’embrassaient
dans
un
dernier
adieu
terrassés
éblouis
se
demandaient
quel
dieu
versait
un
volcan
sur
leurs
villes
contre
le
feu
vivant
contre
le
feu
divin
de
larges
toits
de
marbre
ils
s’abritaient
en
vain
dieu
sait
atteindre
qui
le
brave
ils
invoquaient
leurs
dieux
mais
le
feu
qui
punit
frappait
ces
dieux
muets
dont
les
yeux
de
granit
soudain
fondaient
en
pleurs
de
lave
ainsi
tout
disparut
sous
le
noir
tourbillon
l’homme
avec
la
cité
l’herbe
avec
le
sillon
dieu
brûla
ces
mornes
campagnes
rien
ne
resta
debout
de
ce
peuple
détruit
et
le
vent
inconnu
qui
souffla
cette
nuit
changea
la
forme
des
montagnes
xi
aujourd’hui
le
palmier
qui
croît
sur
le
rocher
sent
sa
feuille
jaunir
et
sa
tige
sécher
à
cet
air
qui
brûle
et
qui
pèse
ces
villes
ne
sont
plus
et
miroir
du
passé
sur
leurs
débris
éteints
s’étend
un
lac
glacé
qui
fume
comme
une
fournaise
1er
novembre
1828
ii
canaris
faire
sans
dire
vieille
devise
lorsqu’un
vaisseau
vaincu
dérive
en
pleine
mer
que
ses
voiles
carrées
pendent
le
long
des
mâts
par
les
boulets
de
fer
largement
déchirées
qu’on
n’y
voit
que
des
morts
tombés
de
toutes
parts
ancres
agrès
voilures
grands
mâts
rompus
traînant
leurs
cordages
épars
comme
des
chevelures
que
le
vaisseau
couvert
de
fumée
et
de
bruit
tourne
ainsi
qu’une
roue
qu’un
flux
et
qu’un
reflux
d’hommes
roule
et
s’enfuit
de
la
poupe
à
la
proue
lorsqu’à
la
voix
des
chefs
nul
soldat
ne
répond
que
la
mer
monte
et
gronde
que
les
canons
éteints
nagent
dans
l’entre
pont
s’entre
choquant
dans
l’onde
qu’on
voit
le
lourd
colosse
ouvrir
au
flot
marin
sa
blessure
béante
et
saigner
à
travers
son
armure
d’airain
la
galère
géante
qu’elle
vogue
au
hasard
comme
un
corps
palpitant
la
carène
entr’ouverte
comme
un
grand
poisson
mort
dont
le
ventre
flottant
argente
l’onde
verte
alors
gloire
au
vainqueur
son
grappin
noir
s’abat
sur
la
nef
qu’il
foudroie
tel
un
aigle
puissant
pose
après
le
combat
son
ongle
sur
sa
proie
puis
il
pend
au
grand
mât
comme
au
front
d’une
tour
son
drapeau
que
l’air
ronge
et
dont
le
reflet
d’or
dans
l’onde
tour
à
tour
s’élargit
et
s’allonge
et
c’est
alors
qu’on
voit
les
peuples
étaler
les
couleurs
les
plus
fières
et
la
pourpre
et
l’argent
et
l’azur
onduler
aux
plis
de
leurs
bannières
dans
ce
riche
appareil
leur
orgueil
insensé
se
flatte
et
se
repose
comme
si
le
flot
noir
par
le
flot
effacé
en
gardait
quelque
chose
malte
arborait
sa
croix
venise
peuple
roi
sur
ses
poupes
mouvantes
l’héraldique
lion
qui
fait
rugir
d’effroi
les
lionnes
vivantes
le
pavillon
de
naple
est
éclatant
dans
l’air
et
quand
il
se
déploie
on
croit
voir
ondoyer
de
la
poupe
à
la
mer
un
flot
d’or
et
de
soie
espagne
peint
aux
plis
des
drapeaux
voltigeant
sur
ses
flottes
avares
léon
aux
lions
d’or
castille
aux
tours
d’argent
les
chaînes
des
navarres
rome
a
les
clefs
milan
l’enfant
qui
hurle
encor
dans
les
dents
de
la
guivre
et
les
vaisseaux
de
france
ont
des
fleurs
de
lys
d’or
sur
leurs
robes
de
cuivre
stamboul
la
turque
autour
du
croissant
abhorré
suspend
trois
blanches
queues
l’amérique
enfin
libre
étale
un
ciel
doré
semé
d’étoiles
bleues
l’autriche
a
l’aigle
étrange
aux
ailerons
dressés
qui
brillant
sur
la
moire
vers
les
deux
bouts
du
monde
à
la
fois
menacés
tourne
une
tête
noire
l’autre
aigle
au
double
front
qui
des
czars
suit
les
lois
son
antique
adversaire
comme
elle
regardant
deux
mondes
à
la
fois
en
tient
un
dans
sa
serre
l’angleterre
en
triomphe
impose
aux
flots
amers
sa
splendide
oriflamme
si
riche
qu’on
prendrait
son
reflet
dans
les
mers
pour
l’ombre
d’une
flamme
c’est
ainsi
que
les
rois
font
aux
mâts
des
vaisseaux
flotter
leurs
armoiries
et
condamnent
les
nefs
conquises
sur
les
eaux
à
changer
de
patries
ils
traînent
dans
leurs
rangs
ces
voiles
dont
le
sort
trompa
les
destinées
tout
fiers
de
voir
rentrer
plus
nombreuses
au
port
leurs
flottes
blasonnées
aux
navires
captifs
toujours
ils
appendront
leurs
drapeaux
de
victoire
afin
que
le
vaincu
porte
écrite
à
son
front
sa
honte
avec
leur
gloire
mais
le
bon
canaris
dont
un
ardent
sillon
suit
la
barque
hardie
sur
les
vaisseaux
qu’il
prend
comme
son
pavillon
arbore
l’incendie
7
novembre
1828
iii
les
têtes
du
sérail
o
horrible
o
horrible
most
horrible
shakespeare
hamlet
i
le
dôme
obscur
des
nuits
semé
d’astres
sans
nombre
se
mirait
dans
la
mer
resplendissante
et
sombre
la
riante
stamboul
le
front
d’ombres
voilé
semblait
couchée
au
bord
du
golfe
qui
l’inonde
entre
les
feux
du
ciel
et
les
reflets
de
l’onde
dormir
dans
un
globe
étoilé
on
eût
dit
la
cité
dont
les
esprits
nocturnes
bâtissent
dans
les
airs
les
palais
taciturnes
à
voir
ses
grands
harems
séjours
des
longs
ennuis
ses
dômes
bleus
pareils
au
ciel
qui
les
colore
et
leurs
mille
croissants
que
semblaient
faire
éclore
les
rayons
du
croissant
des
nuits
l’œil
distinguait
les
tours
par
leurs
angles
marquées
les
maisons
aux
toits
plats
les
flèches
des
mosquées
les
moresques
balcons
en
trèfles
découpés
les
vitraux
se
cachant
sous
des
grilles
discrètes
et
les
palais
dorés
et
comme
des
aigrettes
les
palmiers
sur
leur
front
groupés
là
de
blancs
minarets
dont
l’aiguille
s’élance
tels
que
des
mâts
d’ivoire
armés
d’un
fer
de
lance
là
des
kiosques
peints
là
des
fanaux
changeants
et
sur
le
vieux
sérail
que
ses
hauts
murs
décèlent
cent
coupoles
d’étain
qui
dans
l’ombre
étincellent
comme
des
casques
de
géants
ii
le
sérail
…
cette
nuit
il
tressaillait
de
joie
au
son
des
gais
tambours
sur
des
tapis
de
soie
les
sultanes
dansaient
sous
son
lambris
sacré
et
tel
qu’un
roi
couvert
de
ses
joyaux
de
fête
superbe
il
se
montrait
aux
enfants
du
prophète
de
six
mille
têtes
paré
livides
l’œil
éteint
de
noirs
cheveux
chargées
ces
têtes
couronnaient
sur
les
créneaux
rangées
les
terrasses
de
rose
et
de
jasmin
en
fleur
triste
comme
un
ami
comme
lui
consolante
la
lune
astre
des
morts
sur
leur
pâleur
sanglante
répandait
sa
douce
pâleur
dominant
le
sérail
de
la
porte
fatale
trois
d’entre
elles
marquaient
l’ogive
orientale
ces
têtes
que
battait
l’aile
du
noir
corbeau
semblaient
avoir
reçu
l’atteinte
meurtrière
l’une
dans
les
combats
l’autre
dans
la
prière
la
dernière
dans
le
tombeau
on
dit
qu’alors
tandis
qu’immobiles
comme
elles
veillaient
stupidement
les
mornes
sentinelles
les
trois
têtes
soudain
parlèrent
et
leurs
voix
ressemblaient
à
ces
chants
qu’on
entend
dans
les
rêves
aux
bruits
confus
du
flot
qui
s’endort
sur
les
grèves
du
vent
qui
s’endort
dans
les
bois
iii
la
première
voix
où
suis
je
…
mon
brûlot
à
la
voile
à
la
rame
frères
missolonghi
fumante
nous
réclame
les
turcs
ont
investi
ses
remparts
généreux
renvoyons
leurs
vaisseaux
à
leurs
villes
lointaines
et
que
ma
torche
ô
capitaines
soit
un
phare
pour
vous
soit
un
foudre
pour
eux
partons
adieu
corinthe
et
son
haut
promontoire
mers
dont
chaque
rocher
porte
un
nom
de
victoire
écueils
de
l’archipel
sur
tous
les
flots
semés
belles
îles
des
cieux
et
du
printemps
chéries
qui
le
jour
paraissez
des
corbeilles
fleuries
la
nuit
des
vases
parfumés
adieu
fière
patrie
hydra
sparte
nouvelle
ta
jeune
liberté
par
des
chants
se
révèle
des
mâts
voilent
tes
murs
ville
de
matelots
adieu
j’aime
ton
île
où
notre
espoir
se
fonde
tes
gazons
caressés
par
l’onde
tes
rocs
battus
d’éclairs
et
rongés
par
les
flots
frères
si
je
reviens
missolonghi
sauvée
qu’une
église
nouvelle
au
christ
soit
élevée
si
je
meurs
si
je
tombe
en
la
nuit
sans
réveil
si
je
verse
le
sang
qui
me
reste
à
répandre
dans
une
terre
libre
allez
porter
ma
cendre
et
creusez
ma
tombe
au
soleil
missolonghi
—
les
turcs
—
chassons
ô
camarades
leurs
canons
de
ses
forts
leurs
flottes
de
ses
rades
brûlons
le
capitan
sous
son
triple
canon
allons
que
des
brûlots
l’ongle
ardent
se
prépare
sur
sa
nef
si
je
m’en
empare
c’est
en
lettres
de
feu
que
j’écrirai
mon
nom
victoire
amis…
—
ô
ciel
de
mon
esquif
agile
une
bombe
en
tombant
brise
le
pont
fragile…
il
éclate
il
tournoie
il
s’ouvre
aux
flots
amers
ma
bouche
crie
en
vain
par
les
vagues
couverte
adieu
je
vais
trouver
mon
linceul
d’algue
verte
mon
lit
de
sable
au
fond
des
mers
mais
non
je
me
réveille
enfin
…
mais
quel
mystère
quel
rêve
affreux
…
mon
bras
manque
à
mon
cimeterre
quel
est
donc
près
de
moi
ce
sombre
épouvantail
qu’entends
je
au
loin
…
des
chœurs…
sont
ce
des
voix
de
femmes
des
chants
murmurés
par
des
âmes
ces
concerts
…
suis
je
au
ciel
…
—
du
sang
…
c’est
le
sérail
iv
la
deuxième
voix
oui
canaris
tu
vois
le
sérail
et
ma
tête
arrachée
au
cercueil
pour
orner
cette
fête
les
turcs
m’ont
poursuivi
sous
mon
tombeau
glacé
vois
ces
os
desséchés
sont
leur
dépouille
opime
voilà
de
botzaris
ce
qu’au
sultan
sublime
le
ver
du
sépulcre
a
laissé
écoute
je
dormais
dans
le
fond
de
ma
tombe
quand
un
cri
m’éveilla
missolonghi
succombe
je
me
lève
à
demi
dans
la
nuit
du
trépas
j’entends
des
canons
sourds
les
tonnantes
volées
les
clameurs
aux
clameurs
mêlées
les
chocs
fréquents
du
fer
le
bruit
pressé
des
pas
j’entends
dans
le
combat
qui
remplissait
la
ville
des
voix
crier
défends
d’une
horde
servile
ombre
de
botzaris
tes
grecs
infortunés
et
moi
pour
m’échapper
luttant
dans
les
ténèbres
j’achevais
de
briser
sur
les
marbres
funèbres
tous
mes
ossements
décharnés
soudain
comme
un
volcan
le
sol
s’embrase
et
gronde…
—
tout
se
tait
et
mon
œil
ouvert
pour
l’autre
monde
voit
ce
que
nul
vivant
n’eût
pu
voir
de
ses
yeux
de
la
terre
des
flots
du
sein
profond
des
flammes
s’échappaient
des
tourbillons
d’âmes
qui
tombaient
dans
l’abîme
ou
s’envolaient
aux
cieux
les
musulmans
vainqueurs
dans
ma
tombe
fouillèrent
ils
mêlèrent
ma
tête
aux
vôtres
qu’ils
souillèrent
dans
le
sac
du
tartare
on
les
jeta
sans
choix
mon
corps
décapité
tressaillit
d’allégresse
il
me
semblait
ami
pour
la
croix
et
la
grèce
mourir
une
seconde
fois
sur
la
terre
aujourd’hui
notre
destin
s’achève
stamboul
pour
contempler
cette
moisson
du
glaive
vile
esclave
s’émeut
du
fanar
aux
sept
tours
et
nos
têtes
qu’on
livre
aux
publiques
risées
sur
l’impur
sérail
exposées
repaissent
le
sultan
convive
des
vautours
voilà
tous
nos
héros
costas
le
palicare
christo
du
mont
olympe
hellas
des
mers
d’icare
kitzos
qu’aimait
byron
le
poëte
immortel
et
cet
enfant
des
monts
notre
ami
notre
émule
mayer
qui
rapportait
aux
fils
de
thrasybule
la
flèche
de
guillaume
tell
mais
ces
morts
inconnus
qui
dans
nos
rangs
stoïques
confondent
leurs
fronts
vils
à
des
fronts
héroïques
ce
sont
des
fils
maudits
d’eblis
et
de
satan
des
turcs
obscur
troupeau
foule
au
sabre
asservie
esclaves
dont
on
prend
la
vie
quand
il
manque
une
tête
au
compte
du
sultan
semblable
au
minotaure
inventé
par
nos
pères
un
homme
est
seul
vivant
dans
ces
hideux
repaires
qui
montrent
nos
lambeaux
aux
peuples
à
genoux
car
les
autres
témoins
de
ces
fêtes
fétides
ses
eunuques
impurs
ses
muets
homicides
ami
sont
aussi
morts
que
nous
quels
sont
ces
cris
…
—
c’est
l’heure
où
ses
plaisirs
infâmes
ont
réclamé
nos
sœurs
nos
filles
et
nos
femmes
ces
fleurs
vont
se
flétrir
à
son
souffle
inhumain
le
tigre
impérial
rugissant
dans
sa
joie
tour
à
tour
compte
chaque
proie
nos
vierges
cette
nuit
et
nos
têtes
demain
v
la
troisième
voix
ô
mes
frères
joseph
évêque
vous
salue
missolonghi
n’est
plus
à
sa
mort
résolue
elle
a
fui
la
famine
et
son
venin
rongeur
enveloppant
les
turcs
dans
son
malheur
suprême
formidable
victime
elle
a
mis
elle
même
la
flamme
à
son
bûcher
vengeur
voyant
depuis
vingt
jours
notre
ville
affamée
j’ai
crié
venez
tous
il
est
temps
peuple
armée
dans
le
saint
sacrifice
il
faut
nous
dire
adieu
recevez
de
mes
mains
à
la
table
céleste
le
seul
aliment
qui
nous
reste
le
pain
qui
nourrit
l’âme
et
la
transforme
en
dieu
quelle
communion
des
mourants
immobiles
cherchant
l’hostie
offerte
à
leurs
lèvres
débiles
des
soldats
défaillants
mais
encor
redoutés
des
femmes
des
vieillards
des
vierges
désolées
et
sur
le
sein
flétri
des
mères
mutilées
des
enfants
de
sang
allaités
la
nuit
vint
on
partit
mais
les
turcs
dans
les
ombres
assiégèrent
bientôt
nos
morts
et
nos
décombres
mon
église
s’ouvrit
à
leurs
pas
inquiets
sur
un
débris
d’autel
leur
dernière
conquête
un
sabre
fit
rouler
ma
tête…
j’ignore
quelle
main
me
frappa
je
priais
frères
plaignez
mahmoud
né
dans
sa
loi
barbare
des
hommes
et
de
dieu
son
pouvoir
le
sépare
son
aveugle
regard
ne
s’ouvre
pas
au
ciel
sa
couronne
fatale
et
toujours
chancelante
porte
à
chaque
fleuron
une
tête
sanglante
et
peut
être
il
n’est
pas
cruel
le
malheureux
en
proie
aux
terreurs
implacables
perd
pour
l’éternité
ses
jours
irrévocables
rien
ne
marque
pour
lui
les
matins
et
les
soirs
toujours
l’ennui
semblable
aux
idoles
qu’ils
dorent
ses
esclaves
de
loin
l’adorent
et
le
fouet
d’un
spahi
règle
leurs
encensoirs
mais
pour
vous
tout
est
joie
honneur
fête
victoire
sur
la
terre
vaincus
vous
vaincrez
dans
l’histoire
frères
dieu
vous
bénit
sur
le
sérail
fumant
vos
gloires
par
la
mort
ne
sont
pas
étouffées
vos
têtes
sans
tombeaux
deviennent
vos
trophées
vos
débris
sont
un
monument
que
l’apostat
surtout
vous
envie
anathème
au
chrétien
qui
souilla
l’eau
sainte
du
baptême
sur
le
livre
de
vie
en
vain
il
fut
compté
nul
ange
ne
l’attend
dans
les
cieux
où
nous
sommes
et
son
nom
exécré
des
hommes
sera
comme
un
poison
des
bouches
rejeté
et
toi
chrétienne
europe
entends
nos
voix
plaintives
jadis
pour
nous
sauver
saint
louis
vers
nos
rives
eût
de
ses
chevaliers
guidé
l’arrière
ban
choisis
enfin
avant
que
ton
dieu
ne
se
lève
de
jésus
et
d’omar
de
la
croix
et
du
glaive
de
l’auréole
et
du
turban
vi
oui
botzaris
joseph
canaris
ombres
saintes
elle
entendra
vos
voix
par
le
trépas
éteintes
elle
verra
le
signe
empreint
sur
votre
front
et
soupirant
ensemble
un
chant
expiatoire
à
vos
débris
sanglants
portant
leur
double
gloire
sur
la
harpe
et
le
luth
les
deux
grèces
diront
hélas
vous
êtes
saints
et
vous
êtes
sublimes
confesseurs
demi
dieux
fraternelles
victimes
votre
bras
aux
combats
s’est
longtemps
signalé
morts
vous
êtes
tous
trois
souillés
par
des
mains
viles
voici
votre
calvaire
après
vos
thermopyles
pour
tous
les
dévouements
votre
sang
a
coulé
ah
si
l’europe
en
deuil
qu’un
sang
si
pur
menace
ne
suit
jusqu’au
sérail
le
chemin
qu’il
lui
trace
le
seigneur
la
réserve
à
d’amers
repentirs
marin
prêtre
soldat
nos
autels
vous
demandent
car
l’olympe
et
le
ciel
à
la
fois
vous
attendent
pléiade
de
héros
trinité
de
martyrs
juin
1826
iv
enthousiasme
allons
jeune
homme
allons
marche
…
andré
chénier
en
grèce
en
grèce
adieu
vous
tous
il
faut
partir
qu’enfin
après
le
sang
de
ce
peuple
martyr
le
sang
vil
des
bourreaux
ruisselle
en
grèce
ô
mes
amis
vengeance
liberté
ce
turban
sur
mon
front
ce
sabre
à
mon
côté
allons
ce
cheval
qu’on
le
selle
quand
partons
nous
ce
soir
demain
serait
trop
long
des
armes
des
chevaux
un
navire
à
toulon
un
navire
ou
plutôt
des
ailes
menons
quelques
débris
de
nos
vieux
régiments
et
nous
verrons
soudain
ces
tigres
ottomans
fuir
avec
des
pieds
de
gazelles
commande
nous
fabvier
comme
un
prince
invoqué
toi
qui
seul
fus
au
poste
où
les
rois
ont
manqué
chef
des
hordes
disciplinées
parmi
les
grecs
nouveaux
ombre
d’un
vieux
romain
simple
et
brave
soldat
qui
dans
ta
rude
main
d’un
peuple
as
pris
les
destinées
de
votre
long
sommeil
éveillez
vous
là
bas
fusils
français
et
vous
musique
des
combats
bombes
canons
grêles
cymbales
éveillez
vous
chevaux
au
pied
retentissant
sabres
auxquels
il
manque
une
trempe
de
sang
longs
pistolets
gorgés
de
balles
je
veux
voir
des
combats
toujours
au
premier
rang
voir
comment
les
spahis
s’épanchent
en
torrent
sur
l’infanterie
inquiète
voir
comment
leur
damas
qu’emporte
leur
coursier
coupe
une
tête
au
fil
de
son
croissant
d’acier
allons
…
—
mais
quoi
pauvre
poëte
où
m’emporte
moi
même
un
accès
belliqueux
les
vieillards
les
enfants
m’admettent
avec
eux
que
suis
je
—
esprit
qu’un
souffle
enlève
comme
une
feuille
morte
échappée
aux
bouleaux
qui
sur
une
onde
en
pente
erre
de
flots
en
flots
mes
jours
s’en
vont
de
rêve
en
rêve
tout
me
fait
songer
l’air
les
prés
les
monts
les
bois
j’en
ai
pour
tout
un
jour
des
soupirs
d’un
hautbois
d’un
bruit
de
feuilles
remuées
quand
vient
le
crépuscule
au
fond
d’un
vallon
noir
j’aime
un
grand
lac
d’argent
profond
et
clair
miroir
où
se
regardent
les
nuées
j’aime
une
lune
ardente
et
rouge
comme
l’or
se
levant
dans
la
brume
épaisse
ou
bien
encor
blanche
au
bord
d’un
nuage
sombre
j’aime
ces
chariots
lourds
et
noirs
qui
la
nuit
passant
devant
le
seuil
des
fermes
avec
bruit
font
aboyer
les
chiens
dans
l’ombre
1827
v
navarin
ἢ
ἢ
ἢ
ἢ
ἢ
τρισκάλμοισιν
ἢ
ἢ
ἢ
ἢ
ἢ
βάρισιν
ὀλόμενοι
eschyle
les
perses
hélas
hélas
nos
vaisseaux
hélas
hélas
sont
détruits
i
canaris
canaris
pleure
cent
vingt
vaisseaux
pleure
une
flotte
entière
—
où
donc
démon
des
eaux
où
donc
était
ta
main
hardie
se
peut
il
que
sans
toi
l’ottoman
succombât
pleure
comme
crillon
exilé
d’un
combat
tu
manquais
à
cet
incendie
jusqu’ici
quand
parfois
la
vague
de
tes
mers
soudain
s’ensanglantait
comme
un
lac
des
enfers
d’une
lueur
large
et
profonde
si
quelque
lourd
navire
éclatait
à
nos
yeux
couronné
tout
à
coup
d’une
aigrette
de
feux
comme
un
volcan
s’ouvrant
dans
l’onde
si
la
lame
roulait
turbans
sabres
courbés
voiles
tentes
croissants
des
mâts
rompus
tombés
vestiges
de
flotte
et
d’armée
pelisses
de
vizirs
sayons
de
matelots
rebuts
stigmatisés
de
la
flamme
et
des
flots
blancs
d’écume
et
noirs
de
fumée
si
partait
de
ces
mers
d’égine
ou
d’iolchos
un
bruit
d’explosion
tonnant
dans
mille
échos
et
roulant
au
loin
dans
l’espace
l’europe
se
tournait
vers
le
rouge
orient
et
sur
la
poupe
assis
le
nocher
souriant
disait
—
c’est
canaris
qui
passe
jusqu’ici
quand
brûlaient
au
sein
des
flots
fumants
les
capitans
pachas
avec
leurs
armements
leur
flotte
dans
l’ombre
engourdie
on
te
reconnaissait
à
ce
terrible
jeu
ton
brûlot
expliquait
tous
ces
vaisseaux
en
feu
ta
torche
éclairait
l’incendie
mais
pleure
aujourd’hui
pleure
on
s’est
battu
sans
toi
pourquoi
sans
canaris
sur
ces
flottes
pourquoi
porter
la
guerre
et
ses
tempêtes
du
dieu
qui
garde
hellé
n’est
il
plus
le
bras
droit
on
aurait
dû
l’attendre
et
n’est
il
pas
de
droit
convive
de
toutes
ces
fêtes
ii
console
toi
la
grèce
est
libre
entre
les
bourreaux
les
mourants
l’europe
a
remis
l’équilibre
console
toi
plus
de
tyrans
la
france
combat
le
sort
change
souffre
que
sa
main
qui
vous
venge
du
moins
te
dérobe
en
échange
une
feuille
de
ton
laurier
grèces
de
byron
et
d’homère
toi
notre
sœur
toi
notre
mère
chantez
si
votre
voix
amère
ne
s’est
pas
éteinte
à
crier
pauvre
grèce
qu’elle
était
belle
pour
être
couchée
au
tombeau
chaque
vizir
de
la
rebelle
s’arrachait
un
sacré
lambeau
où
la
fable
mit
ses
ménades
où
l’amour
eut
ses
sérénades
grondaient
les
sombres
canonnades
sapant
les
temps
du
vrai
dieu
le
ciel
de
cette
terre
aimée
n’avait
sous
sa
voûte
embaumée
de
nuages
que
la
fumée
de
toutes
ses
villes
en
feu
voilà
six
ans
qu’ils
l’ont
choisie
six
ans
qu’on
voyait
accourir
l’afrique
au
secours
de
l’asie
contre
un
peuple
instruit
à
mourir
ibrahim
que
rien
ne
modère
vole
de
l’isthme
au
belvédère
comme
un
faucon
qui
n’a
plus
d’aire
comme
un
loup
qui
règne
au
bercail
il
court
où
le
butin
le
tente
et
lorsqu’il
retourne
à
sa
tente
chaque
fois
sa
main
dégouttante
jette
des
têtes
au
sérail
iii
enfin
—
c’est
navarin
la
ville
aux
maisons
peintes
la
ville
aux
dômes
d’or
la
blanche
navarin
sur
la
colline
assise
entre
les
térébinthes
qui
prête
son
beau
golfe
aux
ardentes
étreintes
de
deux
flottes
heurtant
leurs
carènes
d’airain
les
voilà
toutes
deux
—
la
mer
en
est
chargée
prête
à
noyer
leurs
feux
prête
à
boire
leur
sang
chacune
par
son
dieu
semble
au
combat
rangée
l’une
s’étend
en
croix
sur
les
flots
allongée
l’autre
ouvre
ses
bras
lourds
et
se
courbe
en
croissant
ici
l’europe
enfin
l’europe
qu’on
déchaîne
avec
ses
grands
vaisseaux
voguant
comme
des
tours
là
l’égypte
des
turcs
cette
asie
africaine
ces
vivaces
forbans
mal
tués
par
duquesne
qui
mit
en
vain
le
pied
sur
ces
nids
de
vautours
iv
écoutez
—
le
canon
gronde
il
est
temps
qu’on
lui
réponde
le
patient
est
le
fort
éclatent
donc
les
bordées
sur
ces
nefs
intimidées
frégates
jetez
la
mort
et
qu’au
souffle
de
vos
bouches
fondent
ces
vaisseaux
farouches
broyés
aux
rochers
du
port
la
bataille
enfin
s’allume
tout
à
la
fois
tonne
et
fume
la
mort
vole
où
nous
frappons
là
tout
brûle
pêle
mêle
ici
court
le
brûlot
frêle
qui
jette
aux
mâts
ses
crampons
et
comme
un
chacal
dévore
l’éléphant
qui
lutte
encore
ronge
un
navire
à
trois
ponts
—
l’abordage
l’abordage
—
on
se
suspend
au
cordage
on
s’élance
des
haubans
la
poupe
heurte
la
proue
la
mêlée
a
dans
sa
roue
rameurs
courbés
sur
leurs
bancs
fantassins
cherchant
la
terre
l’épée
et
le
cimeterre
les
casques
et
les
turbans
la
vergue
aux
vergues
s’attache
la
torche
insulte
à
la
hache
tout
s’attaque
en
même
temps
sur
l’abîme
la
mort
nage
épouvantable
carnage
champs
de
bataille
flottants
qui
battus
de
cent
volées
s’écroulent
sous
les
mêlées
avec
tous
les
combattants
v
lutte
horrible
ah
quand
l’homme
à
l’étroit
sur
la
terre
jusque
sur
l’océan
précipite
la
guerre
le
sol
tremble
sous
lui
tandis
qu’il
se
débat
la
mer
la
grande
mer
joue
avec
ses
batailles
vainqueurs
vaincus
à
tous
elle
ouvre
ses
entrailles
le
naufrage
éteint
le
combat
ô
spectacle
tandis
que
l’afrique
grondante
bat
nos
puissants
vaisseaux
de
sa
flotte
imprudente
qu’elle
épuise
à
leurs
flancs
sa
rage
et
ses
efforts
chacun
d’eux
géant
fier
sur
ces
hordes
bruyantes
ouvrant
à
temps
égaux
ses
gueules
foudroyantes
vomit
tranquillement
la
mort
de
tous
ses
bords
tout
s’embrase
voyez
l’eau
de
cendre
est
semée
le
vent
aux
mâts
en
flamme
arrache
la
fumée
le
feu
sur
les
tillacs
s’abat
en
ponts
mouvants
déjà
brûlent
les
nefs
déjà
sourde
et
profonde
la
flamme
en
leurs
flancs
noirs
ouvre
un
passage
à
l’onde
déjà
sur
les
ailes
des
vents
l’incendie
attaquant
la
frégate
amirale
déroule
autour
des
mâts
sont
ardente
spirale
prend
les
marins
hurlants
dans
ses
brûlants
réseaux
couronne
de
ses
jets
la
poupe
inabordable
triomphe
et
jette
au
loin
un
reflet
formidable
qui
tremble
élargissant
ses
cercles
sur
les
eaux
vi
où
sont
enfants
du
caire
ces
flottes
qui
naguère
emportaient
à
la
guerre
leurs
mille
matelots
ces
voiles
où
sont
elles
qu’armaient
les
infidèles
et
qui
prêtaient
leurs
ailes
à
l’ongle
des
brûlots
où
sont
tes
mille
antennes
et
tes
hunes
hautaines
et
tes
fiers
capitaines
armada
du
sultan
ta
ruine
commence
toi
qui
dans
ta
démence
battais
les
mers
immense
comme
léviathan
le
capitan
qui
tremble
voit
éclater
ensemble
ces
chébecs
que
rassemble
alger
ou
tetuan
le
feu
vengeur
embrasse
son
vaisseau
dont
la
masse
soulève
quand
il
passe
le
fond
de
l’océan
sur
les
mers
irritées
dérivent
démâtées
nefs
par
les
nefs
heurtées
yachts
aux
mille
couleurs
galères
capitanes
caïques
et
tartanes
qui
portaient
aux
sultanes
des
têtes
et
des
fleurs
adieu
sloops
intrépides
adieu
jonques
rapides
qui
sur
les
eaux
limpides
berçaient
les
icoglans
adieu
la
goëlette
dont
la
vague
reflète
le
flamboyant
squelette
noir
dans
les
feux
sanglants
adieu
la
barcarolle
dont
l’humble
banderole
autour
des
vaisseaux
vole
et
qui
peureuse
fuit
quand
du
souffle
des
brises
les
frégates
surprises
gonflant
leurs
voiles
grises
déferlent
à
grand
bruit
adieu
la
caravelle
qu’une
voile
nouvelle
aux
yeux
de
loin
révèle
adieu
le
dogre
ailé
le
brick
dont
les
amures
rendent
de
sourds
murmures
comme
un
amas
d’armures
par
le
vent
ébranlé
adieu
la
brigantine
dont
la
voile
latine
du
flot
qui
se
mutine
fend
les
vallons
amers
adieu
la
balancelle
qui
sur
l’onde
chancelle
et
comme
une
étincelle
luit
sur
l’azur
des
mers
adieu
lougres
difformes
galéaces
énormes
vaisseaux
de
toutes
formes
vaisseaux
de
tous
climats
l’yole
aux
triples
flammes
les
mahonnes
les
prames
la
felouque
à
six
rames
la
polacre
à
deux
mâts
chaloupes
canonnières
et
lanches
marinières
où
flottaient
les
bannières
du
pacha
souverain
bombardes
que
la
houle
sur
son
front
qui
s’écroule
soulève
emporte
et
roule
avec
un
bruit
d’airain
adieu
ces
nefs
bizarres
caraques
et
gabarres
qui
de
leurs
cris
barbares
troublaient
chypre
et
délos
que
sont
donc
devenues
ces
flottes
trop
connues
la
mer
les
jette
aux
nues
le
ciel
les
rend
aux
flots
vii
silence
tout
est
fait
tout
retombe
à
l’abîme
l’écume
des
hauts
mâts
a
recouvert
la
cime
des
vaisseaux
du
sultan
les
flots
se
sont
joués
quelques
uns
bricks
rompus
prames
désemparées
comme
l’algue
des
eaux
qu’apportent
les
marées
sur
la
grève
noircie
expirent
échoués
ah
c’est
une
victoire
—
oui
l’afrique
défaite
le
vrai
dieu
sous
ses
pieds
foulant
le
faux
prophète
les
tyrans
les
bourreaux
criant
grâce
à
leur
tour
ceux
qui
meurent
enfin
sauvés
par
ceux
qui
règnent
hellé
lavant
ses
flancs
qui
saignent
et
six
ans
vengés
dans
un
jour
depuis
assez
longtemps
les
peuples
disaient
grèce
grèce
grèce
tu
meurs
pauvre
peuple
en
détresse
à
l’horizon
en
feu
chaque
jour
tu
décroîs
en
vain
pour
te
sauver
patrie
illustre
et
chère
nous
réveillons
le
prêtre
endormi
dans
sa
chaire
en
vain
nous
mendions
une
armée
à
nos
rois
mais
les
rois
restent
sourds
les
chaires
sont
muettes
ton
nom
n’échauffe
ici
que
des
cœurs
de
poëtes
à
la
gloire
à
la
vie
on
demande
tes
droits
à
la
croix
grecque
hellé
ta
valeur
se
confie
c’est
un
peuple
qu’on
crucifie
qu’importe
hélas
sur
quelle
croix
tes
dieux
s’en
vont
aussi
parthénon
propylées
murs
de
grèce
ossements
des
villes
mutilées
vous
devenez
une
arme
aux
mains
des
mécréants
pour
battre
ses
vaisseaux
du
haut
des
dardanelles
chacun
de
vos
débris
ruines
solennelles
donne
un
boulet
de
marbre
à
leurs
canons
géants
qu’on
change
cette
plainte
en
joyeuse
fanfare
une
rumeur
surgit
de
l’isthme
jusqu’au
phare
regardez
ce
ciel
noir
plus
beau
qu’un
ciel
serein
le
vieux
colosse
turc
sur
l’orient
retombe
la
grèce
est
libre
et
dans
la
tombe
byron
applaudit
navarin
salut
donc
albion
vieille
reine
des
ondes
salut
aigle
des
czars
qui
planes
sur
deux
mondes
gloire
à
nos
fleurs
de
lys
dont
l’éclat
est
si
beau
l’angleterre
aujourd’hui
reconnaît
sa
rivale
navarin
la
lui
rend
notre
gloire
navale
à
cet
embrasement
rallume
son
flambeau
je
te
retrouve
autriche
—
oui
la
voilà
c’est
elle
non
pas
ici
mais
là
—
dans
la
flotte
infidèle
parmi
les
rangs
chrétiens
en
vain
on
te
chercha
nous
surprenons
honteuse
et
la
tête
penchée
ton
aigle
au
double
front
cachée
sous
les
crinières
d’un
pacha
c’est
bien
ta
place
autriche
—
on
te
voyait
naguère
briller
près
d’ibrahim
ce
tamerlan
vulgaire
tu
dépouillais
les
morts
qu’il
foulait
en
passant
tu
l’admirais
mêlée
aux
eunuques
serviles
promenant
au
hasard
sa
torche
dans
les
villes
horrible
et
n’éteignant
le
feu
qu’avec
du
sang
tu
préférais
ces
feux
aux
clartés
de
l’aurore
aujourd’hui
qu’à
leur
tour
la
flamme
enfin
dévore
ses
noirs
vaisseaux
vomis
des
ports
égyptiens
rouvre
les
yeux
regarde
autriche
abâtardie
que
dis
tu
de
cet
incendie
est
il
aussi
beau
que
les
siens
23
novembre
1827
vi
cri
de
guerre
du
mufti
hierro
despierta
te
cri
de
guerre
des
almogavares
fer
réveille
toi
en
guerre
les
guerriers
mahomet
mahomet
les
chiens
mordent
les
pieds
du
lion
qui
dormait
ils
relèvent
leur
tête
infâme
écrasez
ô
croyants
du
prophète
divin
ces
chancelants
soldats
qui
s’enivrent
de
vin
ces
hommes
qui
n’ont
qu’une
femme
meure
la
race
franque
et
ses
rois
détestés
spahis
timariots
allez
courez
jetez
à
travers
les
sombres
mêlées
vos
sabres
vos
turbans
le
bruit
de
votre
cor
vos
tranchants
étriers
larges
triangles
d’or
vos
cavales
échevelées
qu’othman
fils
d’ortogrul
vive
en
chacun
de
vous
que
l’un
ait
son
regard
et
l’autre
son
courroux
allez
allez
ô
capitaines
et
nous
te
reprendrons
ville
aux
dômes
d’or
pur
molle
setiniah
qu’en
leur
langage
impur
les
barbares
nomment
athènes
21
octobre
1828
vii
la
douleur
du
pacha
séparé
de
tout
ce
qui
m’était
cher
je
me
consume
solitaire
et
désolé
biron
—
qu’a
donc
l’ombre
d’allah
disait
l’humble
derviche
son
aumône
est
bien
pauvre
et
son
trésor
bien
riche
sombre
immobile
avare
il
rit
d’un
rire
amer
a
t
il
donc
ébréché
le
sabre
de
son
père
ou
bien
de
ses
soldats
autour
de
son
repaire
vu
rugir
l’orageuse
mer
—
qu’a
t
il
donc
le
pacha
le
vizir
des
armées
disaient
les
bombardiers
leurs
mèches
allumées
les
imans
troublent
ils
cette
tête
de
fer
a
t
il
du
ramazan
rompu
le
jeûne
austère
lui
font
ils
voir
en
rêve
aux
bornes
de
la
terre
l’ange
azraël
debout
sur
le
pont
de
l’enfer
—
qu’a
t
il
donc
murmuraient
les
icoglans
stupides
dit
on
qu’il
ait
perdu
dans
les
courants
rapides
le
vaisseau
des
parfums
qui
le
font
rajeunir
trouve
t
on
à
stamboul
sa
gloire
assez
ancienne
dans
les
prédictions
de
quelque
égyptienne
a
t
il
vu
le
muet
venir
—
qu’a
donc
le
doux
sultan
demandaient
les
sultanes
a
t
il
avec
son
fils
surpris
sous
les
platanes
sa
brune
favorite
aux
lèvres
de
corail
a
t
on
souillé
son
bain
d’une
essence
grossière
dans
le
sac
du
fellah
vidé
sur
la
poussière
manque
t
il
quelque
tête
attendue
au
sérail
—
qu’a
donc
le
maître
—
ainsi
s’agitent
les
esclaves
tous
se
trompent
hélas
si
perdu
pour
ses
braves
assis
comme
un
guerrier
qui
dévore
un
affront
courbé
comme
un
vieillard
sous
le
poids
des
années
depuis
trois
longues
nuits
et
trois
longues
journées
il
croise
ses
mains
sur
son
front
ce
n’est
pas
qu’il
ait
vu
la
révolte
infidèle
assiégeant
son
harem
comme
une
citadelle
jeter
jusqu’à
sa
couche
un
sinistre
brandon
ni
d’un
père
en
sa
main
s’émousser
le
vieux
glaive
ni
paraître
azraël
ni
passer
dans
un
rêve
les
muets
bigarrés
armés
du
noir
cordon
hélas
l’ombre
d’allah
n’a
pas
rompu
le
jeûne
la
sultane
est
gardée
et
son
fils
est
trop
jeune
nul
vaisseau
n’a
subi
d’orages
importuns
le
tartare
avait
bien
sa
charge
accoutumée
il
ne
manque
au
sérail
solitude
embaumée
ni
les
têtes
ni
les
parfums
ce
ne
sont
pas
non
plus
les
villes
écroulées
les
ossements
humains
noircissant
les
vallées
la
grèce
incendiée
en
proie
aux
fils
d’omar
l’orphelin
ni
la
veuve
et
ses
plaintes
amères
ni
l’enfance
égorgée
aux
yeux
des
pauvres
mères
ni
la
virginité
marchandée
au
bazar
non
non
ce
ne
sont
pas
ces
figures
funèbres
qui
d’un
rayon
sanglant
luisant
dans
les
ténèbres
en
passant
dans
son
âme
ont
laissé
le
remord
qu’a
t
il
donc
ce
pacha
que
la
guerre
réclame
et
qui
triste
et
rêveur
pleure
comme
une
femme
…
son
tigre
de
nubie
est
mort
1er
décembre
1827
viii
chanson
de
pirates
alerte
alerte
voici
les
pirates
d’ochab
qui
traversent
le
détroit
le
captif
d’ochab
nous
emmenions
en
esclavage
cent
chrétiens
pêcheurs
de
corail
nous
recrutions
pour
le
sérail
dans
tous
les
moûtiers
du
rivage
en
mer
les
hardis
écumeurs
nous
allions
de
fez
à
catane…
dans
la
galère
capitane
nous
étions
quatrevingts
rameurs
on
signale
un
couvent
à
terre
nous
jetons
l’ancre
près
du
bord
à
nos
yeux
s’offre
tout
d’abord
une
fille
du
monastère
près
des
flots
sourde
à
leurs
rumeurs
elle
dormait
sous
un
platane…
dans
la
galère
capitane
nous
étions
quatrevingts
rameurs
—
la
belle
fille
il
faut
vous
taire
il
faut
nous
suivre
il
fait
bon
vent
ce
n’est
que
changer
de
couvent
le
harem
vaut
le
monastère
sa
hautesse
aime
les
primeurs
nous
vous
ferons
mahométane…
dans
la
galère
capitane
nous
étions
quatrevingts
rameurs
elle
veut
fuir
vers
sa
chapelle
—
osez
vous
bien
fils
de
satan
—
nous
osons
dit
le
capitan
elle
pleure
supplie
appelle
malgré
sa
plainte
et
ses
clameurs
on
l’emporta
dans
la
tartane…
dans
la
galère
capitane
nous
étions
quatrevingts
rameurs
plus
belle
encor
dans
sa
tristesse
ses
yeux
étaient
deux
talismans
elle
valait
mille
tomans
on
la
vendit
à
sa
hautesse
elle
eut
beau
dire
je
me
meurs
de
nonne
elle
devint
sultane…
dans
la
galère
capitane
nous
étions
quatrevingts
rameurs
12
mars
1828
ix
la
captive
on
entendait
le
chant
des
oiseaux
aussi
harmonieux
que
la
poésie
sadi
gulistan
si
je
n’étais
captive
j’aimerais
ce
pays
et
cette
mer
plaintive
et
ces
champs
de
maïs
et
ces
astres
sans
nombre
si
le
long
du
mur
sombre
n’étincelait
dans
l’ombre
le
sabre
des
spahis
je
ne
suis
point
tartare
pour
qu’un
eunuque
noir
m’accorde
ma
guitare
me
tienne
mon
miroir
bien
loin
de
ces
sodomes
au
pays
dont
nous
sommes
avec
les
jeunes
hommes
on
peut
parler
le
soir
pourtant
j’aime
une
rive
où
jamais
des
hivers
le
souffle
froid
n’arrive
par
les
vitraux
ouverts
l’été
la
pluie
est
chaude
l’insecte
vert
qui
rôde
luit
vivante
émeraude
sous
les
brins
d’herbe
verts
smyrne
est
une
princesse
avec
son
beau
chapel
l’heureux
printemps
sans
cesse
répond
à
son
appel
et
comme
un
riant
groupe
de
fleurs
dans
une
coupe
dans
ses
mers
se
découpe
plus
d’un
frais
archipel
j’aime
ces
tours
vermeilles
ces
drapeaux
triomphants
ces
maisons
d’or
pareilles
à
des
jouets
d’enfants
j’aime
pour
mes
pensées
plus
mollement
bercées
ces
tentes
balancées
au
dos
des
éléphants
dans
ce
palais
de
fées
mon
cœur
plein
de
concerts
croit
aux
voix
étouffées
qui
viennent
des
déserts
entendre
les
génies
mêler
les
harmonies
des
chansons
infinies
qu’ils
chantent
dans
les
airs
j’aime
de
ces
contrées
les
doux
parfums
brûlants
sur
les
vitres
dorées
les
feuillages
tremblants
l’eau
que
la
source
épanche
sous
le
palmier
qui
penche
et
la
cigogne
blanche
sur
les
minarets
blancs
j’aime
en
un
lit
de
mousses
dire
un
air
espagnol
quand
mes
compagnes
douces
du
pied
rasant
le
sol
légion
vagabonde
où
le
sourire
abonde
font
tournoyer
leur
ronde
sous
un
rond
parasol
mais
surtout
quand
la
brise
me
touche
en
voltigeant
la
nuit
j’aime
être
assise
être
assise
en
songeant
l’œil
sur
la
mer
profonde
tandis
que
pâle
et
blonde
la
lune
ouvre
dans
l’onde
son
éventail
d’argent
7
juillet
1828
x
clair
de
lune
per
amica
silentia
lunæ
virgile
la
lune
était
sereine
et
jouait
sur
les
flots
—
la
fenêtre
enfin
libre
est
ouverte
à
la
brise
la
sultane
regarde
et
la
mer
qui
se
brise
là
bas
d’un
flot
d’argent
brode
les
noirs
îlots
de
ses
doigts
en
vibrant
s’échappe
la
guitare
elle
écoute…
un
bruit
sourd
frappe
les
sourds
échos
est
ce
un
lourd
vaisseau
turc
qui
vient
des
eaux
de
cos
battant
l’archipel
grec
de
sa
rame
tartare
sont
ce
des
cormorans
qui
plongent
tour
à
tour
et
coupent
l’eau
qui
roule
en
perles
sur
leur
aile
est
ce
un
djinn
qui
là
haut
siffle
d’une
voix
grêle
et
jette
dans
la
mer
les
créneaux
de
la
tour
qui
trouble
ainsi
les
flots
près
du
sérail
des
femmes
—
ni
le
noir
cormoran
sur
la
vague
bercé
ni
les
pierres
du
mur
ni
le
bruit
cadencé
du
lourd
vaisseau
rampant
sur
l’onde
avec
des
rames
ce
sont
des
sacs
pesants
d’où
partent
des
sanglots
on
verrait
en
sondant
la
mer
qui
les
promène
se
mouvoir
dans
leurs
flancs
comme
une
forme
humaine…
—
la
lune
était
sereine
et
jouait
sur
les
flots
2
septembre
1828
xi
le
voile
avez
vous
prié
dieu
ce
soir
desdemona
shakespeare
la
sœur
qu’avez
vous
qu’avez
vous
mes
frères
vous
baissez
des
fronts
soucieux
comme
des
lampes
funéraires
vos
regards
brillent
dans
vos
yeux
vos
ceintures
sont
déchirées
déjà
trois
fois
hors
de
l’étui
sous
vos
doigts
à
demi
tirées
les
lames
des
poignards
ont
lui
le
frère
aîné
n’avez
vous
pas
levé
votre
voile
aujourd’hui
la
sœur
je
revenais
du
bain
mes
frères
seigneurs
du
bain
je
revenais
cachée
aux
regards
téméraires
des
giaours
et
des
albanais
en
passant
près
de
la
mosquée
dans
mon
palanquin
recouvert
l’air
de
midi
m’a
suffoquée
mon
voile
un
instant
s’est
ouvert
le
second
frère
un
homme
alors
passait
un
homme
en
caftan
vert
la
sœur
oui…
peut
être…
mais
son
audace
n’a
point
vu
mes
traits
dévoilés…
mais
vous
vous
parlez
à
voix
basse
à
voix
basse
vous
vous
parlez
vous
faut
il
du
sang
sur
votre
âme
mes
frères
il
n’a
pu
me
voir
grâce
tuerez
vous
une
femme
faible
et
nue
en
votre
pouvoir
le
troisième
frère
le
soleil
était
rouge
à
son
coucher
ce
soir
la
sœur
grâce
qu’ai
je
fait
grâce
grâce
dieu
quatre
poignards
dans
mon
flanc
ah
par
vos
genoux
que
j’embrasse…
ô
mon
voile
ô
mon
voile
blanc
ne
fuyez
pas
mes
mains
qui
saignent
mes
frères
soutenez
mes
pas
car
sur
mes
regards
qui
s’éteignent
s’étend
un
voile
de
trépas
le
quatrième
frère
c’en
est
un
que
du
moins
tu
ne
lèveras
pas
1er
septembre
1828
xii
la
sultane
favorite
perfide
comme
l’onde
shakespeare
n’ai
je
pas
pour
toi
belle
juive
assez
dépeuplé
mon
sérail
souffre
qu’enfin
le
reste
vive
faut
il
qu’un
coup
de
hache
suive
chaque
coup
de
ton
éventail
repose
toi
jeune
maîtresse
fais
grâce
au
troupeau
qui
me
suit
je
te
fais
sultane
et
princesse
laisse
en
paix
tes
compagnes
cesse
d’implorer
leur
mort
chaque
nuit
quand
à
ce
penser
tu
t’arrêtes
tu
viens
plus
tendre
à
mes
genoux
toujours
je
comprends
dans
les
fêtes
que
tu
vas
demander
des
têtes
quand
ton
regard
devient
plus
doux
ah
jalouse
entre
les
jalouses
si
belle
avec
ce
cœur
d’acier
pardonne
à
mes
autres
épouses
voit
on
que
les
fleurs
des
pelouses
meurent
à
l’ombre
du
rosier
ne
suis
je
pas
à
toi
qu’importe
quand
sur
toi
mes
bras
sont
fermés
que
cent
femmes
qu’un
feu
transporte
consument
en
vain
à
ma
porte
leur
souffle
en
soupirs
enflammés
dans
leur
solitude
profonde
laisse
les
t’envier
toujours
vois
les
passer
comme
fuit
l’onde
laisse
les
vivre
à
toi
le
monde
à
toi
mon
trône
à
toi
mes
jours
à
toi
tout
mon
peuple
—
qui
tremble
à
toi
stamboul
qui
sur
ce
bord
dressant
mille
flèches
ensemble
se
berce
dans
la
mer
et
semble
une
flotte
à
l’ancre
qui
dort
à
toi
jamais
à
tes
rivales
mes
spahis
aux
rouges
turbans
qui
se
suivant
sans
intervalles
volent
courbés
sur
leurs
cavales
comme
des
rameurs
sur
leurs
bancs
à
toi
bassora
trébizonde
chypre
où
de
vieux
noms
sont
gravés
fez
où
la
poudre
d’or
abonde
mosul
où
trafique
le
monde
erzeroum
aux
chemins
pavés
à
toi
smyrne
et
ses
maisons
neuves
où
vient
blanchir
le
flot
amer
le
gange
redouté
des
veuves
le
danube
qui
par
cinq
fleuves
tombe
échevelé
dans
la
mer
dis
crains
tu
les
filles
de
grèce
les
lys
pâles
de
damanhour
ou
l’œil
ardent
de
la
négresse
qui
comme
une
jeune
tigresse
bondit
rugissante
d’amour
que
m’importe
juive
adorée
un
sein
d’ébène
un
front
vermeil
tu
n’es
point
blanche
ni
cuivrée
mais
il
semble
qu’on
t’a
dorée
avec
un
rayon
du
soleil
n’appelle
donc
plus
la
tempête
princesse
sur
ces
humbles
fleurs
jouis
en
paix
de
ta
conquête
et
n’exige
pas
qu’une
tête
tombe
avec
chacun
de
tes
pleurs
ne
songe
plus
qu’aux
frais
platanes
au
bain
mêlé
d’ambre
et
de
nard
au
golfe
où
glissent
les
tartanes…
il
faut
au
sultan
des
sultanes
il
faut
des
perles
au
poignard
22
octobre
1828
xiii
le
derviche
ὅταν
ἦναι
πεπρωμένος
εἰς
τὸν
οὐρανὸν
γραμμένος
τοῦ
ἀνθρώπου
ὁ
χαμός
ὅ
τι
κάμῃ
ἀποθνήσκει
τὸν
κρημνὸν
παντοῦ
εὑρίσκει
καὶ
ὁ
θάνατος
αὐτός
στὸ
κρεϐϐάτι
τοῦτον
φθάνει
ὡσὰν
βδέλλα
τὸν
βυζάνει
καὶ
τὸν
θάπτει
μοναχός
panago
soutzo
quand
la
perte
d’un
mortel
est
écrite
dans
le
livre
fatal
de
la
destinée
quoi
qu’il
fasse
il
n’échappera
jamais
à
son
funeste
avenir
la
mort
le
poursuit
partout
elle
le
surprend
même
dans
son
lit
suce
de
ses
lèvres
avides
son
sang
et
l’emporte
sur
ses
épaules
un
jour
ali
passait
les
têtes
les
plus
hautes
se
courbaient
au
niveau
des
pieds
de
ses
arnautes
tout
le
peuple
disait
allah
un
derviche
soudain
cassé
par
l’âge
aride
fendit
la
foule
prit
son
cheval
par
la
bride
et
voici
comme
il
lui
parla
ali
tépéléni
lumière
des
lumières
qui
sièges
au
divan
sur
les
marches
premières
dont
le
grand
nom
toujours
grandit
écoute
moi
vizir
de
ces
guerriers
sans
nombre
ombre
du
padischah
qui
de
dieu
même
est
l’ombre
tu
n’es
qu’un
chien
et
qu’un
maudit
un
flambeau
du
sépulcre
à
ton
insu
t’éclaire
comme
un
vase
trop
plein
tu
répands
ta
colère
sur
tout
un
peuple
frémissant
tu
brilles
sur
leurs
fronts
comme
une
faulx
dans
l’herbe
et
tu
fais
un
ciment
à
ton
palais
superbe
de
leur
os
broyés
dans
leur
sang
mais
ton
jour
vient
il
faut
dans
janina
qui
tombe
que
sous
tes
pas
enfin
croule
et
s’ouvre
la
tombe
dieu
te
garde
un
carcan
de
fer
sous
l’arbre
du
segjin
chargé
d’âmes
impies
qui
sur
ses
rameaux
noirs
frissonnent
accroupies
dans
la
nuit
du
septième
enfer
ton
âme
fuira
nue
au
livre
de
tes
crimes
un
démon
te
lira
les
noms
de
tes
victimes
tu
les
verras
autour
de
toi
ces
spectres
teints
du
sang
qui
n’est
plus
dans
leurs
veines
se
presser
plus
nombreux
que
les
paroles
vaines
que
balbutiera
ton
effroi
ceci
t’arrivera
sans
que
ta
forteresse
ou
ta
flotte
te
puisse
aider
dans
ta
détresse
de
sa
rame
ou
de
son
canon
quand
même
ali
pacha
comme
le
juif
immonde
pour
tromper
l’ange
noir
qui
l’attend
hors
du
monde
en
mourant
changerait
de
nom
ali
sous
sa
pelisse
avait
un
cimeterre
un
tromblon
tout
chargé
s’ouvrant
comme
un
cratère
trois
longs
pistolets
un
poignard
il
écouta
le
prêtre
et
lui
laissa
tout
dire
pencha
son
front
rêveur
puis
avec
un
sourire
donna
sa
pelisse
au
vieillard
8
novembre
1828
xiv
le
château
fort
ἔῤῥωσο
à
quoi
pensent
ces
flots
qui
baisent
sans
murmure
les
flancs
de
ce
rocher
luisant
comme
une
armure
quoi
donc
n’ont
ils
pas
vu
dans
leur
propre
miroir
que
ce
roc
dont
le
pied
déchire
leurs
entrailles
a
sur
sa
tête
un
fort
ceint
de
blanches
murailles
roulé
comme
un
turban
autour
de
son
front
noir
que
font
ils
à
qui
donc
gardent
ils
leur
colère
allons
acharne
toi
sur
ce
cap
séculaire
ô
mer
trêve
un
moment
aux
pauvres
matelots
ronge
ronge
ce
roc
qu’il
chancelle
qu’il
penche
et
tombe
enfin
avec
sa
forteresse
blanche
la
tête
la
première
enfoncé
dans
les
flots
dis
combien
te
faut
il
de
temps
ô
mer
fidèle
pour
jeter
bas
ce
roc
avec
sa
citadelle
un
jour
un
an
un
siècle
…
au
nid
du
criminel
précipite
toujours
ton
eau
jaune
de
sable
que
t’importe
le
temps
ô
mer
intarissable
un
siècle
est
comme
un
flot
dans
ton
gouffre
éternel
engloutis
cet
écueil
que
ta
vague
l’efface
et
sur
son
front
perdu
toujours
passe
et
repasse
que
l’algue
aux
verts
cheveux
dégrade
ses
contours
que
sur
son
flanc
couché
dans
ton
lit
sombre
il
dorme
qu’on
n’y
distingue
plus
sa
forteresse
informe
que
chaque
flot
emporte
une
pierre
à
ses
tours
afin
que
rien
n’en
reste
au
monde
et
qu’on
respire
de
ne
plus
voir
la
tour
d’ali
pacha
d’épire
et
qu’un
jour
côtoyant
les
bords
qu’ali
souilla
si
le
marin
de
cos
dans
la
mer
ténébreuse
voit
un
grand
tourbillon
dont
le
centre
se
creuse
aux
passagers
muets
il
dise
c’était
là
26
novembre
1828
xv
marche
turque
là
—
allah
—
ellàllah
koran
il
n’y
a
d’autre
dieu
que
dieu
ma
dague
d’un
sang
noir
à
mon
côté
ruisselle
et
ma
hache
est
pendue
à
l’arçon
de
ma
selle
j’aime
le
vrai
soldat
effroi
de
bélial
son
turban
évasé
rend
son
front
plus
sévère
il
baise
avec
respect
la
barbe
de
son
père
il
voue
à
son
vieux
sabre
un
amour
filial
et
porte
un
doliman
percé
dans
les
mêlées
de
plus
de
coups
que
n’a
de
taches
étoilées
la
peau
du
tigre
impérial
ma
dague
d’un
sang
noir
à
mon
côté
ruisselle
et
ma
hache
est
pendue
à
l’arçon
de
ma
selle
un
bouclier
de
cuivre
à
son
bras
sonne
et
luit
rouge
comme
la
lune
au
milieu
d’une
brume
son
cheval
hennissant
mâche
un
frein
blanc
d’écume
un
long
sillon
de
poudre
en
sa
course
le
suit
quand
il
passe
au
galop
sur
le
pavé
sonore
on
fait
silence
on
dit
c’est
un
cavalier
maure
et
chacun
se
retourne
au
bruit
ma
dague
d’un
sang
noir
à
mon
côté
ruisselle
et
ma
hache
est
pendue
à
l’arçon
de
ma
selle
quand
dix
mille
giaours
viennent
au
son
du
cor
il
leur
répond
il
vole
et
d’un
souffle
farouche
fait
jaillir
la
terreur
du
clairon
qu’il
embouche
tue
et
parmi
les
morts
sent
croître
son
essor
rafraîchit
dans
leur
sang
son
caftan
écarlate
et
pousse
son
coursier
qui
se
lasse
et
le
flatte
pour
en
égorger
plus
encor
ma
dague
d’un
sang
noir
à
mon
côté
ruisselle
et
ma
hache
est
pendue
à
l’arçon
de
ma
selle
j’aime
s’il
est
vainqueur
quand
s’est
tû
le
tambour
qu’il
ait
sa
belle
esclave
aux
paupières
arquées
et
laissant
les
imans
qui
prêchent
aux
mosquées
boire
du
vin
la
nuit
qu’il
en
boive
au
grand
jour
j’aime
après
le
combat
que
sa
voix
enjouée
rie
et
des
cris
de
guerre
encor
tout
enrouée
chante
les
houris
et
l’amour
ma
dague
d’un
sang
noir
à
mon
côté
ruisselle
et
ma
hache
est
pendue
à
l’arçon
de
ma
selle
qu’il
soit
grave
et
rapide
à
venger
un
affront
qu’il
aime
mieux
savoir
le
jeu
du
cimeterre
que
tout
ce
qu’à
vieillir
on
apprend
sur
la
terre
qu’il
ignore
quel
jour
les
soleils
s’éteindront
quand
rouleront
les
mers
sur
les
sables
arides
mais
qu’il
soit
brave
et
jeune
et
préfère
à
des
rides
des
cicatrices
sur
son
front
ma
dague
d’un
sang
noir
à
mon
côté
ruisselle
et
ma
hache
est
pendue
à
l’arçon
de
ma
selle
tel
est
comparadgis
spahis
timariots
le
vrai
guerrier
croyant
mais
celui
qui
se
vante
et
qui
tremble
au
moment
de
semer
l’épouvante
qui
le
dernier
arrive
aux
camps
impériaux
qui
lorsque
d’une
ville
on
a
forcé
la
porte
ne
fait
pas
sous
le
poids
du
butin
qu’il
rapporte
plier
l’essieu
des
chariots
ma
dague
d’un
sang
noir
à
mon
côté
ruisselle
et
ma
hache
est
pendue
à
l’arçon
de
ma
selle
celui
qui
d’une
femme
aime
les
entretiens
celui
qui
ne
sait
pas
dire
dans
une
orgie
quelle
est
d’un
beau
cheval
la
généalogie
qui
cherche
ailleurs
qu’en
soi
force
amis
et
soutiens
sur
de
soyeux
divans
se
couche
avec
mollesse
craint
le
soleil
sait
lire
et
par
scrupule
laisse
tout
le
vin
de
chypre
aux
chrétiens
ma
dague
d’un
sang
noir
à
mon
côté
ruisselle
et
ma
hache
est
pendue
à
l’arçon
de
ma
selle
celui
là
c’est
un
lâche
et
non
pas
un
guerrier
ce
n’est
pas
lui
qu’on
voit
dans
la
bataille
ardente
pousser
un
fier
cheval
à
la
housse
pendante
le
sabre
en
main
debout
sur
le
large
étrier
il
n’est
bon
qu’à
presser
des
talons
une
mule
en
murmurant
tout
bas
quelque
vaine
formule
comme
un
prêtre
qui
va
prier
ma
dague
d’un
sang
noir
à
mon
côté
ruisselle
et
ma
hache
est
pendue
à
l’arçon
de
ma
selle
1
2
mai
1828
xvi
la
bataille
perdue
sur
la
plus
haute
colline
il
monte
et
sa
javeline
soutenant
ses
membres
lourds
il
voit
son
armée
en
fuite
et
de
sa
tente
détruite
pendre
en
lambeaux
le
velours
em
deschamps
rodrigue
pendant
la
bataille
allah
qui
me
rendra
ma
formidable
armée
émirs
cavalerie
au
carnage
animée
et
ma
tente
et
mon
camp
éblouissant
à
voir
qui
la
nuit
allumait
tant
de
feux
qu’à
leur
nombre
on
eût
dit
que
le
ciel
sur
la
colline
sombre
laissait
ses
étoiles
pleuvoir
qui
me
rendra
mes
beys
aux
flottantes
pelisses
mes
fiers
timariots
turbulentes
milices
mes
khans
bariolés
mes
rapides
spahis
et
mes
bédouins
hâlés
venus
des
pyramides
qui
riaient
d’effrayer
les
laboureurs
timides
et
poussaient
leurs
chevaux
par
les
champs
de
maïs
tous
ces
chevaux
à
l’œil
de
flamme
aux
jambes
grêles
qui
volaient
dans
les
blés
comme
des
sauterelles
quoi
je
ne
verrai
plus
franchissant
les
sillons
leurs
troupes
par
la
mort
en
vain
diminuées
sur
les
carrés
pesants
s’abattant
par
nuées
couvrir
d’éclairs
les
bataillons
ils
sont
morts
dans
le
sang
traînent
leurs
belles
housses
le
sang
souille
et
noircit
leur
croupe
aux
taches
rousses
l’éperon
s’userait
sur
leur
flanc
arrondi
avant
de
réveiller
leurs
pas
jadis
rapides
et
près
d’eux
sont
couchés
leurs
maîtres
intrépides
qui
dormaient
à
leur
ombre
aux
haltes
de
midi
allah
qui
me
rendra
ma
redoutable
armée
la
voilà
par
les
champs
tout
entière
semée
comme
l’or
d’un
prodigue
épars
sur
le
pavé
quoi
chevaux
cavaliers
arabes
et
tartares
leurs
turbans
leur
galop
leurs
drapeaux
leurs
fanfares
c’est
comme
si
j’avais
rêvé
ô
mes
vaillants
soldats
et
leurs
coursiers
fidèles
leurs
voix
n’a
plus
de
bruit
et
leurs
pieds
n’ont
plus
d’ailes
ils
ont
oublié
tout
et
le
sabre
et
le
mors
de
leurs
corps
entassés
cette
vallée
est
pleine
voilà
pour
bien
longtemps
une
sinistre
plaine
ce
soir
l’odeur
du
sang
demain
l’odeur
des
morts
quoi
c’était
une
armée
et
ce
n’est
plus
qu’une
ombre
ils
se
sont
bien
battus
de
l’aube
à
la
nuit
sombre
dans
le
cercle
fatal
ardents
à
se
presser
les
noirs
linceuls
des
nuits
sur
l’horizon
se
posent
les
braves
ont
fini
maintenant
ils
reposent
et
les
corbeaux
vont
commencer
déjà
passant
leur
bec
entre
leurs
plumes
noires
du
fond
des
bois
du
haut
des
chauves
promontoires
ils
accourent
des
morts
ils
rongent
les
lambeaux
et
cette
armée
hier
formidable
et
suprême
cette
puissante
armée
hélas
ne
peut
plus
même
effaroucher
un
aigle
et
chasser
des
corbeaux
oh
si
j’avais
encor
cette
armée
immortelle
je
voudrais
conquérir
des
mondes
avec
elle
je
la
ferais
régner
sur
les
rois
ennemis
elle
serait
ma
sœur
ma
dame
et
mon
épouse
mais
que
fera
la
mort
inféconde
et
jalouse
de
tant
de
braves
endormis
que
n’ai
je
été
frappé
que
n’a
sur
la
poussière
roulé
mon
vert
turban
avec
ma
tête
altière
hier
j’étais
puissant
hier
trois
officiers
immobiles
et
fiers
sur
leur
selle
tigrée
portaient
devant
le
seuil
de
ma
tente
dorée
trois
panaches
ravis
aux
croupes
des
coursiers
hier
j’avais
cent
tambours
tonnant
à
mon
passage
j’avais
quarante
agas
contemplant
mon
visage
et
d’un
sourcil
froncé
tremblant
dans
leurs
palais
au
lieu
des
lourds
pierriers
qui
dorment
sur
les
proues
j’avais
de
beaux
canons
roulant
sur
quatre
roues
avec
leurs
canonniers
anglais
hier
j’avais
des
châteaux
j’avais
de
belles
villes
des
grecques
par
milliers
à
vendre
aux
juifs
serviles
j’avais
de
grands
harems
et
de
grands
arsenaux
aujourd’hui
dépouillé
vaincu
proscrit
funeste
je
fuis…
de
mon
empire
hélas
rien
ne
me
reste
allah
je
n’ai
plus
même
une
tour
à
créneaux
il
faut
fuir
moi
pacha
moi
vizir
à
trois
queues
franchir
l’horizon
vaste
et
les
collines
bleues
furtif
baissant
les
yeux
presque
tendant
la
main
comme
un
voleur
qui
fuit
troublé
dans
les
ténèbres
et
croit
voir
des
gibets
dressant
leurs
bras
funèbres
dans
tous
les
arbres
du
chemin
ainsi
parlait
reschid
le
soir
de
sa
défaite
nous
eûmes
mille
grecs
tués
à
cette
fête
mais
le
vizir
fuyait
seul
ces
champs
meurtriers
rêveur
il
essuyait
son
rouge
cimeterre
deux
chevaux
près
de
lui
du
pied
battaient
la
terre
et
vides
sur
leurs
flancs
sonnaient
les
étriers
7
8
mai
1828
xvii
le
ravin
…alte
fosse
che
vallan
quella
terra
sconsolata
dante
un
ravin
de
ces
monts
coupe
la
noire
crête
comme
si
voyageant
du
caucase
au
cédar
quelqu’un
de
ces
titans
que
nul
rempart
n’arrête
avait
fait
passer
sur
leur
tête
la
roue
immense
de
son
char
hélas
combien
de
fois
dans
nos
temps
de
discorde
des
flots
de
sang
chrétien
et
de
sang
mécréant
baignant
le
cimeterre
et
la
miséricorde
ont
changé
tout
à
coup
en
torrent
qui
déborde
cette
ornière
d’un
char
géant
avril
1828
xviii
l’enfant
o
horror
horror
horror
shakespeare
macbeth
les
turcs
ont
passé
là
tout
est
ruine
et
deuil
chio
l’île
des
vins
n’est
plus
qu’un
sombre
écueil
chio
qu’ombrageaient
les
charmilles
chio
qui
dans
les
flots
reflétait
ses
grands
bois
ses
coteaux
ses
palais
et
le
soir
quelquefois
un
chœur
dansant
de
jeunes
filles
tout
est
désert
mais
non
seul
près
des
murs
noircis
un
enfant
aux
yeux
bleus
un
enfant
grec
assis
courbait
sa
tête
humiliée
il
avait
pour
asile
il
avait
pour
appui
une
blanche
aubépine
une
fleur
comme
lui
dans
le
grand
ravage
oubliée
ah
pauvre
enfant
pieds
nus
sur
les
rocs
anguleux
hélas
pour
essuyer
les
pleurs
de
tes
yeux
bleus
comme
le
ciel
et
comme
l’onde
pour
que
dans
leur
azur
de
larmes
orageux
passe
le
vif
éclair
de
la
joie
et
des
jeux
pour
relever
ta
tête
blonde
que
veux
tu
bel
enfant
que
te
faut
il
donner
pour
rattacher
gaîment
et
gaîment
ramener
en
boucles
sur
ta
blanche
épaule
ces
cheveux
qui
du
fer
n’ont
pas
subi
l’affront
et
qui
pleurent
épars
autour
de
ton
beau
front
comme
les
feuilles
sur
le
saule
qui
pourrait
dissiper
tes
chagrins
nébuleux
est
ce
d’avoir
ce
lys
bleu
comme
tes
yeux
bleus
qui
d’iran
borde
le
puits
sombre
ou
le
fruit
du
tuba
de
cet
arbre
si
grand
qu’un
cheval
au
galop
met
toujours
en
courant
cent
ans
à
sortir
de
son
ombre
veux
tu
pour
me
sourire
un
bel
oiseau
des
bois
qui
chante
avec
un
chant
plus
doux
que
le
hautbois
plus
éclatant
que
les
cymbales
que
veux
tu
fleur
beau
fruit
ou
l’oiseau
merveilleux
—
ami
dit
l’enfant
grec
dit
l’enfant
aux
yeux
bleus
je
veux
de
la
poudre
et
des
balles
8
10
juin
1828
xix
sara
la
baigneuse
le
soleil
et
les
vents
dans
ces
bocages
sombres
des
feuilles
sur
son
front
faisaient
flotter
les
ombres
alfred
de
vigny
sara
belle
d’indolence
se
balance
dans
un
hamac
au
dessus
du
bassin
d’une
fontaine
toute
pleine
d’eau
puisée
à
l’ilyssus
et
la
frêle
escarpolette
se
reflète
dans
le
transparent
miroir
avec
la
baigneuse
blanche
qui
se
penche
qui
se
penche
pour
se
voir
chaque
fois
que
la
nacelle
qui
chancelle
passe
à
fleur
d’eau
dans
son
vol
on
voit
sur
l’eau
qui
s’agite
sortir
vite
son
beau
pied
et
son
beau
col
elle
bat
d’un
pied
timide
l’onde
humide
où
tremble
un
mouvant
tableau
fait
rougir
son
pied
d’albâtre
et
folâtre
rit
de
la
fraîcheur
de
l’eau
reste
ici
caché
demeure
dans
une
heure
d’un
œil
ardent
tu
verras
sortir
du
bain
l’ingénue
toute
nue
croisant
ses
mains
sur
ses
bras
car
c’est
un
astre
qui
brille
qu’une
fille
qui
sort
d’un
bain
au
flot
clair
cherche
s’il
ne
vient
personne
et
frissonne
toute
mouillée
au
grand
air
elle
est
là
sous
la
feuillée
éveillée
au
moindre
bruit
de
malheur
et
rouge
pour
une
mouche
qui
la
touche
comme
une
grenade
en
fleur
on
voit
tout
ce
que
dérobe
voile
ou
robe
dans
ses
yeux
d’azur
en
feu
son
regard
que
rien
ne
voile
est
l’étoile
qui
brille
au
fond
d’un
ciel
bleu
l’eau
sur
son
corps
qu’elle
essuie
roule
en
pluie
comme
sur
un
peuplier
comme
si
gouttes
à
gouttes
tombaient
toutes
les
perles
de
son
collier
mais
sara
la
nonchalante
est
bien
lente
à
finir
ses
doux
ébats
toujours
elle
se
balance
en
silence
et
va
murmurant
tout
bas
oh
si
j’étais
capitane
ou
sultane
je
prendrais
des
bains
ambrés
dans
un
bain
de
marbre
jaune
près
d’un
trône
entre
deux
griffons
dorés
j’aurais
le
hamac
de
soie
qui
se
ploie
sous
le
corps
prêt
à
pâmer
j’aurais
la
molle
ottomane
dont
émane
un
parfum
qui
fait
aimer
je
pourrais
folâtrer
nue
sous
la
nue
dans
le
ruisseau
du
jardin
sans
craindre
de
voir
dans
l’ombre
du
bois
sombre
deux
yeux
s’allumer
soudain
il
faudrait
risquer
sa
tête
inquiète
et
tout
braver
pour
me
voir
le
sabre
nu
de
l’heiduque
et
l’eunuque
aux
dents
blanches
au
front
noir
puis
je
pourrais
sans
qu’on
presse
ma
paresse
laisser
avec
mes
habits
traîner
sur
les
larges
dalles
mes
sandales
de
drap
brodé
de
rubis
ainsi
se
parle
en
princesse
et
sans
cesse
se
balance
avec
amour
la
jeune
fille
rieuse
oublieuse
des
promptes
ailes
du
jour
l’eau
du
pied
de
la
baigneuse
peu
soigneuse
rejaillit
sur
le
gazon
sur
sa
chemise
plissée
balancée
aux
branches
d’un
vert
buisson
et
cependant
des
campagnes
ses
compagnes
prennent
toutes
le
chemin
voici
leur
troupe
frivole
qui
s’envole
en
se
tenant
par
la
main
chacune
en
chantant
comme
elle
passe
et
mêle
ce
reproche
à
sa
chanson
—
oh
la
paresseuse
fille
qui
s’habille
si
tard
un
jour
de
moisson
juillet
1828
xx
attente
esperaba
desperada
monte
écureuil
monte
au
grand
chêne
sur
la
branche
des
cieux
prochaine
qui
plie
et
tremble
comme
un
jonc
cigogne
aux
vieilles
tours
fidèle
oh
vole
et
monte
à
tire
d’aile
de
l’église
à
la
citadelle
du
haut
clocher
au
grand
donjon
vieux
aigle
monte
de
ton
aire
à
la
montagne
centenaire
que
blanchit
l’hiver
éternel
et
toi
qu’en
ta
couche
inquiète
jamais
l’aube
ne
vit
muette
monte
monte
vive
alouette
vive
alouette
monte
au
ciel
et
maintenant
du
haut
de
l’arbre
des
flèches
de
la
tour
de
marbre
du
grand
mont
du
ciel
enflammé
à
l’horizon
parmi
la
brume
voyez
vous
flotter
une
plume
et
courir
un
cheval
qui
fume
et
revenir
mon
bien
aimé
1er
juin
1828
xxi
lazzara
et
cette
femme
était
fort
belle
rois
chap
xi
v
2
comme
elle
court
voyez
—
par
les
poudreux
sentiers
par
les
gazons
tout
pleins
de
touffes
d’églantiers
par
les
blés
où
le
pavot
brille
par
les
chemins
perdus
par
les
chemins
frayés
par
les
monts
par
les
bois
par
les
plaines
voyez
comme
elle
court
la
jeune
fille
elle
est
grande
elle
est
svelte
et
quand
d’un
pas
joyeux
sa
corbeille
de
fleurs
sur
la
tête
à
nos
yeux
elle
apparaît
vive
et
folâtre
à
voir
sur
son
beau
front
s’arrondir
ses
bras
blancs
on
croirait
voir
de
loin
dans
nos
temples
croulants
une
amphore
aux
anses
d’albâtre
elle
est
jeune
et
rieuse
et
chante
sa
chanson
et
pieds
nus
près
du
lac
de
buisson
en
buisson
poursuit
les
vertes
demoiselles
elle
lève
sa
robe
et
passe
les
ruisseaux
elle
va
court
s’arrête
et
vole
et
les
oiseaux
pour
ses
pieds
donneraient
leurs
ailes
quand
le
soir
pour
la
danse
on
va
se
réunir
à
l’heure
où
l’on
entend
lentement
revenir
les
grelots
du
troupeau
qui
bêle
sans
chercher
quels
atours
à
ses
traits
conviendront
elle
arrive
et
la
fleur
qu’elle
attache
à
son
front
nous
semble
toujours
la
plus
belle
certes
le
vieux
omer
pacha
de
négrepont
pour
elle
eût
tout
donné
vaisseaux
à
triple
pont
foudroyantes
artilleries
harnois
de
ses
chevaux
toisons
de
ses
brebis
et
son
rouge
turban
de
soie
et
ses
habits
tout
ruisselants
de
pierreries
et
ses
lourds
pistolets
ses
tromblons
évasés
et
leurs
pommeaux
d’argent
par
sa
main
rude
usés
et
ses
sonores
espingoles
et
son
courbe
damas
et
don
plus
riche
encor
la
grande
peau
de
tigre
où
pend
son
carquois
d’or
hérissé
de
flèches
mogoles
il
eût
donné
sa
housse
et
son
large
étrier
donné
tous
ses
trésors
avec
le
trésorier
donné
ses
trois
cents
concubines
donné
ses
chiens
de
chasse
aux
colliers
de
vermeil
donné
ses
albanais
brûlés
par
le
soleil
avec
leurs
longues
carabines
il
eût
donné
les
francs
les
juifs
et
leur
rabbin
son
kiosque
rouge
et
vert
et
ses
salles
de
bain
aux
grands
pavés
de
mosaïque
sa
haute
citadelle
aux
créneaux
anguleux
et
sa
maison
d’été
qui
se
mire
aux
flots
bleus
d’un
golfe
de
cyrénaïque
tout
jusqu’au
cheval
blanc
qu’il
élève
au
sérail
dont
la
sueur
à
flots
argente
le
poitrail
jusqu’au
frein
que
l’or
damasquine
jusqu’à
cette
espagnole
envoi
du
dey
d’alger
qui
soulève
en
dansant
son
fandango
léger
les
plis
brodés
de
sa
basquine
ce
n’est
point
un
pacha
c’est
un
klephte
à
l’œil
noir
qui
l’a
prise
et
qui
n’a
rien
donné
pour
l’avoir
car
la
pauvreté
l’accompagne
un
klephte
a
pour
tous
biens
l’air
du
ciel
l’eau
des
puits
un
bon
fusil
bronzé
par
la
fumée
et
puis
la
liberté
sur
la
montagne
14
mai
1828
xxii
vœu
ainsi
qu’on
choisit
une
rose
dans
les
guirlandes
de
sarons
choisissez
une
vierge
éclose
dans
les
lis
de
vos
vallons
lamartine
si
j’étais
la
feuille
que
roule
l’aile
tournoyante
du
vent
qui
flotte
sur
l’eau
qui
s’écoule
et
qu’on
suit
de
l’œil
en
rêvant
je
me
livrerais
verte
encore
de
la
branche
me
détachant
au
zéphyr
qui
souffle
à
l’aurore
au
ruisseau
qui
vient
du
couchant
plus
loin
que
le
fleuve
qui
gronde
plus
loin
que
les
vastes
forêts
plus
loin
que
la
gorge
profonde
je
fuirais
je
courrais
j’irais
plus
loin
que
l’antre
de
la
louve
plus
loin
que
le
bois
des
ramiers
plus
loin
que
la
plaine
où
l’on
trouve
une
fontaine
et
trois
palmiers
par
delà
ces
rocs
qui
répandent
l’orage
en
torrent
dans
les
blés
par
delà
ce
lac
morne
où
pendent
tant
de
buissons
échevelés
plus
loin
que
les
terres
arides
du
chef
maure
au
large
ataghan
dont
le
front
pâle
a
plus
de
rides
que
la
mer
un
jour
d’ouragan
je
franchirais
comme
la
flèche
l’étang
d’arta
mouvant
miroir
et
le
mont
dont
la
cime
empêche
corinthe
et
mykos
de
se
voir
comme
par
un
charme
attirée
je
m’arrêterais
au
matin
sur
mykos
la
ville
carrée
la
ville
aux
coupoles
d’étain
j’irais
chez
la
fille
du
prêtre
chez
la
blanche
fille
à
l’œil
noir
qui
le
jour
chante
à
sa
fenêtre
et
joue
à
sa
porte
le
soir
enfin
pauvre
feuille
envolée
je
viendrais
au
gré
de
mes
vœux
me
poser
sur
son
front
mêlée
aux
boucles
de
ses
blonds
cheveux
comme
une
perruche
au
pied
leste
dans
le
blé
jaune
ou
bien
encor
comme
dans
un
jardin
céleste
un
fruit
vert
sur
un
arbre
d’or
et
là
sur
sa
tête
qui
penche
je
serais
fût
ce
peu
d’instants
plus
fière
que
l’aigrette
blanche
au
front
étoilé
des
sultans
12
21
septembre
1828
xxiii
la
ville
prise
feu
feu
sang
sang
et
ruine
corte
real
le
siège
de
din
la
flamme
par
ton
ordre
ô
roi
luit
et
dévore
de
ton
peuple
en
grondant
elle
étouffe
les
cris
et
rougissant
les
toits
comme
une
sombre
aurore
semble
en
son
vol
joyeux
danser
sur
leurs
débris
le
meurtre
aux
mille
bras
comme
un
géant
se
lève
les
palais
embrasés
se
changent
en
tombeaux
pères
femmes
époux
tout
tombe
sous
le
glaive
autour
de
la
cité
s’appellent
les
corbeaux
les
mères
ont
frémi
les
vierges
palpitantes
ô
calife
ont
pleuré
leurs
jeunes
ans
flétris
et
les
coursiers
fougueux
ont
traîné
hors
des
tentes
leurs
corps
vivants
de
coups
et
de
baisers
meurtris
vois
d’un
vaste
linceul
la
ville
enveloppée
vois
quand
ton
bras
puissant
passe
il
fait
tout
plier
les
prêtres
qui
priaient
ont
péri
par
l’épée
jetant
leur
livre
saint
comme
un
vain
bouclier
les
tout
petits
enfants
écrasés
sous
les
dalles
ont
vécu
de
leur
sang
le
fer
s’abreuve
encor…
—
ton
peuple
baise
ô
roi
la
poudre
des
sandales
qu’à
ton
pied
glorieux
attache
un
cercle
d’or
le
30
avril
1825
blois
xxiv
adieux
de
l’hôtesse
arabe
10
habitez
avec
nous
la
terre
est
en
votre
puissance
cultivez
la
trafiquez
y
et
la
possédez
genèse
chap
xxiv
puisque
rien
ne
t’arrête
en
cet
heureux
pays
ni
l’ombre
du
palmier
ni
le
jaune
maïs
ni
le
repos
ni
l’abondance
ni
de
voir
à
ta
voix
battre
le
jeune
sein
de
nos
sœurs
dont
les
soirs
le
tournoyant
essaim
couronne
un
coteau
de
sa
danse
adieu
voyageur
blanc
j’ai
sellé
de
ma
main
de
peur
qu’il
ne
te
jette
aux
pierres
du
chemin
ton
cheval
à
l’œil
intrépide
ses
pieds
fouillent
le
sol
sa
croupe
est
belle
à
voir
ferme
ronde
et
luisante
ainsi
qu’un
rocher
noir
que
polit
une
onde
rapide
tu
marches
donc
sans
cesse
oh
que
n’es
tu
de
ceux
qui
donnent
pour
limite
à
leurs
pieds
paresseux
leur
toit
de
branches
ou
de
toiles
qui
rêveurs
sans
en
faire
écoutent
les
récits
et
souhaitent
le
soir
devant
leur
porte
assis
de
s’en
aller
dans
les
étoiles
si
tu
l’avais
voulu
peut
être
une
de
nous
ô
jeune
homme
eût
aimé
te
servir
à
genoux
dans
nos
huttes
toujours
ouvertes
elle
eût
fait
en
berçant
ton
sommeil
de
ses
chants
pour
chasser
de
ton
front
les
moucherons
méchants
un
éventail
de
feuilles
vertes
mais
tu
pars
—
nuit
et
jour
tu
vas
seul
et
jaloux
le
fer
de
ton
cheval
arrache
aux
durs
cailloux
une
poussière
d’étincelles
à
ta
lance
qui
passe
et
dans
l’ombre
reluit
les
aveugles
démons
qui
volent
dans
la
nuit
souvent
ont
déchiré
leurs
ailes
si
tu
reviens
gravis
pour
trouver
ce
hameau
ce
mont
noir
qui
de
loin
semble
un
dos
de
chameau
pour
trouver
ma
hutte
fidèle
songe
à
son
toit
aigu
comme
une
ruche
à
miel
qu’elle
n’a
qu’une
porte
et
qu’elle
s’ouvre
au
ciel
du
côté
d’où
vient
l’hirondelle
si
tu
ne
reviens
pas
songe
un
peu
quelquefois
aux
filles
du
désert
sœurs
à
la
douce
voix
qui
dansent
pieds
nus
sur
la
dune
ô
beau
jeune
homme
blanc
bel
oiseau
passager
souviens
toi
car
peut
être
ô
rapide
étranger
ton
souvenir
reste
à
plus
d’une
adieu
donc
—
va
tout
droit
garde
toi
du
soleil
qui
dore
nos
fronts
bruns
mais
brûle
un
teint
vermeil
de
l’arabie
infranchissable
de
la
vieille
qui
va
seule
et
d’un
pas
tremblant
et
de
ceux
qui
le
soir
avec
un
bâton
blanc
tracent
des
cercles
sur
le
sable
24
novembre
1828
xxv
malédiction
ed
altro
disse
ma
non
l’ho
a
mente
dante
et
d’autres
choses
encore
mais
je
ne
les
ai
plus
dans
l’esprit
qu’il
erre
sans
repos
courbé
dès
sa
jeunesse
en
des
sables
sans
borne
où
le
soleil
renaisse
sitôt
qu’il
aura
lui
comme
un
noir
meurtrier
qui
fuit
dans
la
nuit
sombre
s’il
marche
que
sans
cesse
il
entende
dans
l’ombre
un
pas
derrière
lui
en
des
glaciers
polis
comme
un
tranchant
de
hache
qu’il
glisse
et
roule
et
tombe
et
tombe
et
se
rattache
de
l’ongle
à
leurs
parois
qu’il
soit
pris
pour
un
autre
et
râlant
sur
la
roue
dise
je
n’ai
rien
fait
et
qu’alors
on
le
cloue
sur
un
gibet
en
croix
qu’il
pende
échevelé
la
bouche
violette
que
visible
à
lui
seul
la
mort
chauve
squelette
rie
en
le
regardant
que
son
cadavre
souffre
et
vive
assez
encore
pour
sentir
quand
la
mort
le
ronge
et
le
dévore
chaque
coup
de
sa
dent
qu’il
ne
soit
plus
vivant
et
ne
soit
pas
une
âme
que
sur
ses
membres
nus
tombe
un
soleil
de
flamme
ou
la
pluie
à
ruisseaux
qu’il
s’éveille
en
sursaut
chaque
nuit
dans
la
brume
et
lutte
et
se
secoue
et
vainement
écume
sous
des
griffes
d’oiseaux
25
août
1828
xxvi
les
tronçons
du
serpent
d’ailleurs
les
sages
ont
dit
il
ne
faut
point
attacher
son
cœur
aux
choses
passagères
sadi
gulistan
je
veille
et
nuit
et
jour
mon
front
rêve
enflammé
ma
joue
en
pleurs
ruisselle
depuis
qu’albaydé
dans
la
tombe
a
fermé
ses
beaux
yeux
de
gazelle
car
elle
avait
quinze
ans
un
sourire
ingénu
et
m’aimait
sans
mélange
et
quand
elle
croisait
ses
bras
sur
son
sein
nu
on
croyait
voir
un
ange
un
jour
pensif
j’errais
au
bord
d’un
golfe
ouvert
entre
deux
promontoires
et
je
vis
sur
le
sable
un
serpent
jaune
et
vert
jaspé
de
taches
noires
la
hache
en
vingt
tronçons
avait
coupé
vivant
son
corps
que
l’onde
arrose
et
l’écume
des
mers
que
lui
jetait
le
vent
sur
son
sang
flottait
rose
tous
ses
anneaux
vermeils
rampaient
en
se
tordant
sur
la
grève
isolée
et
le
sang
empourprait
d’un
rouge
plus
ardent
sa
crête
dentelée
ces
tronçons
déchirés
épars
près
d’épuiser
leurs
forces
languissantes
se
cherchaient
se
cherchaient
comme
pour
un
baiser
deux
bouches
frémissantes
et
comme
je
rêvais
triste
et
suppliant
dieu
dans
ma
pitié
muette
la
tête
aux
mille
dents
rouvrit
son
œil
de
feu
et
me
dit
ô
poëte
ne
plains
que
toi
ton
mal
est
plus
envenimé
ta
plaie
est
plus
cruelle
car
ton
albaydé
dans
la
tombe
a
fermé
ses
beaux
yeux
de
gazelle
ce
coup
de
hache
aussi
brise
ton
jeune
essor
ta
vie
et
tes
pensées
autour
d’un
souvenir
chaste
et
dernier
trésor
se
traînent
dispersées
ton
génie
au
vol
large
éclatant
gracieux
qui
mieux
que
l’hirondelle
tantôt
rasait
la
terre
et
tantôt
dans
les
cieux
donnait
de
grands
coups
d’aile
comme
moi
maintenant
meurt
près
des
flots
troublés
et
ses
forces
s’éteignent
sans
pouvoir
réunir
ses
tronçons
mutilés
qui
rampent
et
qui
saignent
10
novembre
1828
xxvii
nourmahal
la
rousse
no
es
bestia
que
non
fus
hy
trobada
joan
lorenzo
segura
de
astorga
pas
de
bête
fauve
qui
ne
s’y
trouvât
entre
deux
rocs
d’un
noir
d’ébène
voyez
vous
ce
sombre
hallier
qui
se
hérisse
dans
la
plaine
ainsi
qu’une
touffe
de
laine
entre
les
cornes
du
bélier
là
dans
une
ombre
non
frayée
grondent
le
tigre
ensanglanté
la
lionne
mère
effrayée
le
chacal
l’hyène
rayée
et
le
léopard
tacheté
là
des
monstres
de
toute
forme
rampent
—
le
basilic
rêvant
l’hippopotame
au
ventre
énorme
et
le
boa
vaste
et
difforme
qui
semble
un
tronc
d’arbre
vivant
l’orfraie
aux
paupières
vermeilles
le
serpent
le
singe
méchant
sifflent
comme
un
essaim
d’abeilles
l’éléphant
aux
larges
oreilles
casse
les
bambous
en
marchant
là
vit
la
sauvage
famille
qui
glapit
bourdonne
et
mugit
le
bois
entier
hurle
et
fourmille
sous
chaque
buisson
un
œil
brille
dans
chaque
antre
une
voix
rugit
eh
bien
seul
et
nu
sur
la
mousse
dans
ce
bois
là
je
serais
mieux
que
devant
nourmahal
la
rousse
qui
parle
avec
une
voix
douce
et
regarde
avec
de
doux
yeux
25
novembre
1828
xxviii
les
djinns
e
come
i
gru
van
cantando
lor
lai
facendo
in
aer
di
se
lunga
riga
cosi
vid’
io
venir
traendo
guai
ombre
portate
dalla
detta
briga
dante
et
comme
les
grues
qui
font
dans
l’air
de
longues
files
vont
chantant
leur
plainte
ainsi
je
vis
venir
traînant
des
gémissements
les
ombres
emportées
par
cette
tempête
murs
ville
et
port
asile
de
mort
mer
grise
où
brise
la
brise
tout
dort
dans
la
plaine
naît
un
bruit
c’est
l’haleine
de
la
nuit
elle
brame
comme
une
âme
qu’une
flamme
toujours
suit
la
voix
plus
haute
semble
un
grelot
d’un
nain
qui
saute
c’est
le
galop
il
fuit
s’élance
puis
en
cadence
sur
un
pied
danse
au
bout
d’un
flot
la
rumeur
approche
l’écho
la
redit
c’est
comme
la
cloche
d’un
couvent
maudit
comme
un
bruit
de
foule
qui
tonne
et
qui
roule
et
tantôt
s’écroule
et
tantôt
grandit
dieu
la
voix
sépulcrale
des
djinns
…
quel
bruit
ils
font
fuyons
sous
la
spirale
de
l’escalier
profond
déjà
s’éteint
ma
lampe
et
l’ombre
de
la
rampe
qui
le
long
du
mur
rampe
monte
jusqu’au
plafond
c’est
l’essaim
des
djinns
qui
passe
et
tourbillonne
en
sifflant
les
ifs
que
leur
vol
fracasse
craquent
comme
un
pin
brûlant
leur
troupeau
lourd
et
rapide
volant
dans
l’espace
vide
semble
un
nuage
livide
qui
porte
un
éclair
au
flanc
ils
sont
tout
près
—
tenons
fermée
cette
salle
où
nous
les
narguons
quel
bruit
dehors
hideuse
armée
de
vampires
et
de
dragons
la
poutre
du
toit
descellée
ploie
ainsi
qu’une
herbe
mouillée
et
la
vieille
porte
rouillée
tremble
à
déraciner
ses
gonds
cris
de
l’enfer
voix
qui
hurle
et
qui
pleure
l’horrible
essaim
poussé
par
l’aquilon
sans
doute
ô
ciel
s’abat
sur
ma
demeure
le
mur
fléchit
sous
le
noir
bataillon
la
maison
crie
et
chancelle
penchée
et
l’on
dirait
que
du
sol
arrachée
ainsi
qu’il
chasse
une
feuille
séchée
le
vent
la
roule
avec
leur
tourbillon
prophète
si
ta
main
me
sauve
de
ces
impurs
démons
des
soirs
j’irai
prosterner
mon
front
chauve
devant
tes
sacrés
encensoirs
fais
que
sur
ces
portes
fidèles
meure
leur
souffle
d’étincelles
et
qu’en
vain
l’ongle
de
leurs
ailes
grince
et
crie
à
ces
vitraux
noirs
ils
sont
passés
—
leur
cohorte
s’envole
et
fuit
et
leurs
pieds
cessent
de
battre
ma
porte
de
leurs
coups
multipliés
l’air
est
plein
d’un
bruit
de
chaînes
et
dans
les
forêts
prochaines
frissonnent
tous
les
grands
chênes
sous
leur
vol
de
feu
pliés
de
leurs
ailes
lointaines
le
battement
décroît
si
confus
dans
les
plaines
si
faible
que
l’on
croit
ouïr
la
sauterelle
crier
d’une
voix
grêle
ou
pétiller
la
grêle
sur
le
plomb
d’un
vieux
toit
d’étranges
syllabes
nous
viennent
encor
ainsi
des
arabes
quand
sonne
le
cor
un
chant
sur
la
grève
par
instants
s’élève
et
l’enfant
qui
rêve
fait
des
rêves
d’or
les
djinns
funèbres
fils
du
trépas
dans
les
ténèbres
pressent
leurs
pas
leur
essaim
gronde
ainsi
profonde
murmure
une
onde
qu’on
ne
voit
pas
ce
bruit
vague
qui
s’endort
c’est
la
vague
sur
le
bord
c’est
la
plainte
presque
éteinte
d’une
sainte
pour
un
mort
on
doute
la
nuit…
j’écoute
—
tout
fuit
tout
passe
l’espace
efface
le
bruit
28
août
1828
xxix
sultan
achmet
oh
permets
charmante
fille
que
j’enveloppe
mon
cou
avec
tes
bras
hafiz
à
juana
la
grenadine
qui
toujours
chante
et
badine
sultan
achmet
dit
un
jour
—
je
donnerais
sans
retour
mon
royaume
pour
médine
médine
pour
ton
amour
—
fais
toi
chrétien
roi
sublime
car
il
est
illégitime
le
plaisir
qu’on
a
cherché
aux
bras
d’un
turc
débauché
j’aurais
peur
de
faire
un
crime
c’est
bien
assez
du
péché
—
par
ces
perles
dont
la
chaîne
rehausse
ô
ma
souveraine
ton
cou
blanc
comme
le
lait
je
ferai
ce
qui
te
plaît
si
tu
veux
bien
que
je
prenne
ton
collier
pour
chapelet
20
octobre
1828
xxx
romance
mauresque
dixóle
—
dime
buen
hombre
lo
que
preguntarte
queria
romancero
general
don
rodrigue
est
à
la
chasse
sans
épée
et
sans
cuirasse
un
jour
d’été
vers
midi
sous
la
feuillée
et
sur
l’herbe
il
s’assied
l’homme
superbe
don
rodrigue
le
hardi
la
haine
en
feu
le
dévore
sombre
il
pense
au
bâtard
maure
à
son
neveu
mudarra
dont
ses
complots
sanguinaires
jadis
ont
tué
les
frères
les
sept
infants
de
lara
pour
le
trouver
en
campagne
il
traverserait
l’espagne
de
figuère
à
setuval
l’un
des
deux
mourrait
sans
doute
en
ce
moment
sur
la
route
il
passe
un
homme
à
cheval
—
chevalier
chrétien
ou
maure
qui
dors
sous
le
sycomore
dieu
te
guide
par
la
main
—
que
dieu
répande
ses
grâces
sur
toi
l’écuyer
qui
passes
qui
passes
par
le
chemin
—
chevalier
chrétien
ou
maure
qui
dors
sous
le
sycomore
parmi
l’herbe
du
vallon
dis
ton
nom
afin
qu’on
sache
si
tu
portes
le
panache
d’un
vaillant
ou
d’un
félon
—
si
c’est
là
ce
qui
t’intrigue
on
m’appelle
don
rodrigue
don
rodrigue
de
lara
doña
sanche
est
ma
sœur
même
du
moins
c’est
à
mon
baptême
ce
qu’un
prêtre
déclara
j’attends
sous
ce
sycomore
j’ai
cherché
d’albe
à
zamore
ce
mudarra
le
bâtard
le
fils
de
la
renégate
qui
commande
une
frégate
du
roi
maure
aliatar
certe
à
moins
qu’il
ne
m’évite
je
le
reconnaîtrais
vite
toujours
il
porte
avec
lui
notre
dague
de
famille
une
agate
au
pommeau
brille
et
la
lame
est
sans
étui
oui
par
mon
âme
chrétienne
d’une
autre
main
que
la
mienne
ce
mécréant
ne
mourra
c’est
le
bonheur
que
je
brigue…
—
on
t’appelle
don
rodrigue
don
rodrigue
de
lara
et
bien
seigneur
le
jeune
homme
qui
te
parle
et
qui
te
nomme
c’est
mudarra
le
bâtard
c’est
le
vengeur
et
le
juge
cherche
à
présent
un
refuge
—
l’autre
dit
—
tu
viens
bien
tard
—
moi
fils
de
la
renégate
qui
commande
une
frégate
du
roi
maure
aliatar
moi
ma
dague
et
ma
vengeance
tous
les
trois
d’intelligence
nous
voici
—
tu
viens
bien
tard
—
trop
tôt
pour
toi
don
rodrigue
à
moins
qu’il
ne
te
fatigue
de
vivre…
ah
la
peur
t’émeut
ton
front
pâlit
rends
infâme
à
moi
ta
vie
et
ton
âme
à
ton
ange
s’il
en
veut
si
mon
poignard
de
tolède
et
mon
dieu
me
sont
en
aide
regarde
mes
yeux
ardents
je
suis
ton
seigneur
ton
maître
et
je
t’arracherai
traître
le
souffle
d’entre
les
dents
le
neveu
de
doña
sanche
dans
ton
sang
enfin
étanche
la
soif
qui
le
dévora
mon
oncle
il
faut
que
tu
meures
pour
toi
plus
de
jours
ni
d’heures
…
—
mon
bon
neveu
mudarra
un
moment
attends
que
j’aille
chercher
mon
fer
de
bataille
—
tu
n’auras
d’autres
délais
que
celui
qu’ont
eu
mes
frères
dans
les
caveaux
funéraires
où
tu
les
as
mis
suis
les
si
jusqu’à
l’heure
venue
j’ai
gardé
ma
lame
nue
c’est
que
je
voulais
bourreau
que
vengeant
la
renégate
ma
dague
au
pommeau
d’agate
eût
ta
gorge
pour
fourreau
1er
mai
1828
xxxi
grenade
quien
no
ha
visto
a
sevilla
no
ha
visto
a
maravilla
soit
lointaine
soit
voisine
espagnole
ou
sarrasine
il
n’est
pas
une
cité
qui
dispute
sans
folie
à
grenade
la
jolie
la
pomme
de
la
beauté
et
qui
gracieuse
étale
plus
de
pompe
orientale
sous
un
ciel
plus
enchanté
cadix
a
les
palmiers
murcie
a
les
oranges
jaën
son
palais
goth
aux
tourelles
étranges
agreda
son
couvent
bâti
par
saint
edmond
ségovie
a
l’autel
dont
on
baise
les
marches
et
l’aqueduc
aux
trois
rangs
d’arches
qui
lui
porte
un
torrent
pris
au
sommet
d’un
mont
llers
a
des
tours
barcelone
au
faîte
d’une
colonne
lève
un
phare
sur
la
mer
aux
rois
d’aragon
fidèle
dans
leurs
vieux
tombeaux
tudèle
garde
leur
sceptre
de
fer
tolose
a
des
forges
sombres
qui
semblent
au
sein
des
ombres
des
soupiraux
de
l’enfer
le
poisson
qui
rouvrit
l’œil
mort
du
vieux
tobie
se
joue
au
fond
du
golfe
où
dort
fontarabie
alicante
aux
clochers
mêle
les
minarets
compostelle
a
son
saint
cordoue
aux
maisons
vieilles
a
sa
mosquée
où
l’œil
se
perd
dans
les
merveilles
madrid
a
le
manzanarès
bilbao
des
flots
couverte
jette
une
pelouse
verte
sur
ses
murs
noirs
et
caducs
medina
la
chevalière
cachant
sa
pauvreté
fière
sous
le
manteau
de
ses
ducs
n’a
rien
que
ses
sycomores
car
ses
beaux
ponts
sont
aux
maures
aux
romains
ses
aqueducs
valence
a
les
clochers
de
ses
trois
cents
églises
l’austère
alcantara
livre
au
souffle
des
brises
les
drapeaux
turcs
pendus
en
foule
à
ses
piliers
salamanque
en
riant
s’assied
sur
trois
collines
s’endort
au
son
des
mandolines
et
s’éveille
en
sursaut
aux
cris
des
écoliers
tortose
est
chère
à
saint
pierre
le
marbre
est
comme
la
pierre
dans
la
riche
puycerda
de
sa
bastille
octogone
tuy
se
vante
et
tarragone
de
ses
murs
qu’un
roi
fonda
le
douro
coule
à
zamore
tolède
a
l’alcazar
maure
séville
a
la
giralda
burgos
de
son
chapitre
étale
la
richesse
peñaflor
est
marquise
et
girone
est
duchesse
bivar
est
une
nonne
aux
sévères
atours
toujours
prête
au
combat
la
sombre
pampelune
avant
de
s’endormir
aux
rayons
de
la
lune
ferme
sa
ceinture
de
tours
toutes
ces
villes
d’espagne
s’épandent
dans
la
campagne
ou
hérissent
la
sierra
toutes
ont
des
citadelles
dont
sous
des
mains
infidèles
aucun
beffroi
ne
vibra
toutes
sur
leurs
cathédrales
ont
des
clochers
en
spirales
mais
grenade
a
l’alhambra
l’alhambra
l’alhambra
palais
que
les
génies
ont
doré
comme
un
rêve
et
rempli
d’harmonies
forteresse
aux
créneaux
festonnés
et
croulants
où
l’on
entend
la
nuit
de
magiques
syllabes
quand
la
lune
à
travers
les
mille
arceaux
arabes
sème
les
murs
de
trèfles
blancs
grenade
a
plus
de
merveilles
que
n’a
de
graines
vermeilles
le
beau
fruit
de
ses
vallons
grenade
la
bien
nommée
lorsque
la
guerre
enflammée
déroule
ses
pavillons
cent
fois
plus
terrible
éclate
que
la
grenade
écarlate
sur
le
front
des
bataillons
il
n’est
rien
de
plus
beau
ni
de
plus
grand
au
monde
soit
qu’à
vivataubin
vivaconlud
réponde
avec
son
clair
tambour
de
clochettes
orné
soit
que
se
couronnant
de
feux
comme
un
calife
l’éblouissant
généralife
élève
dans
la
nuit
son
faîte
illuminé
les
clairons
des
tours
vermeilles
sonnent
comme
des
abeilles
dont
le
vent
chasse
l’essaim
alcacava
pour
les
fêtes
a
des
cloches
toujours
prêtes
à
bourdonner
dans
son
sein
qui
dans
leurs
tours
africaines
vont
éveiller
les
dulcaynes
du
sonore
albaycin
grenade
efface
en
tout
ses
rivales
grenade
chante
plus
mollement
la
molle
sérénade
elle
peint
ses
maisons
de
plus
riches
couleurs
et
l’on
dit
que
les
vents
suspendent
leurs
haleines
quand
par
un
soir
d’été
grenade
dans
ses
plaines
répand
ses
femmes
et
ses
fleurs
l’arabie
est
son
aïeule
les
maures
pour
elle
seule
aventuriers
hasardeux
joueraient
l’asie
et
l’afrique
mais
grenade
est
catholique
grenade
se
raille
d’eux
grenade
la
belle
ville
serait
une
autre
séville
s’il
en
pouvait
être
deux
3
5
avril
1828
xxxii
les
bleuets
si
es
verdad
ó
non
yo
no
lo
he
hy
de
ver
pero
non
lo
quiero
en
olvido
poner
juan
lorenzo
segura
de
astorga
si
cela
est
vrai
ou
non
je
n’ai
pas
à
le
voir
ici
mais
je
ne
le
veux
pas
mettre
en
oubli
tandis
que
l’étoile
inodore
que
l’été
mêle
aux
blonds
épis
émaille
de
son
bleu
lapis
les
sillons
que
la
moisson
dore
avant
que
de
fleurs
dépeuplés
les
champs
aient
subi
les
faucilles
allez
allez
ô
jeunes
filles
cueillir
des
bleuets
dans
les
blés
entre
les
villes
andalouses
il
n’en
est
pas
qui
sous
le
ciel
s’étende
mieux
que
peñafiel
sur
les
gerbes
et
les
pelouses
pas
qui
dans
ses
murs
crénelés
lève
de
plus
fières
bastilles…
allez
allez
ô
jeunes
filles
cueillir
des
bleuets
dans
les
blés
il
n’est
pas
de
cité
chrétienne
pas
de
monastère
à
beffroi
chez
le
saint
père
et
chez
le
roi
où
vers
la
saint
ambroise
il
vienne
plus
de
bons
pèlerins
hâlés
portant
bourdon
gourde
et
coquilles…
allez
allez
ô
jeunes
filles
cueillir
des
bleuets
dans
les
blés
dans
nul
pays
les
jeunes
femmes
les
soirs
lorsque
l’on
danse
en
rond
n’ont
plus
de
roses
sur
le
front
et
n’ont
dans
le
cœur
plus
de
flammes
jamais
plus
vifs
et
plus
voilés
regards
n’ont
lui
sous
les
mantilles…
allez
allez
ô
jeunes
filles
cueillir
des
bleuets
dans
les
blés
la
perle
de
l’andalousie
alice
était
de
peñafiel
alice
qu’en
faisant
son
miel
pour
fleur
une
abeille
eût
choisie
ces
jours
hélas
sont
envolés
on
la
citait
dans
les
familles…
allez
allez
ô
jeunes
filles
cueillir
des
bleuets
dans
les
blés
un
étranger
vint
dans
la
ville
jeune
et
parlant
avec
dédain
était
ce
un
maure
grenadin
un
de
murcie
ou
de
séville
venait
il
des
bords
désolés
où
tunis
a
ses
escadrilles
…
allez
allez
ô
jeunes
filles
cueillir
des
bleuets
dans
les
blés
on
ne
savait
—
la
pauvre
alice
en
fut
aimée
et
puis
l’aima
le
doux
vallon
du
xarama
de
leur
doux
péché
fut
complice
le
soir
sous
les
cieux
étoilés
tous
deux
erraient
par
les
charmilles…
allez
allez
ô
jeunes
filles
cueillir
des
bleuets
dans
les
blés
la
ville
était
lointaine
et
sombre
et
la
lune
douce
aux
amours
se
levant
derrière
les
tours
et
les
clochers
perdus
dans
l’ombre
des
édifices
dentelés
découpait
en
noir
les
aiguilles…
allez
allez
ô
jeunes
filles
cueillir
des
bleuets
dans
les
blés
cependant
d’alice
jalouses
en
rêvant
au
bel
étranger
sous
l’arbre
à
soie
et
l’oranger
dansaient
les
brunes
andalouses
les
cors
aux
guitares
mêlés
animaient
les
joyeux
quadrilles…
allez
allez
ô
jeunes
filles
cueillir
des
bleuets
dans
les
blés
l’oiseau
dort
dans
le
lit
de
mousse
que
déjà
menace
l’autour
ainsi
dormait
dans
son
amour
alice
confiante
et
douce
le
jeune
homme
aux
cheveux
bouclés
c’était
don
juan
roi
des
castilles…
allez
allez
ô
jeunes
filles
cueillir
des
bleuets
dans
les
blés
or
c’est
péril
qu’aimer
un
prince
un
jour
sur
un
noir
palefroi
on
la
jeta
de
par
le
roi
on
l’arracha
de
la
province
un
cloître
sur
ses
jours
troublés
de
par
le
roi
ferma
ses
grilles…
allez
allez
ô
jeunes
filles
cueillir
des
bleuets
dans
les
blés
13
avril
1828
xxxiii
fantômes
luenga
es
su
noche
y
cerrados
estan
sus
ojos
pesados
idos
idos
en
paz
vientos
alados
longue
est
sa
nuit
et
fermés
sont
ses
yeux
lourds
allez
allez
en
paix
vents
ailés
i
hélas
que
j’en
ai
vu
mourir
de
jeunes
filles
c’est
le
destin
il
faut
une
proie
au
trépas
il
faut
que
l’herbe
tombe
au
tranchant
des
faucilles
il
faut
que
dans
le
bal
les
folâtres
quadrilles
foulent
des
roses
sous
leurs
pas
il
faut
que
l’eau
s’épuise
à
courir
les
vallées
il
faut
que
l’éclair
brille
et
brille
peu
d’instants
il
faut
qu’avril
jaloux
brûle
de
ses
gelées
le
beau
pommier
trop
fier
de
ses
fleurs
étoilées
neige
odorante
du
printemps
oui
c’est
la
vie
après
le
jour
la
nuit
livide
après
tout
le
réveil
infernal
ou
divin
autour
du
grand
banquet
siège
une
foule
avide
mais
bien
des
conviés
laissent
leur
place
vide
et
se
lèvent
avant
la
fin
ii
que
j’en
ai
vu
mourir
—
l’une
était
rose
et
blanche
l’autre
semblait
ouïr
de
célestes
accords
l’autre
faible
appuyait
d’un
bras
son
front
qui
penche
et
comme
en
s’envolant
l’oiseau
courbe
la
branche
son
âme
avait
brisé
son
corps
une
pâle
égarée
en
proie
au
noir
délire
disait
tout
bas
un
nom
dont
nul
ne
se
souvient
une
s’évanouit
comme
un
chant
sur
la
lyre
une
autre
en
expirant
avait
le
doux
sourire
d’un
jeune
ange
qui
s’en
revient
toutes
fragiles
fleurs
sitôt
mortes
que
nées
alcyons
engloutis
avec
leurs
nids
flottants
colombes
que
le
ciel
au
monde
avait
données
qui
de
grâce
et
d’enfance
et
d’amour
couronnées
comptaient
leurs
ans
par
les
printemps
quoi
mortes
quoi
déjà
sous
la
pierre
couchées
quoi
tant
d’êtres
charmants
sans
regard
et
sans
voix
tant
de
flambeaux
éteints
tant
de
fleurs
arrachées
…
oh
laissez
moi
fouler
les
feuilles
desséchées
et
m’égarer
au
fond
des
bois
doux
fantômes
c’est
là
quand
je
rêve
dans
l’ombre
qu’ils
viennent
tour
à
tour
m’entendre
et
me
parler
un
jour
douteux
me
montre
et
me
cache
leur
nombre
à
travers
les
rameaux
et
le
feuillage
sombre
je
vois
leurs
yeux
étinceler
mon
âme
est
une
sœur
pour
ces
ombres
si
belles
la
vie
et
le
tombeau
pour
nous
n’ont
plus
de
loi
tantôt
j’aide
leurs
pas
tantôt
je
prends
leurs
ailes
vision
ineffable
où
je
suis
mort
comme
elles
elles
vivantes
comme
moi
elles
prêtent
leur
forme
à
toutes
mes
pensées
je
les
vois
je
les
vois
elles
me
disent
viens
puis
autour
d’un
tombeau
dansent
entrelacées
puis
s’en
vont
lentement
par
degrés
éclipsées
alors
je
songe
et
me
souviens…
iii
une
surtout
—
un
ange
une
jeune
espagnole
blanches
mains
sein
gonflé
de
soupirs
innocents
un
œil
noir
où
luisaient
des
regards
de
créole
et
ce
charme
inconnu
cette
fraîche
auréole
qui
couronne
un
front
de
quinze
ans
non
ce
n’est
point
d’amour
qu’elle
est
morte
pour
elle
l’amour
n’avait
encor
ni
plaisirs
ni
combats
rien
ne
faisait
encor
battre
son
cœur
rebelle
quand
tous
en
la
voyant
s’écriaient
qu’elle
est
belle
nul
ne
le
lui
disait
tout
bas
elle
aimait
trop
le
bal
c’est
ce
qui
l’a
tuée
le
bal
éblouissant
le
bal
délicieux
sa
cendre
encor
frémit
doucement
remuée
quand
dans
la
nuit
sereine
une
blanche
nuée
danse
autour
du
croissant
des
cieux
elle
aimait
trop
le
bal
—
quand
venait
une
fête
elle
y
pensait
trois
jours
trois
nuits
elle
en
rêvait
et
femmes
musiciens
danseurs
que
rien
n’arrête
venaient
dans
son
sommeil
troublant
sa
jeune
tête
rire
et
bruire
à
son
chevet
puis
c’étaient
des
bijoux
des
colliers
des
merveilles
des
ceintures
de
moire
aux
ondoyants
reflets
des
tissus
plus
légers
que
des
ailes
d’abeilles
des
festons
des
rubans
à
remplir
des
corbeilles
des
fleurs
à
payer
un
palais
la
fête
commencée
avec
ses
sœurs
rieuses
elle
accourait
froissant
l’éventail
sous
ses
doigts
puis
s’asseyait
parmi
les
écharpes
soyeuses
et
son
cœur
éclatait
en
fanfares
joyeuses
avec
l’orchestre
aux
mille
voix
c’était
plaisir
de
voir
danser
la
jeune
fille
sa
basquine
agitait
ses
paillettes
d’azur
ses
grands
yeux
noirs
brillaient
sous
la
noire
mantille
telle
une
double
étoile
au
front
des
nuits
scintille
sous
les
plis
d’un
nuage
obscur
tout
en
elle
était
danse
et
rire
et
folle
joie
enfant
—
nous
l’admirions
dans
nos
tristes
loisirs
car
ce
n’est
point
au
bal
que
le
cœur
se
déploie
la
cendre
y
vole
autour
des
tuniques
de
soie
l’ennui
sombre
autour
des
plaisirs
mais
elle
par
la
valse
ou
la
ronde
emportée
volait
et
revenait
et
ne
respirait
pas
et
s’enivrait
des
sons
de
la
flûte
vantée
des
fleurs
des
lustres
d’or
de
la
fête
enchantée
du
bruit
des
voix
du
bruit
des
pas
quel
bonheur
de
bondir
éperdue
en
la
foule
de
sentir
par
le
bal
ses
sens
multipliés
et
de
ne
pas
savoir
si
dans
la
nue
on
roule
si
l’on
chasse
en
fuyant
la
terre
ou
si
l’on
foule
un
flot
tournoyant
sous
ses
pieds
mais
hélas
il
fallait
quand
l’aube
était
venue
partir
attendre
au
seuil
le
manteau
de
satin
c’est
alors
que
souvent
la
danseuse
ingénue
sentit
en
frissonnant
sur
son
épaule
nue
glisser
le
souffle
du
matin
quels
tristes
lendemains
laisse
le
bal
folâtre
adieu
parure
et
danse
et
rires
enfantins
aux
chansons
succédait
la
toux
opiniâtre
au
plaisir
rose
et
frais
la
fièvre
au
teint
bleuâtre
aux
yeux
brillants
les
yeux
éteints
iv
elle
est
morte
—
à
quinze
ans
belle
heureuse
adorée
morte
au
sortir
d’un
bal
qui
nous
mit
tous
en
deuil
morte
hélas
et
des
bras
d’une
mère
égarée
la
mort
aux
froides
mains
la
prit
toute
parée
pour
l’endormir
dans
le
cercueil
pour
danser
d’autres
bals
elle
était
encor
prête
tant
la
mort
fut
pressée
à
prendre
un
corps
si
beau
et
ces
roses
d’un
jour
qui
couronnaient
sa
tête
qui
s’épanouissaient
la
veille
en
une
fête
se
fanèrent
dans
un
tombeau
v
sa
pauvre
mère
—
hélas
de
son
sort
ignorante
avoir
mis
tant
d’amour
sur
ce
frêle
roseau
et
si
longtemps
veillé
son
enfance
souffrante
et
passé
tant
de
nuits
à
l’endormir
pleurante
toute
petite
en
son
berceau
à
quoi
bon
—
maintenant
la
jeune
trépassée
sous
le
plomb
du
cercueil
livide
en
proie
au
ver
dort
et
si
dans
la
tombe
où
nous
l’avons
laissée
quelque
fête
des
morts
la
réveille
glacée
par
une
belle
nuit
d’hiver
un
spectre
au
rire
affreux
à
sa
morne
toilette
préside
au
lieu
de
mère
et
lui
dit
il
est
temps
et
glaçant
d’un
baiser
sa
lèvre
violette
passe
les
doigts
noueux
de
sa
main
de
squelette
sous
ses
cheveux
longs
et
flottants
puis
tremblante
il
la
mène
à
la
danse
fatale
au
chœur
aérien
dans
l’ombre
voltigeant
et
sur
l’horizon
gris
la
lune
est
large
et
pâle
et
l’arc
en
ciel
des
nuits
teint
d’un
reflet
d’opale
le
nuage
aux
franges
d’argent
vi
vous
toutes
qu’à
ses
jeux
le
bal
riant
convie
pensez
à
l’espagnole
éteinte
sans
retour
jeunes
filles
joyeuse
et
d’une
main
ravie
elle
allait
moissonnant
les
roses
de
la
vie
beauté
plaisir
jeunesse
amour
la
pauvre
enfant
de
fête
en
fête
promenée
de
ce
bouquet
charmant
arrangeait
les
couleurs
mais
qu’elle
a
passé
vite
hélas
l’infortunée
ainsi
qu’ophélia
par
le
fleuve
entraînée
elle
est
morte
en
cueillant
des
fleurs
avril
1828
à
m
louis
boulanger
xxxiv
mazeppa
away
—
away
—
byron
mazeppa
en
avant
en
avant
i
ainsi
quand
mazeppa
qui
rugit
et
qui
pleure
a
vu
ses
bras
ses
pieds
ses
flancs
qu’un
sabre
effleure
tous
ses
membres
liés
sur
un
fougueux
cheval
nourri
d’herbes
marines
qui
fume
et
fait
jaillir
le
feu
de
ses
narines
et
le
feu
de
ses
pieds
quand
il
s’est
dans
ses
nœuds
roulé
comme
un
reptile
qu’il
a
bien
réjoui
de
sa
rage
inutile
ses
bourreaux
tout
joyeux
et
qu’il
retombe
enfin
sur
la
croupe
farouche
la
sueur
sur
le
front
l’écume
dans
la
bouche
et
du
sang
dans
les
yeux
un
cri
part
et
soudain
voilà
que
par
la
plaine
et
l’homme
et
le
cheval
emportés
hors
d’haleine
sur
les
sables
mouvants
seuls
emplissant
de
bruit
un
tourbillon
de
poudre
pareil
au
noir
nuage
où
serpente
la
foudre
volent
avec
les
vents
ils
vont
dans
les
vallons
comme
un
orage
ils
passent
comme
ces
ouragans
qui
dans
les
monts
s’entassent
comme
un
globe
de
feu
puis
déjà
ne
sont
plus
qu’un
point
noir
dans
la
brume
puis
s’effacent
dans
l’air
comme
un
flocon
d’écume
au
vaste
océan
bleu
ils
vont
l’espace
est
grand
dans
le
désert
immense
dans
l’horizon
sans
fin
qui
toujours
recommence
ils
se
plongent
tous
deux
leur
course
comme
un
vol
les
emporte
et
grands
chênes
villes
et
tours
monts
noirs
liés
en
longues
chaînes
tout
chancelle
autour
d’eux
et
si
l’infortuné
dont
la
tête
se
brise
se
débat
le
cheval
qui
devance
la
brise
d’un
bond
plus
effrayé
s’enfonce
au
désert
vaste
aride
infranchissable
qui
devant
eux
s’étend
avec
ses
plis
de
sable
comme
un
manteau
rayé
tout
vacille
et
se
peint
de
couleurs
inconnues
il
voit
courir
les
bois
courir
les
larges
nues
le
vieux
donjon
détruit
les
monts
dont
un
rayon
baigne
les
intervalles
il
voit
et
des
troupeaux
de
fumantes
cavales
le
suivent
à
grand
bruit
et
le
ciel
où
déjà
les
pas
du
soir
s’allongent
avec
ses
océans
de
nuages
où
plongent
des
nuages
encor
et
son
soleil
qui
fend
leurs
vagues
de
sa
proue
sur
son
front
ébloui
tourne
comme
une
roue
de
marbre
aux
veines
d’or
son
œil
s’égare
et
luit
sa
chevelure
traîne
sa
tête
pend
son
sang
rougit
la
jaune
arène
les
buissons
épineux
sur
ses
membres
gonflés
la
corde
se
replie
et
comme
un
long
serpent
resserre
et
multiplie
sa
morsure
et
ses
nœuds
le
cheval
qui
ne
sent
ni
le
mors
ni
la
selle
toujours
fuit
et
toujours
son
sang
coule
et
ruisselle
sa
chair
tombe
en
lambeaux
hélas
voici
déjà
qu’aux
cavales
ardentes
qui
le
suivaient
dressant
leurs
crinières
pendantes
succèdent
les
corbeaux
les
corbeaux
le
grand
duc
à
l’œil
rond
qui
s’effraie
l’aigle
effaré
des
champs
de
bataille
et
l’orfraie
monstre
au
jour
inconnu
les
obliques
hiboux
et
le
grand
vautour
fauve
qui
fouille
au
flanc
des
morts
où
son
col
rouge
et
chauve
plonge
comme
un
bras
nu
tous
viennent
élargir
la
funèbre
volée
tous
quittent
pour
le
suivre
et
l’yeuse
isolée
et
les
nids
du
manoir
lui
sanglant
éperdu
sourd
à
leurs
cris
de
joie
demande
en
les
voyant
qui
donc
là
haut
déploie
ce
grand
éventail
noir
la
nuit
descend
lugubre
et
sans
robe
étoilée
l’essaim
s’acharne
et
suit
tel
qu’une
meute
ailée
le
voyageur
fumant
entre
le
ciel
et
lui
comme
un
tourbillon
sombre
il
les
voit
puis
les
perd
et
les
entend
dans
l’ombre
voler
confusément
enfin
après
trois
jours
d’une
course
insensée
après
avoir
franchi
fleuves
à
l’eau
glacée
steppes
forêts
déserts
le
cheval
tombe
aux
cris
de
mille
oiseaux
de
proie
et
son
ongle
de
fer
sur
la
pierre
qu’il
broie
éteint
ses
quatre
éclairs
voilà
l’infortuné
gisant
nu
misérable
tout
tacheté
de
sang
plus
rouge
que
l’érable
dans
la
saison
des
fleurs
le
nuage
d’oiseaux
sur
lui
tourne
et
s’arrête
maint
bec
ardent
aspire
à
ronger
dans
sa
tête
ses
yeux
brûlés
de
pleurs
eh
bien
ce
condamné
qui
hurle
et
qui
se
traîne
ce
cadavre
vivant
les
tribus
de
l’ukraine
le
feront
prince
un
jour
un
jour
semant
les
champs
de
morts
sans
sépultures
il
dédommagera
par
de
larges
pâtures
l’orfraie
et
le
vautour
sa
sauvage
grandeur
naîtra
de
son
supplice
un
jour
des
vieux
hetmans
il
ceindra
la
pelisse
grand
à
l’œil
ébloui
et
quand
il
passera
ces
peuples
de
la
tente
prosternés
enverront
la
fanfare
éclatante
bondir
autour
de
lui
ii
ainsi
lorsqu’un
mortel
sur
qui
son
dieu
s’étale
s’est
vu
lier
vivant
sur
ta
croupe
fatale
génie
ardent
coursier
en
vain
il
lutte
hélas
tu
bondis
tu
l’emportes
hors
du
monde
réel
dont
tu
brises
les
portes
avec
tes
pieds
d’acier
tu
franchis
avec
lui
déserts
cimes
chenues
des
vieux
monts
et
les
mers
et
par
delà
les
nues
de
sombres
régions
et
mille
impurs
esprits
que
ta
course
réveille
autour
du
voyageur
insolente
merveille
pressent
leurs
légions
il
traverse
d’un
vol
sur
tes
ailes
de
flamme
tous
les
champs
du
possible
et
les
mondes
de
l’âme
boit
au
fleuve
éternel
dans
la
nuit
orageuse
ou
la
nuit
étoilée
sa
chevelure
aux
crins
des
comètes
mêlée
flamboie
au
front
du
ciel
les
six
lunes
d’herschel
l’anneau
du
vieux
saturne
le
pôle
arrondissant
une
aurore
nocturne
sur
son
front
boréal
il
voit
tout
et
pour
lui
ton
vol
que
rien
ne
lasse
de
ce
monde
sans
borne
à
chaque
instant
déplace
l’horizon
idéal
qui
peut
savoir
hormis
les
démons
et
les
anges
ce
qu’il
souffre
à
te
suivre
et
quels
éclairs
étranges
à
ses
yeux
reluiront
comme
il
sera
brûlé
d’ardentes
étincelles
hélas
et
dans
la
nuit
combien
de
froides
ailes
viendront
battre
son
front
il
crie
épouvanté
tu
poursuis
implacable
pâle
épuisé
béant
sous
ton
vol
qui
l’accable
il
ploie
avec
effroi
chaque
pas
que
tu
fais
semble
creuser
sa
tombe
enfin
le
terme
arrive…
il
court
il
vole
il
tombe
et
se
relève
roi
mai
1828
xxxv
le
danube
en
colère
admonet
et
magna
testatur
voce
per
umbras
virgile
belgrade
et
semlin
sont
en
guerre
dans
son
lit
paisible
naguère
le
vieillard
danube
leur
père
s’éveille
au
bruit
de
leur
canon
il
doute
s’il
rêve
il
trésaille
puis
entend
gronder
la
bataille
et
frappe
dans
ses
mains
d’écaille
et
les
appelle
par
leur
nom
allons
la
turque
et
la
chrétienne
semlin
belgrade
qu’avez
vous
on
ne
peut
le
ciel
me
soutienne
dormir
un
siècle
sans
que
vienne
vous
éveiller
d’un
bruit
jaloux
belgrade
ou
semlin
en
courroux
hiver
été
printemps
automne
toujours
votre
canon
qui
tonne
bercé
du
courant
monotone
je
sommeillais
dans
mes
roseaux
et
comme
des
louves
marines
jettent
l’onde
de
leurs
narines
voilà
vos
longues
couleuvrines
qui
soufflent
du
feu
sur
mes
eaux
ce
sont
des
sorcières
oisives
qui
vous
mirent
pour
rire
un
jour
face
à
face
sur
mes
deux
rives
comme
au
même
plat
deux
convives
comme
au
front
de
la
même
tour
une
aire
d’aigle
un
nid
d’autour
quoi
ne
pouvez
vous
vivre
ensemble
mes
filles
faut
il
que
je
tremble
du
destin
qui
ne
vous
rassemble
que
pour
vous
haïr
de
plus
près
quand
vous
pourriez
sœurs
pacifiques
mirer
dans
mes
eaux
magnifiques
semlin
tes
noirs
clochers
gothiques
belgrade
tes
blancs
minarets
mon
flot
qui
dans
l’océan
tombe
vous
sépare
en
vain
large
et
clair
du
haut
du
château
qui
surplombe
vous
vous
unissez
et
la
bombe
entre
vous
courbant
son
éclair
vous
trace
un
pont
de
feu
dans
l’air
trêve
taisez
vous
les
deux
villes
je
m’ennuie
aux
guerres
civiles
nous
sommes
vieux
soyons
tranquilles
dormons
à
l’ombre
des
bouleaux
trêve
à
ces
débats
de
familles
hé
sans
le
bruit
de
vos
bastilles
n’ai
je
donc
point
assez
mes
filles
de
l’assourdissement
des
flots
une
croix
un
croissant
fragile
changent
en
enfer
ce
beau
lieu
vous
échangez
la
bombe
agile
pour
le
koran
et
l’évangile
c’est
perdre
le
bruit
et
le
feu
je
le
sais
moi
qui
fus
un
dieu
vos
dieux
m’ont
chassé
de
leur
sphère
et
dégradé
c’est
leur
affaire
l’ombre
est
le
bien
que
je
préfère
pourvu
qu’ils
gardent
leurs
palais
et
ne
viennent
pas
sur
mes
plages
déraciner
mes
verts
feuillages
et
m’écraser
mes
coquillages
sous
leurs
bombes
et
leurs
boulets
de
leurs
abominables
cultes
ces
inventions
sont
le
fruit
de
mon
temps
point
de
ces
tumultes
si
la
pierre
des
catapultes
battait
les
cités
jour
et
nuit
c’était
sans
fumée
et
sans
bruit
voyez
ulm
votre
sœur
jumelle
tenez
vous
en
repos
comme
elle
que
le
fil
des
rois
se
démêle
tournez
vos
fuseaux
et
riez
voyez
bude
votre
voisine
voyez
dristra
la
sarrasine
que
dirait
l’etna
si
messine
faisait
tout
ce
bruit
à
ses
pieds
semlin
est
la
plus
querelleuse
elle
a
toujours
les
premiers
torts
croyez
vous
que
mon
eau
houleuse
suivant
sa
pente
rocailleuse
n’ait
rien
à
faire
entre
ses
bords
qu’à
porter
à
l’euxin
vos
morts
vos
mortiers
ont
tant
de
fumée
qu’il
fait
nuit
dans
ma
grotte
aimée
d’éclats
d’obus
toujours
semée
du
jour
j’ai
perdu
le
tableau
le
soir
la
vapeur
de
leur
bouche
me
couvre
d’une
ombre
farouche
quand
je
cherche
à
voir
de
ma
couche
les
étoiles
à
travers
l’eau
sœurs
à
vous
cribler
de
blessures
espérez
vous
un
grand
renom
vos
palais
deviendront
masures
ah
qu’en
vos
noires
embrasures
la
guerre
se
taise
ou
sinon
j’éteindrai
moi
votre
canon
car
je
suis
le
danube
immense
malheur
à
vous
si
je
commence
je
vous
souffre
ici
par
clémence
si
je
voulais
de
leur
prison
mes
flots
lâchés
dans
les
campagnes
emportant
vous
et
vos
compagnes
comme
une
chaîne
de
montagnes
se
lèveraient
à
l’horizon
certe
on
peut
parler
de
la
sorte
quand
c’est
au
canon
qu’on
répond
quand
des
rois
on
baigne
la
porte
lorsqu’on
est
danube
et
qu’on
porte
comme
l’euxin
et
l’hellespont
de
grands
vaisseaux
au
triple
pont
lorsqu’on
ronge
cent
ponts
de
pierres
qu’on
traverse
les
huit
bavières
qu’on
reçoit
soixante
rivières
et
qu’on
les
dévore
en
fuyant
qu’on
a
comme
une
mer
sa
houle
quand
sur
le
globe
on
se
déroule
comme
un
serpent
et
quand
on
coule
de
l’occident
à
l’orient
juin
1828
xxxvi
rêverie
lo
giorno
se
n’andava
e
l’aer
bruno
toglieva
gli
animai
che
sono’n
terra
dalle
fatiche
loro
dante
oh
laissez
moi
c’est
l’heure
où
l’horizon
qui
fume
cache
un
front
inégal
sous
un
cercle
de
brume
l’heure
où
l’astre
géant
rougit
et
disparaît
le
grand
bois
jaunissant
dore
seul
la
colline
on
dirait
qu’en
ces
jours
où
l’automne
décline
le
soleil
et
la
pluie
ont
rouillé
la
forêt
oh
qui
fera
surgir
soudain
qui
fera
naître
là
bas
—
tandis
que
seul
je
rêve
à
la
fenêtre
et
que
l’ombre
s’amasse
au
fond
du
corridor
—
quelque
ville
mauresque
éclatante
inouïe
qui
comme
la
fusée
en
gerbe
épanouie
déchire
ce
brouillard
avec
ses
flèches
d’or
qu’elle
vienne
inspirer
ranimer
ô
génies
mes
chansons
comme
un
ciel
d’automne
rembrunies
et
jeter
dans
mes
yeux
son
magique
reflet
et
longtemps
s’éteignant
en
rumeurs
étouffées
avec
les
mille
tours
de
ses
palais
de
fées
brumeuse
denteler
l’horizon
violet
5
septembre
1828
xxxvii
extase
et
j’entendis
une
grande
voix
apocalypse
j’étais
seul
près
des
flots
par
une
nuit
d’étoiles
pas
un
nuage
aux
cieux
sur
les
mers
pas
de
voiles
mes
yeux
plongeaient
plus
loin
que
le
monde
réel
et
les
bois
et
les
monts
et
toute
la
nature
semblaient
interroger
dans
un
confus
murmure
les
flots
des
mers
les
feux
du
ciel
et
les
étoiles
d’or
légions
infinies
à
voix
haute
à
voix
basse
avec
mille
harmonies
disaient
en
inclinant
leurs
couronnes
de
feu
et
les
flots
bleus
que
rien
ne
gouverne
et
n’arrête
disaient
en
recourbant
l’écume
de
leur
crête
―
c’est
le
seigneur
le
seigneur
dieu
25
novembre
1828
xxxviii
le
poëte
au
calife
tous
les
habitants
de
la
terre
sont
devant
lui
comme
un
néant
il
fait
tout
ce
qui
lui
plaît
et
nul
ne
peut
résister
à
sa
main
puissante
ni
lui
dire
pourquoi
avez
vous
fait
ainsi
daniel
ô
sultan
noureddin
calife
aimé
de
dieu
tu
gouvernes
seigneur
l’empire
du
milieu
de
la
mer
rouge
au
fleuve
jaune
les
rois
des
nations
vers
ta
face
tournés
pavent
silencieux
de
leurs
fronts
prosternés
le
chemin
qui
mène
à
ton
trône
ton
sérail
est
très
grand
tes
jardins
sont
très
beaux
tes
femmes
ont
des
yeux
vifs
comme
des
flambeaux
qui
pour
toi
seul
percent
leurs
voiles
lorsque
astre
impérial
aux
peuples
pleins
d’effroi
tu
luis
tes
trois
cents
fils
brillent
autour
de
toi
comme
ton
cortège
d’étoiles
ton
front
porte
une
aigrette
et
ceint
le
turban
vert
tu
peux
voir
folâtrer
dans
leur
bain
entr’ouvert
sous
la
fenêtre
où
tu
te
penches
les
femmes
de
madras
plus
douces
qu’un
parfum
et
les
filles
d’alep
qui
sur
leur
beau
sein
brun
ont
des
colliers
de
perles
blanches
ton
sabre
large
et
nu
semble
en
ta
main
grandir
toujours
dans
la
bataille
on
le
voit
resplendir
sans
trouver
turban
qui
le
rompe
au
point
où
la
mêlée
a
de
plus
noirs
détours
où
les
grands
éléphants
entre
choquant
leurs
tours
prennent
des
chevaux
dans
leur
trompe
une
fée
est
cachée
en
tout
ce
que
tu
vois
quand
tu
parles
calife
on
dirait
que
ta
voix
descend
d’un
autre
monde
au
nôtre
dieu
lui
même
t’admire
et
de
félicités
emplit
la
coupe
d’or
que
tes
jours
enchantés
joyeux
se
passent
l’un
à
l’autre
mais
souvent
dans
ton
cœur
radieux
noureddin
une
triste
pensée
apparaît
et
soudain
glace
ta
grandeur
taciturne
telle
en
plein
jour
parfois
sous
un
soleil
de
feu
la
lune
astre
des
morts
blanche
au
fond
d’un
ciel
bleu
montre
à
demi
son
front
nocturne
octobre
1828
xxxix
bounaberdi
grand
comme
le
monde
souvent
bounaberdi
sultan
des
francs
d’europe
que
comme
un
noir
manteau
le
semoun
enveloppe
monte
géant
lui
même
au
front
d’un
mont
géant
d’où
son
regard
errant
sur
le
sable
et
sur
l’onde
embrasse
d’un
coup
d’œil
les
deux
moitiés
du
monde
gisantes
à
ses
pieds
dans
l’abîme
béant
il
est
seul
et
debout
sur
ce
sublime
faîte
à
sa
droite
couché
le
désert
qui
le
fête
d’un
nuage
de
poudre
importune
ses
yeux
à
sa
gauche
la
mer
dont
jadis
il
fut
l’hôte
élève
jusqu’à
lui
sa
voix
profonde
et
haute
comme
aux
pieds
de
son
maître
aboie
un
chien
joyeux
et
le
vieil
empereur
que
tour
à
tour
réveille
ce
nuage
à
ses
yeux
ce
bruit
à
son
oreille
rêve
et
comme
à
l’amante
on
voit
songer
l’amant
croit
que
c’est
une
armée
invisible
et
sans
nombre
qui
fait
cette
poussière
et
ce
bruit
pour
son
ombre
et
sous
l’horizon
gris
passe
éternellement
prière
oh
quand
tu
reviendras
rêver
sur
la
montagne
bounaberdi
regarde
un
peu
dans
la
campagne
ma
tente
qui
blanchit
dans
les
sables
grondants
car
je
suis
libre
et
pauvre
un
arabe
du
caire
et
quand
j’ai
dit
allah
mon
bon
cheval
de
guerre
vole
et
sous
sa
paupière
a
deux
charbons
ardents
novembre
1828
xl
lui
j’étais
géant
alors
et
haut
de
cent
coudées
bonaparte
i
toujours
lui
lui
partout
—
ou
brûlante
ou
glacée
son
image
sans
cesse
ébranle
ma
pensée
il
verse
à
mon
esprit
le
souffle
créateur
je
tremble
et
dans
ma
bouche
abondent
les
paroles
quand
son
nom
gigantesque
entouré
d’auréoles
se
dresse
dans
mon
vers
de
toute
sa
hauteur
là
je
le
vois
guidant
l’obus
aux
bonds
rapides
là
massacrant
le
peuple
au
nom
des
régicides
là
soldat
aux
tribuns
arrachant
leurs
pouvoirs
là
consul
jeune
et
fier
amaigri
par
des
veilles
que
des
rêves
d’empire
emplissaient
de
merveilles
pâle
sous
ses
longs
cheveux
noirs
puis
empereur
puissant
dont
la
tête
s’incline
gouvernant
un
combat
du
haut
de
la
colline
promettant
une
étoile
à
ses
soldats
joyeux
faisant
signe
aux
canons
qui
vomissent
les
flammes
de
son
âme
à
la
guerre
armant
six
cent
mille
âmes
grave
et
serein
avec
un
éclair
dans
les
yeux
puis
pauvre
prisonnier
qu’on
raille
et
qu’on
tourmente
croisant
ses
bras
oisifs
sur
son
sein
qui
fermente
en
proie
aux
geôliers
vils
comme
un
vil
criminel
vaincu
chauve
courbant
son
front
noir
de
nuages
promenant
sur
un
roc
où
passent
les
orages
sa
pensée
orage
éternel
qu’il
est
grand
là
surtout
quand
puissance
brisée
des
porte
clefs
anglais
misérable
risée
au
sacre
du
malheur
il
retrempe
ses
droits
tient
au
bruit
de
ses
pas
deux
mondes
en
haleine
et
mourant
de
l’exil
gêné
dans
sainte
hélène
manque
d’air
dans
la
cage
où
l’exposent
les
rois
qu’il
est
grand
à
cette
heure
où
prêt
à
voir
dieu
même
son
œil
qui
s’éteint
roule
une
larme
suprême
il
évoque
à
sa
mort
sa
vieille
armée
en
deuil
se
plaint
à
ses
guerriers
d’expirer
solitaire
et
prenant
pour
linceul
son
manteau
militaire
du
lit
de
camp
passe
au
cercueil
ii
à
rome
où
du
sénat
hérite
le
conclave
à
l’elbe
aux
monts
blanchis
de
neige
ou
noirs
de
lave
au
menaçant
kremlin
à
l’alhambra
riant
il
est
partout
—
au
nil
je
le
rencontre
encore
l’égypte
resplendit
des
feux
de
son
aurore
son
astre
impérial
se
lève
à
l’orient
vainqueur
enthousiaste
éclatant
de
prestiges
prodige
il
étonna
la
terre
des
prodiges
les
vieux
scheiks
vénéraient
l’émir
jeune
et
prudent
le
peuple
redoutait
ses
armes
inouïes
sublime
il
apparut
aux
tribus
éblouies
comme
un
mahomet
d’occident
leur
féerie
a
déjà
réclamé
son
histoire
la
tente
de
l’arabe
est
pleine
de
sa
gloire
tout
bédouin
libre
était
son
hardi
compagnon
les
petits
enfants
l’œil
tourné
vers
nos
rivages
sur
un
tambour
français
règlent
leurs
pas
sauvages
et
les
ardents
chevaux
hennissent
à
son
nom
parfois
il
vient
porté
sur
l’ouragan
numide
prenant
pour
piédestal
la
grande
pyramide
contempler
les
déserts
sablonneux
océans
là
son
ombre
éveillant
le
sépulcre
sonore
comme
pour
la
bataille
y
ressuscite
encore
les
quarante
siècles
géants
il
dit
debout
soudain
chaque
siècle
se
lève
ceux
ci
portant
le
sceptre
et
ceux
là
ceints
du
glaive
satrapes
pharaons
mages
peuple
glacé
immobiles
poudreux
muets
sa
voix
les
compte
tous
semblent
adorant
son
front
qui
les
surmonte
faire
à
ce
roi
des
temps
une
cour
du
passé
ainsi
tout
sous
les
pas
de
l’homme
ineffaçable
tout
devient
monument
il
passe
sur
le
sable
mais
qu’importe
qu’assur
de
ses
flots
soit
couvert
que
l’aquilon
sans
cesse
y
fatigue
son
aile
son
pied
colossal
laisse
une
trace
éternelle
sur
le
front
mouvant
du
désert
iii
histoire
poésie
il
joint
du
pied
vos
cimes
éperdu
je
ne
puis
dans
ces
mondes
sublimes
remuer
rien
de
grand
sans
toucher
à
son
nom
oui
quand
tu
m’apparais
pour
le
culte
ou
le
blâme
les
chants
volent
pressés
sur
mes
lèvres
de
flamme
napoléon
soleil
dont
je
suis
le
memnon
tu
domines
notre
âge
ange
ou
démon
qu’importe
ton
aigle
dans
son
vol
haletants
nous
emporte
l’œil
même
qui
te
fuit
te
retrouve
partout
toujours
dans
nos
tableaux
tu
jettes
ta
grande
ombre
toujours
napoléon
éblouissant
et
sombre
sur
le
seuil
du
siècle
est
debout
ainsi
quand
du
vésuve
explorant
le
domaine
de
naple
à
portici
l’étranger
se
promène
lorsqu’il
trouble
rêveur
de
ses
pas
importuns
ischia
de
ses
fleurs
embaumant
l’onde
heureuse
dont
le
bruit
comme
un
chant
de
sultane
amoureuse
semble
une
voix
qui
vole
au
milieu
des
parfums
qu’il
hante
de
pæstum
l’auguste
colonnade
qu’il
écoute
à
pouzzol
la
vive
sérénade
chantant
la
tarentelle
au
pied
d’un
mur
toscan
qu’il
éveille
en
passant
cette
cité
momie
pompéi
corps
gisant
d’une
ville
endormie
saisie
un
jour
par
le
volcan
qu’il
erre
au
pausilippe
avec
la
barque
agile
d’où
le
brun
marinier
chante
tasse
à
virgile
toujours
sous
l’arbre
vert
sur
les
lits
de
gazon
toujours
il
voit
du
sein
des
mers
et
des
prairies
du
haut
des
caps
du
bord
des
presqu’îles
fleuries
toujours
le
noir
géant
qui
fume
à
l’horizon
décembre
1828
xli
novembre
je
lui
dis
la
rose
du
jardin
comme
tu
sais
dure
peu
et
la
saison
des
roses
est
bien
vite
écoulée
sadi
quand
l’automne
abrégeant
les
jours
qu’elle
dévore
éteint
leurs
soirs
de
flamme
et
glace
leur
aurore
quand
novembre
de
brume
inonde
le
ciel
bleu
que
le
bois
tourbillonne
et
qu’il
neige
des
feuilles
ô
ma
muse
en
mon
âme
alors
tu
te
recueilles
comme
un
enfant
transi
qui
s’approche
du
feu
devant
le
sombre
hiver
de
paris
qui
bourdonne
ton
soleil
d’orient
s’éclipse
et
t’abandonne
ton
beau
rêve
d’asie
avorte
et
tu
ne
vois
sous
tes
yeux
que
la
rue
au
bruit
accoutumée
brouillard
à
ta
fenêtre
et
longs
flots
de
fumée
qui
baignent
en
fuyant
l’angle
noirci
des
toits
alors
s’en
vont
en
foule
et
sultans
et
sultanes
pyramides
palmiers
galères
capitanes
et
le
tigre
vorace
et
le
chameau
frugal
djinns
au
vol
furieux
danses
des
bayadères
l’arabe
qui
se
penche
au
cou
des
dromadaires
et
la
fauve
girafe
au
galop
inégal
alors
éléphants
blancs
chargés
de
femmes
brunes
cités
aux
dômes
d’or
où
les
mois
sont
des
lunes
imans
de
mahomet
mages
prêtres
de
bel
tout
fuit
tout
disparaît
plus
de
minaret
maure
plus
de
sérail
fleuri
plus
d’ardente
gomorrhe
qui
jette
un
reflet
rouge
au
front
noir
de
babel
c’est
paris
c’est
l’hiver
―
à
ta
chanson
confuse
odalisques
émirs
pachas
tout
se
refuse
dans
ce
vaste
paris
le
klephte
est
à
l’étroit
le
nil
déborderait
les
roses
du
bengale
frissonnent
dans
ces
champs
où
se
tait
la
cigale
à
ce
soleil
brumeux
les
péris
auraient
froid
pleurant
ton
orient
alors
muse
ingénue
tu
viens
à
moi
honteuse
et
seule
et
presque
nue
—
n’as
tu
pas
me
dis
tu
dans
ton
cœur
jeune
encor
quelque
chose
à
chanter
ami
car
je
m’ennuie
à
voir
ta
blanche
vitre
où
ruisselle
la
pluie
moi
qui
dans
mes
vitraux
avais
un
soleil
d’or
―
puis
tu
prends
mes
deux
mains
dans
tes
mains
diaphanes
et
nous
nous
asseyons
et
loin
des
yeux
profanes
entre
mes
souvenirs
je
t’offre
les
plus
doux
mon
jeune
âge
et
ses
jeux
et
l’école
mutine
et
les
serments
sans
fin
de
la
vierge
enfantine
aujourd’hui
mère
heureuse
aux
bras
d’un
autre
époux
je
te
raconte
aussi
comment
aux
feuillantines
jadis
tintaient
pour
moi
les
cloches
argentines
comment
jeune
et
sauvage
errait
ma
liberté
et
qu’à
dix
ans
parfois
resté
seule
à
la
brume
rêveur
mes
yeux
cherchaient
les
deux
yeux
de
la
lune
comme
la
fleur
qui
s’ouvre
aux
tièdes
nuits
d’été
puis
tu
me
vois
du
pied
pressant
l’escarpolette
qui
d’un
vieux
marronnier
fait
crier
le
squelette
et
vole
de
ma
mère
éternelle
terreur
puis
je
te
dis
les
noms
de
mes
amis
d’espagne
madrid
et
son
collège
où
l’ennui
t’accompagne
et
nos
combats
d’enfants
pour
le
grand
empereur
puis
encor
mon
bon
père
ou
quelque
jeune
fille
morte
à
quinze
ans
à
l’âge
où
l’œil
s’allume
et
brille
mais
surtout
tu
te
plais
aux
premières
amours
frais
papillons
dont
l’aile
en
fuyant
rajeunie
sous
le
doigt
qui
la
fixe
est
si
vite
ternie
essaim
doré
qui
n’a
qu’un
jour
dans
tous
nos
jours